La Chronique Agora

Standard & Poor’s abaisse la notation de la dette grecque

▪ Nous ne croyons toujours pas au hasard lorsque les indices américains ne font rien pendant les deux premières heures, puis s’envolent soudain de 0,7% dès que les places européennes ont clôturé. Ces dernières ont d’ailleurs terminé presque au plus bas, juste au contact d’importants supports moyen terme.

Sitôt le fixing achevé à Paris, Londres et Francfort, le Dow Jones a repris 100 points en ligne droite — dont 80 points en une demi-heure. Le Nasdaq a grimpé de zéro vers +0,7% sans marquer la moindre pause, et le S&P affichait +0,6% à 1 348 points.

Ne cherchez pas la nouvelle économique qui a provoqué ce soudain vent d’euphorie. L’arrache des cours, sans raison identifiable, a déclenché une vague de rachats automatiques de ventes à découvert. Nous imaginons sans peine qu’elles ont été motivées par les doutes sur la croissance américaine et la solvabilité de la Grèce.

D’après les commentaires glanés sur les sites boursiers américains, les indices se sont envolés dans le sillage des valeurs pétrolières et minières.

En effet, le baril s’est redressé de façon spectaculaire — de 4% à 101 $ sur le NYMEX. Le gasoil grimpait quant à lui de 5,5% à 3,26 $ le gallon. Il n’est pas certain que ce soit une bonne nouvelle pour les consommateurs mais c’est une bonne nouvelle pour les spéculateurs.

Ceux qui se sont fait étriller la semaine passée voient leurs pertes potentielles se réduire significativement et il n’est peut-être plus impératif de vendre des actions pour se couvrir.

▪ Certains hedge funds ont perdu très lourd dans la correction de la semaine passée. Le Britannique Clive Capital aurait subi une perte de 400 milliards d’euros, ce qui équivaut à 9% de son encours. D’autres, plus petits mais plus exposés, auraient chuté de 20%, compte tenu de l’effet de levier vertigineux et d’un appétit immodéré pour le risque. La devise des marchés reste : « avec l’argent de la Fed, ça gagne à tous les coups ».

A défaut de gagner sur tous les tableaux, une montée en flèche plus précoce de Wall Street aurait permis à la Bourse de Paris de limiter la casse. Le CAC 40 a effacé ses gains de vendredi et préservé in extremis les 4 000 points (à 4 007 points en clôture).

En revanche, l’Euro-Stoxx 50 chute de 1,6% (après +0,9% vendredi) dans le sillage de Milan (-1,3%), Madrid (-1,95%) et Athènes. Cette dernière constitue l’épicentre des inquiétudes qui ont ressurgi depuis vendredi soir.

▪ L’agence de notation Standard & Poor’s abaisse de deux crans la notation de la dette grecque à « B » avec perspective négative ; la Grèce juge cette décision infondée. L’autre agence de notation, Moody’s, ne devrait pas tarder à lui emboîter le pas pour une dégradation potentielle de deux à trois crans d’un coup.

Après six à sept semaines d’occultation délibérée — bien que le deux ans grec ait explosé avec un rendement passé de 15 à 25% — la question de l’insolvabilité de la Grèce refait soudain les gros titres. Tiens ? Juste au moment où l’euro s’en allait franchir la barre des 1,50 $… encore un des ces singuliers « hasards » dont les marchés ont le secret.

Wall Street avait tangué vendredi soir lorsque les opérateurs ont appris la tenue d’une réunion de crise (qualifiée de simple réunion de travail) entre les ministres des Finances et des représentants de la Commission européenne ce week-end au Luxembourg.

Dans le même temps, un des plus influents magazines économiques allemands publiait un article évoquant une sortie de la Grèce du système monétaire européen.

Le patron de l’institut allemand IFO (l’équivalent de l’INSEE en France) enfonçait ce lundi un nouveau clou dans ce qui pourrait être le cercueil de l’aventure monétaire grecque ; il a déclaré que la sortie de la Zone euro constituerait « la moins pire des solutions ».

Plus personne ne cherche à nier l’évidence selon laquelle « il va falloir remettre au pot » pour permettre à Athènes de rembourser ses prochaines échéance. Le pays s’enfonce dans une récession d’une ampleur jamais vue depuis les années 80 ; il est exsangue financièrement et la dette continue de s’aggraver alors que les recettes fiscales chutent dramatiquement.

Plus on cherche à réduire le train de vie de l’Etat, plus l’activité économique s’effondre. La hausse des carburants achève de déprimer la consommation.

Mais comme on ne change pas des recettes qui échouent systématiquement, les Finlandais ont repris à leur compte le leitmotiv rigoriste allemand et suggèrent que la Grèce va devoir faire d’avantage d’efforts.

Pour ramener les déficits dans les proportions promises, il suffit de procéder à quelques changements. Par exemple, diminuer la paye des fonctionnaires par deux (alors qu’un seul poste sur cinq sera remplacé à compter de maintenant)… ramener les allocations chômage à 400 euros par mois (plafond forfaitaire, comme en Angleterre)… et éradiquer la fraude fiscale — avec des effectifs de fonctionnaires réduits de moitié pour accomplir cette tâche, cela va de soi.

Mme Lagarde affirme que nous saurons d’ici le 16 mai si Athènes doit accomplir de « nouveaux efforts » pour bénéficier du soutien de ses partenaires. Comme si cela pouvait changer quoi que ce soit à l’équation actuelle…

▪ Il y a encore plus risible : il s’agit du fameux argument selon lequel, en optant pour une « monnaie de singe », la Grèce alourdirait d’autant sa dette libellée en euro !

Donnez-nous quelques secondes pour reprendre notre souffle car nous nous tenons les côtes !

Quand un pays qui fait défaut sur les intérêts de sa dette — ce n’est qu’une question de mois — se retrouve également incapable de rembourser le principal (comme l’Argentine il y a 10 ans), peu importe dans quelle monnaie la dette est libellée… puisqu’elle ne sera pas remboursée !

Quand vous êtes ruiné, peu importe que vous envoyiez une Trabant ou une Porsche dans un platane. Vous n’avez pas de quoi payer… et c’est celui qui vous a prêté son véhicule qui passe pour un idiot !

Les Allemands considèrent qu’ils peuvent encore se permettre de faire une croix sur une guimbarde — même si l’emblématique Trabant est devenue une pièce de musée. Mais il est inutile d’envoyer dans le décor un magnifique Roadster 12 cylindres turbocompressé, jantes ultra-larges et design intérieur par Hermès.

Le marché pense de même, et se dit déjà que le bon côté des choses, c’est que les vacances en Grèce pourraient coûter beaucoup moins cher en 2013 !

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