▪ Comme un soldat athénien refusant de mettre le deuxième genou à terre face à une horde de fantassins spartiates, le gouvernement grec rassemble ses dernières forces et dresse son bouclier dans une tentative désespérée de parer les coups qui pleuvent de toute part.
Un train de mesures d’économies de 325 millions d’euros supplémentaires (exigées par les créanciers) aurait finalement été mis sur les rails. Mais la plupart des observateurs soulignent le manque de stabilité du ballast et l’absence de nombreux boulons pour fixer les traverses.
En d’autres termes : tout peut dérailler dès la mise en route du convoi, car les fonctionnaires et les gens bénéficiant du SMIC grec ont bien compris qu’ils vont être ficelés sur la voie à la sortie du premier virage.
Leur seule chance de survie, c’est que le train de l’austérité démarre à grands coups de sifflets pour rassurer le chef de gare allemand, qui va s’assurer qu’il s’élance bien à l’heure. Mais il y a de fortes chances que la locomotive quitte la voie dès que le dernier wagon aura franchi le bout du quai.
▪ La Grèce plie et les marchés montent
Les Grecs, en fins manoeuvriers viennent donc de tout accepter — d’après les dernières rumeurs circulant dans les salles de marché. Ils le font savoir par divers canaux plus ou moins officiels, ce qui a aussitôt fait rebondir Wall Street de 0,8 à 1%. Il va être difficile dans ces conditions de démentir de telles avancées, au prétexte que les garanties apportées ne valent pas grand-chose.
Le président grec est sorti de sa réserve mardi soir. Du haut de ses vénérables 82 printemps, il a clairement accusé M. Wolfgang Schäuble d’humilier son pays et Berlin de vouloir placer Athènes sous sa botte. Voilà des déclarations lourdes de méchants sous-entendus et qui en disent long sur la germanophobie ambiante.
Si l’Allemagne ou le FMI rétorquent que si le compte y est sur le papier, il n’en va pas de même pour le calendrier ; la remise du retour à l’équilibre budgétaire aux calendes grecques, vous connaissez. Le gouvernement grec pourra arguer de sa bonne foi outragée, du peu de cas qui est fait de la parole donnée, et affirmer que si l’Europe n’a pas confiance, ce n’est même pas la peine de continuer sur la voie de l’hyper-austérité.
Que l’Europe garde ses si précieux 130 milliards et son maudit euro qui ruine le commerce extérieur des pays du Sud. La Grèce tire sa révérence et commence à imprimer la nouvelle drachme.
▪ La Grèce passe en seconde division et risque de ne pas être la seule
Pour illustrer ce scénario par une image footballistique, de nombreux économistes jugeraient regrettable que la Grèce soit reléguée en seconde division. Mais elle s’y trouvait déjà avant la mi-saison. Elle n’a plus personne en attaque (aucun projet pour investir et revitaliser le pays)… le milieu de terrain est désert (absence d’entreprises compétitives)… la ligne de défense est à l’infirmerie (les recettes fiscale s’effondrent, les capitaux prennent la fuite) et le gardien de but est ligoté à son poteau (mise sous tutelle du ministère du budget par Bruxelles).
Et pour pousser l’analogie un peu plus loin, le règlement du championnat de football de la quasi-totalité des grandes nations (qui participent à la coupe d’Europe) stipule que les trois derniers clubs de première division descendent en seconde à la fin de la saison tandis que les trois premiers de la division inférieure accède à la Ligue 1.
Si le sort de la Grèce semble quasiment scellé, quels sont les deux autres candidats à la descente ?
Le Portugal et l’Espagne seraient archi-favoris, les médias anglo-saxons s’en sont déjà fait l’écho. Mais d’autres pays très fragiles comme Chypre, Malte ou même l’Irlande pourraient faire partie de la charrette.
Et pendant ce temps-là, les rares capitaux étrangers qui reprennent le chemin de l’Europe vont s’investir presque exclusivement en Allemagne. Ils vont soit dans des Bunds déjà archi-surévalués — et dont le rendement est négatif inflation déduite — soit dans des valeurs phares du DAX 30. Comment croyez-vous qu’il parvient à progresser deux fois plus vite que le CAC 40 ou l’Euro-Stoxx 50 ?
Difficile de ne pas y voir un pari (constant depuis maintenant près de deux ans) sur l’émergence d’un futur euromark !
▪ Wall Street accumule les records pour accueillir les Trois sorcières
Mais pour en revenir à des préoccupations plus immédiates, Wall Street qui s’envolait jeudi soir de 1% dès la mi-séance préparait le terrain à une journée des « Trois sorcières » placée sous le signe des records annuels. En effet, le Dow Jones a re-franchit les 12 900 points, le S&P a retracé ses sommets de début mai 2011. Le Nasdaq, quant à lui, s’est envolé de 1,5%, au-delà des 2 960 points.
En transactions hors séance, le CAC 40 progressait de 0,9%, retraçant la zone des 3 420 points, ce qui pourrait permettre d’effacer les 1,6% de pertes de la semaine précédente.
Le début de la matinée de jeudi a été marqué par des dégagements assez appuyés qui ont envoyé de la CAC 40 tester 3 352 points (de peur que la Grèce ne fasse défaut d’ici le 14 mars). Le maintien de l’indice au-dessus des 3 370 points n’a pas donné lieu à un bras de fer homérique à coup de milliards entre haussiers et baissiers.
Les vendeurs n’ont pas insisté. Ils étaient bien conscients que cette veille de séance des « Trois sorcières » (expiration des contrats sur indice échéance février) n’était guère propice à déclencher des shorts. Pendant ce temps, les grands manipulateurs ont démontré — avec la fameuse fausse rumeur grecque de mardi soir — leur détermination à maintenir une tendance haussière en Europe, jusqu’à cet après-midi (16h) très vraisemblablement.
▪ Encore de bonnes statistiques américaines…
La publication d’un indice Philly Fed en hausse de 7,3 vers 10,2 est tombé à pic jeudi vers 16h pour doper le moral des troupes à Wall Street.
Bonne surprise également sur le front de l’emploi (avec 13 000 chômeurs en moins la semaine passée, sous les 350 000, soit le taux le plus bas depuis mars 2008). Le secteur du logement connaît aussi une hausse de 1,5% des mises en chantier et de 0,7% des demandes de permis de construire (l’essentiel des projets concernant de l’immobilier locatif).
▪ … Qui cache les dégradations de Moody’s et la flambée du pétrole
De quoi faire complètement oublier l’avertissement de Moody’s qui envisage de dégrader de nouveau la notation d’une centaine de banques (114 précisément). Parmi ces dernières on retrouve la plupart des établissements de crédit espagnols et pas moins de 10 banques françaises.
De quoi occulter également les conséquences néfastes de la flambée du pétrole sur le pouvoir d’achat des ménages américains qui sont très sensibles au prix du fioul et de l’essence.
L’Europe pourrait également pâtir d’un impact tout aussi négatif sur la demande intérieure car toute l’Europe du Sud est soumise à une forte pression à la baisse sur les salaires.
Attention, car le baril de WTI franchit le cap des 102,5 $ et le Brent tutoie les 120 $ à Londres. Cela devient très chaud (et sans doute explosif) car la mèche de l’austérité se consume depuis déjà plus de deux ans chez nos voisins du Sud, alors que les gouvernements respectifs des PIIGS ont choisi de jeter les extincteurs !