La Chronique Agora

C’est le grand tournant pour l’Inde : tenez-vous prêt !

▪ C’est vrai, l’Inde vient de traverser une mauvaise passe en 2012. Complexité bureaucratique, hiérarchisation de la société, clientélisme et au final immobilisme du pouvoir… tous ces maux se sont brutalement retrouvés en première page de nos journaux. Résultat, la croissance indienne devrait tomber à 5,5% cette année, contre 6,5% en 2011, et loin des 8-9% des années précédentes.

Pourtant les pronostics sur la fin du « miracle » indien étaient prématurés. L’Inde a d’abord été victime de son modèle économique. Fournisseur de services informatiques pour les firmes occidentales, le ralentissement de ses clients a mécaniquement fait plonger les bénéfices. Or 56% du bénéfice indien provient des services.

Le frémissement de la croissance aux Etats-Unis pourrait annoncer le retour d’une croissance indienne. Je considère toutefois qu’un autre facteur est en train de relancer la croissance : la réforme politique. En Inde plus qu’ailleurs, c’est l’Etat qui tient entre ses mains le potentiel de croissance du pays.

Or depuis quelques semaines, le gouvernement s’est saisi à nouveau des rênes de l’économie et a décidé de repartir au galop. Objectif : lancer une nouvelle phase de réforme.

Un secteur sera notamment au coeur de ce changement structurel, je vous en parle dans un instant.

▪ Manmohan Singh I, II, III, IV…
Comme le rappellent les analystes de Gavekal, peu suspects de verser dans l’interventionnisme étatique, « la politique est cruciale en Inde, car toute les poussées de croissance ont été précédées d’un train de réformes ». Si Gavekal cite les réformes entreprises après la crise asiatique de 1997, on peut remonter jusqu’au début des années 1990 pour trouver le premier exemple de ce lien. Après une grave crise de paiement en 1991, l’Inde a décidé de se réformer en profondeur pour poser les jalons du pays libéral et innovant que nous connaissons aujourd’hui.

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Si le politique précède les réformes économiques, on peut même ajouter qu’un homme précède le politique, Manmohan Singh. Déjà à l’oeuvre en 1991 comme ministre des Finances, c’est en tant que Premier ministre qu’il vient de lancer un « processus de relance » de l’économie selon ses propres termes. Trois secteurs sont concernés.

La réforme fiscale
L’Etat veut retrouver un équilibre budgétaire. Pour ce faire, le Premier ministre a annoncé plusieurs changements fiscaux. Les subventions, par exemple au carburant diesel, seront abaissées, et les impôts seront probablement augmentés. Comme le résume le Premier ministre, « nous allons accélérer le processus de désinvestissement, ce qui ranimera également notre marché boursier ».

Une plus grande ouverture aux investissements
La chambre basse indienne a voté en début de mois une loi relevant le plafond du droit de vote des actionnaires. Apparemment anodine, cette loi va pourtant avoir « un impact positif sur le drainage des fonds » pour la société de recherche en investissement SMC Global Securities.

La libéralisation de l’économie
C’est peut-être le secteur le plus médiatisé. Les investisseurs avaient poussé des cris d’orfraie en début d’année 2012 lorsque le gouvernement n’avait pas réussi à ouvrir le marché de la distribution. C’est désormais chose faite. Dans les mois à venir, d’autres secteurs devraient être libéralisés, comme l’assurance ou l’aviation. L’Etat devrait également vendre ses participations dans plusieurs secteurs. Ce mois-ci, l’Etat a vendu 10% des parts du premier producteur de minerai de fer indien, NMDC. Ce type d’opération devrait se multiplier jusqu’en mars.

Comme l’a annoncé Manmohan Singh, « les mesures que nous avons prises ne sont que le début d’un processus de relance de notre économie qui consiste à ramener le taux de croissance à 8% ou 9% ». Or tout porte à croire que ces mesures seront pérennisées dans le temps, pour deux raisons.

▪ La croissance, un objectif politique…
On peut se demander si le Premier ministre indien n’a pas choisi le timing de la réforme en fonction de pures considérations politiques. Car les réformes votées actuellement ne commenceront à produire des effets que l’année prochaine, voire en 2014… l’année des élections nationales. En tout cas, il est clair que la croissance sera au coeur de l’élection, raison de croire à son redressement, au moins jusqu’à cette échéance.

▪ … mené avec une rigueur d’économiste allemand
C’est peut-être le tournant le plus important au sein de l’économie indienne. En décembre, la Banque centrale indienne a refusé d’abaisser ses taux directeurs, arguant que l’inflation était encore trop haute. A l’heure où d’autres pays émergents, à l’instar du Brésil, ont choisi l’outil de la relance budgétaire pour faire repartir leur économie, l’Inde montre une étonnante rigueur. Cette orthodoxie est le gage d’une croissance de long terme.

▪ Mon conseil : misez sur la progression du marché interne
L’Inde a déjà démontré sa capacité à évoluer extrêmement vite. Comme le notait récemment Jean-Joseph Boillot, économiste et conseiller au club du CEPII (centre français d’études et de recherches en économie internationale), l’Etat indien du Bihar était au début des années 2000 un des Etats les plus corrompus et violents du pays. Après une réforme profonde, l’Etat est en tête des taux de croissance dans le pays.

Pour profiter des nouvelles opportunités d’investissement en Inde, je vous conseille de miser sur la progression du marché interne. Longtemps dépendant de la croissance des pays occidentaux, l’agenda économique posé par New Delhi semble vouloir effectivement privilégier la demande interne.

Un secteur va en particulier recevoir toutes les attentions du gouvernement : l’énergie. Victime d’une gigantesque panne de courant qui a plongé 670 millions d’Indiens dans le noir cet été, le gouvernement a annoncé sa volonté de privatiser les fleurons du secteur.

Certains acteurs de l’énergie indienne sont cotés, à l’instar de Tata Power. Vous pouvez également miser sur l’énergie renouvelable, dont l’Inde est un marché important, avec Kyocera. Cette compagnie est bien implantée dans toute l’Asie. Pour une exposition plus large au marché indien, je vous recommande l’ETF Ipath MSCI India Index.
[NDLR : L’Inde a prévu de construire 12 nouveaux réacteurs d’ici 2021 pour satisfaire une partie de sa demande. Avec le programme chinois qui prévoit la construction de 52 réacteurs, la demande d’uranium va croître ; entraînant ses prix à la hausse. Matières à Profits a investi très tôt sur le marché de l’uranium pour profiter de la faim énergétique des émergents. Pour en savoir plus…]

Première parution dans l’Edito Matières Premières & Devises du 20/12/2012.

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