La Chronique Agora

Happy New Year Etats-Unis ! A 00H01 le 1er janvier 2011, vous deviez exactement 14 300 milliards de dollars

▪ Bienvenue en 2011 ! Que cette nouvelle année vous apporte santé, sérénité et pourquoi pas quelques délicieux frissons si les marchés opéraient une reconnexion avec la réalité après des mois de paradis artificiels, sous perfusion de quantitative easing 2.

Nous n’allons pas vous faire languir, 2011 démarre très fort avec un véritable psychodrame politique à propos du déficit budgétaire américain. Austan Goolsbee, un proche conseiller de Barack Obama, a déclaré hier sur la chaine ABC que ne pas relever le plafond de la dette des Etats-Unis au-delà de 14 300 milliards de dollars serait une « folie » aux conséquences « catastrophiques », qui serait assimilée à l’acceptation d’un défaut de paiement sur les obligations américaines, une première dans l’histoire de ce pays.

Et de conclure : « ce serait une crise économique et financière bien pire que tout ce nous avons vu en 2008 ».

Nous sommes prêts à parier que certains des élus républicains — désormais majoritaires à la Chambre des représentants –, qui menacent de s’opposer à l’extension du plafond de la dette, finiront par voter une enveloppe de 15 000 milliards de dollars ou plus si nécessaire, en l’échange de quelques réaménagements de la fiscalité au profit des sponsors de leur campagne électorale.

Car il est tout à fait impossible d’obtenir qu’ils soutiennent la proposition inverse : un alourdissement des taxes et impôts visant à rééquilibrer les finances de la nation.

▪ Il va donc falloir tailler dans les dépenses, sociales prioritairement puisqu’il n’est pas question non plus de faire des coupes dans les investissements visant à renforcer la sécurité du pays, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières.

Un nouveau type de menace va devoir être traitée, ce qui va requérir de gigantesques ressources informatiques : museler les « hacktivistes » de réseaux tels que WikiLeaks. Le site a déjà rebaptisé « cyberterroristes » par les républicains nostalgiques de l’époque où le seul fait de brandir le portrait d’un ennemi présumé de l’Amérique suffisait à faire voter des budgets illimités pour déclencher une guerre ruineuse, impossible à gagner militairement et profondément nuisible sur le plan géostratégique.

L’énorme avantage du renforcement de la lutte contre le cyberterrorisme, ce sera de justifier une intrusion toujours plus poussée dans la sphère privée du citoyen lambda, lequel, avec l’adresse IP de son ordinateur, son smartphone au cryptage transparent, puis ses contributions sur Facebook et autres Tweeter tend le bâton pour se faire battre.

▪ Si de « grandes oreilles » numériques épient en permanence l’usage que nous faisons d’Internet, avec toujours plus d’acuité, les robots de trading mettent la sphère boursière en coupe réglée, produisant des scénarios de marché toujours plus improbables, des séries haussières ou baissières ne reflétant plus aucun profil psychologique connu.

Preuve que l’on s’habitue à tout et de préférence aux exceptions qui confirment la règle, les stratèges misent sur une année 2011 s’inscrivant dans le prolongement de 2010 puisque le tableau général — la picture comme disent les Anglo-saxons — semble identique à celle de fin décembre 2009.

Autrement dit, le stock de cartes de voeux de l’année précédente pouvait resservir fin 2010, avec les mêmes mentions. Nous vous souhaitons 10% de croissance dans les émergents, une hausse de 25% des bénéfices des valeurs du CAC 40, de l’Eurotop 100 et du S&P 500 et 15% de plus-values sur les indices boursiers.

▪ Tout ceci repose sur cet argument incontournable et répété comme un mantra depuis 18 mois : la prime de risque demeure et restera la plus favorable que l’on ait connu au cours des 30 dernières années.

Elle est en effet très élevée parce que le taux de rémunération sans risque est anormalement faible dans la mesure où il a été maintenu à un niveau artificiellement bas par les autorités monétaires.

Cette prime de risque n’a rien de naturel et ne doit rien à la libre manifestation des lois économiques. C’est un pur artifice, tout comme la croissance de la masse monétaire qui ne correspond à aucune création de vraie richesse présente ou à venir… mais à de la fausse monnaie, qui comme chacun sait, chasse la bonne.

C’est pourquoi les investisseurs se réfugient dans des actifs tangibles comme le cuivre, l’or ou les soft commodities — le blé a grimpé de 47% en 2010, le coton de 92%.

▪ Parallèlement, les actions grimpent dans le vide grâce à l’effet de levier que les produits dérivés procurent aux hedge funds car les acheteurs finaux (assureurs, banques de réseau) ont déserté ce marché fantôme depuis de nombreux mois.

Les prix sont littéralement fixés par un oligopole de trois intervenants principaux (tous SVT, dont Goldman Sachs qui a le statut très privilégié d’apporteur de liquidité) et de six autres heureux élus (également SVT) qui agissent tous dans le même sens.

Il n’y a aucun véritable fondement dans les prix atteints par quantité d’actions car ils ne correspondent à aucune valeur. Côté traders individuels, il y a majoritairement des suiveurs qui essayent de s’adapter du mieux qu’ils peuvent à un jeu boursier truqué (carnets d’ordres factices, déclenchements manipulatoires de stops) imposé par les logiciels ultrarapides.

▪ Lorsque le soutien artificiel des cours cesse de présenter un intérêt stratégique, il peut en résulter des trous d’air incompréhensibles comme celui survenu le vendredi 31 décembre dernier, après la rupture du palier des 3 850 points.

Le repli du CAC 40 avait été fortement amplifié jeudi par une série de bonnes statistiques américaines concernant le chômage en donnée hebdomadaire (qui repasse sous la barre des 400 000 pour la première fois depuis 2 ans et demi) et le rebond de l’activité industrielle dans la région de Chicago. Bilan des « bonnes nouvelles » conjoncturelles sur les places européennes à l’issue de la dernière semaine de l’année : un repli moyen de 2,5%.

Les stratèges de Goldman Sachs nous promettent que les conditions économiques vont continuer de s’améliorer aux Etats-Unis. Avec un déficit étendu au-delà de 14 300 milliards de dollars (10 fois celui prévu en France qui compte cinq fois moins d’habitants), une notation de sa dette AAA qui fait ricaner les Russes et les Chinois, nous voyons mal comment il pourrait en être autrement !

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