La Chronique Agora

Greenspan : L’homme qui savait

Greenspan

Notre économie est censée être une économie de marché. Les prix ne sont pas fixés par le gouvernement : on les « découvre » sur des marchés ouverts et libres. Nous avons vu ce qui est arrivé aux Soviétiques lorsqu’ils ont tenté de gérer une économie planifiée avec des prix fixés par des bureaucrates. Nous savions que cela ne pouvait pas fonctionner.

Probablement que personne ne le savait mieux qu’Alan Greenspan. Il a écrit un essai réputé, dans lequel il explique pourquoi l’argent est le « dénominateur commun » de toutes les transactions économiques, et pourquoi « l’or et la liberté économique sont indissociables ».

Autrement dit, il a compris la même notion que celle découverte par George Gilder, un demi-siècle plus tôt : on a besoin d’une monnaie ancrée à l’économie réelle.

Ludwig von Mises, peut-être le plus influent de tous les économistes de l’Ecole autrichienne, avait établi cette distinction il y a longtemps, déjà. Il existe deux types de monnaie, disait-il.

L’une, c’était ce qu’il appelait la « monnaie marchandise », rattachée à l’économie des choses réelles… les marchandises.

La monnaie de circulation ne dépend plus de l’économie réelle

L’autre, c’était ce qu’il appelait la « monnaie de circulation », créée par les banques ou les gouvernements indépendamment de l’économie réelle. Cette monnaie de circulation, celle que nous avons à l’heure actuelle, peut être facilement manipulée, et conduit inévitablement à des bulles, de l’inflation et autres excès.

Parmi ces excès, j’ai déjà évoqué l’importante hausse enregistrée sur le marché actions. En termes nominaux, les gens qui possédaient des actions se sont retrouvés sept fois plus riches à la fin du mandat de M. Greenspan qu’à son début, soit une hausse de 17 000 Mds$ de la valorisation boursière.

Marquons une pause afin de réfléchir à ce que cela signifie. Les gens qui possédaient des actions ont pu acheter et vendre – mais pas tous en même temps – des maisons, des voitures, tout ce qu’ils voulaient. Ils se sont enrichis mais ils n’ont pas créé davantage de richesses.

D’où est sortie cette richesse boursière supplémentaire ? Réponse : de la même source que celle de ce nouvel argent adossé au crédit : de nulle part.

Cette nouvelle richesse n’est pas du tout de la richesse, en réalité. Elle ne représente rien d’autre que des créances exigibles sur la richesse d’autrui. Les actionnaires ne peuvent matérialiser leur surcroît de richesse qu’en prenant quelque chose à quelqu’un d’autre : de l’immobilier, de l’art, des entreprises, tout ce dont la valeur sous-performe le marché actions.

Autrement dit, il ne s’agit pas de la richesse gagnant-gagnant issue d’une économie de marché. Il s’agit de la richesse gagnant-perdant issue de la politique. C’est comme si vous gariez votre voiture dans un parking et qu’ensuite, afin de stimuler l’économie locale, le parking commençait à émettre des tickets de parking supplémentaires.

Le nombre de voitures disponibles ne change pas. Mais les voitures sont récupérées par les premiers arrivés. Or qui sont-ils ? Les initiés. Les parasitocrates. Les gens qui savent vraiment ce qu’il se passe.

La monnaie est devenue un outil politique

Voilà quel est, selon moi, le véritable objet fondamental des nombreux changements et bizarreries que nous avons constatés au cours de ces 30 dernières années. L’argent de circulation – tel que le dollar actuel, fondé sur le crédit – est un outil politique, et non économique. Les marchés apprennent à vivre avec, comme ils le font avec toutes les informations qui leur parviennent, mais cela déforme profondément la façon dont une économie honnête est censée fonctionner.

Si vous recherchez un coupable, vous pouvez blâmer Alain Greenspan. Il n’a pas créé cette situation. Mais il s’y est plié volontiers. C’est lui qui, le premier, a adopté cette façon de soutenir le cours des actions en assurant les arrières des marchés avec de l’argent facile, dès 1998, lors du spectaculaire effondrement de Long-Term Capital Management, ce hedge fund tristement célèbre.

Ce modèle s’est tellement enraciné et il est devenu si notoire que les investisseurs le considèrent comme une option put, un pari à la hausse. On l’a surnommé le Put de Greenspan — puis le Put de Bernanke – et, désormais, le Put de Yellen.

En fait, les investisseurs sont convaincus que la politique l’emportera toujours.

Si le marché baisse sérieusement, les politiciens, sous la houlette de Janet Yellen, sont obligés d’acheter. Ainsi, les investisseurs peuvent offrir leurs actions à la Fed, à un cours qui leur épargne des pertes considérables.

Comme l’a remarqué Alan Greenspan, l’or et la liberté économique sont liés. L’or est une monnaie que les gouvernements – et leurs complices, les compères – ne peuvent manipuler. Une monnaie adossée à l’or est limitée à ce que l’économie produit réellement. Aucune banque, aucun service du gouvernement ne peut créer de l’or.

L’étalon-or limite naturellement le volume de l’argent et des dettes, au sein d’une société. Il limite le commerce, les opérations courantes et les dettes publiques ; il limite le développement d’un empire financé par la dette, et celui du Deep State également.

Alan Greenspan le savait bien.

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