La Chronique Agora

Hausse des marchés : ne vous fiez pas aux apparences

▪ « En tout cas, un beau décrochage nous pend au nez ! »

C’est sur ces mots que ma collègue Nathalie Boneil, rédactrice du Billet du Trader a terminé notre réunion éditoriale de jeudi — et au risque de décevoir pas mal de monde, je dirais qu’elle a sans doute raison.

Les gros titres ces derniers temps font penser que tout va bien ; la sortie de crise est pour demain — d’ailleurs, à l’heure où j’écris ces lignes, il fait beau sur Paris.

Que demander de plus ?

Un brin de réalisme, peut-être.

Comme l’expliquait Bill jeudi, rien n’est réglé :

« Une fois encore, les commentateurs parlent d’une ‘reprise’ après la Grande Récession. Autant vous le dire tout de suite, cher lecteur : il n’y a pas eu de Grande Récession, et il n’y aura pas de reprise. On ne se remet pas de ce qui mine l’économie occidentale. On en meurt. Ensuite, une nouvelle économie peut naître ».

« De nombreuses personnes affirment toutefois voir les signes d’une reprise… qui reste quand même aussi discrète que le monstre du Loch Ness. Les économistes de Goldman Sachs estiment par exemple que le chômage devrait atteindre 8,5% en moyenne cette année aux Etats-Unis — quasiment le même niveau que l’an dernier. Ce n’est pas une reprise ».

Bill en revient ensuite aux fondamentaux : « qu’est-ce qui nourrira la ‘reprise’ que les analystes croient voir venir ? » se demande-t-il. « Pas les dépenses des ménages. Ils n’ont pas d’argent à dépenser. Alors quoi ? Rien. Il n’y aura pas de reprise ».

Philippe Béchade lui emboîtait le pas vendredi, en déplorant au passage le rôle des médias dans ce qu’on pourrait presque considérer comme une entreprise de « propagande pour lunettes roses » :

« Les médias anglo-saxons participent volontiers à [une] lecture biaisée de l’actualité. Ils font leur une avec les bonnes surprises du jour et rejettent les mauvaises nouvelles en fin de rubrique, quand il ne reste que 30 secondes pour évoquer les anecdotes diverses ».

« Et quand une statistique est incontestablement mauvaise, les commentateurs dégainent aussitôt leur ‘c’est moins pire que prévu’, ou ‘c’est un simple accident de parcours’. »

« […] C’est officiellement tout ce qui compte. Le marché se fiche éperdument de savoir que la BCE refuse d’être impliquée dans une décote visant ses 40 milliards d’euros d’emprunts grecs… et que de nombreux hedge funds n’acceptent pas de participer à un effort volontaire au-delà de -50% ; la Grèce sera donc acculée à la faillite quoi qu’en disent les experts de Bruxelles ou du FMI. Ne parlons pas du Portugal, qui se retrouve en fâcheuse posture, et de l’Irlande, au bord du défaut de paiement ».

Au niveau international, donc, c’est l’optimisme à tout prix qui règne — dans l’intérêt des cours boursiers, bien sûr.

▪ En ce qui concerne la France elle-même, en ces temps de campagne présidentielle, on frôle des sommets en matière de langue de bois. Simone Wapler allait au-delà du voile pudique qu’on tente de tirer sur les vrais problèmes de fonds :

« Personne ne veut commencer à aborder les sujets qui vont vraiment fâcher », disait-elle jeudi dans La Stratégie de Simone Wapler :

« Le coût du travail façonne la compétitivité ; l’Occident n’a plus le monopole de la matière grise ; une population vieillissante est moins productive ; les dettes publiques sont un boulet ».

« Tant que ces sujets ne sont pas traités, nous restons bien sur le chemin de la faillite nationale », insiste-t-elle.

« L’ingérence permanente de l’Etat et la versatilité fiscale détraquent l’économie et détournent les capitaux des investissements utiles. L’immobilier d’habitation en est un excellent exemple.

La pierre est devenue totalement spéculative ; les spéculateurs ne cherchent qu’une chose : que le prix du mètre carré se renchérisse. Les véritables investisseurs qui aimeraient simplement un rendement locatif décent ne le trouvent pas en raison d’indices manipulés, de procédures d’encadrement des loyers et de matraquage fiscal. Ils cherchent des parades (voir salon de lecture). Sur le marché classique, résultat garanti : pénurie ».

« De l’autre côté de l’Atlantique, où la campagne électorale commence également, on persiste et signe. Le maintien par la Fed de taux bas et une probable nouvelle passe d’impression de dollars tracent la voie d’une future dépression hyper inflationniste. L’or ne s’y est pas trompé et a décidé de repasser la barre des 1 700 $ l’once ».

Décidément, pour reprendre les propos d’Eric Fry hier, nos autorités nous fournissent raison après raison d’acheter de l’or, de l’argent-métal et de nombreux autres actifs tangibles et non soumis aux caprices inflationnistes de Bernanke, Monti et al.

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser

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