« Le Trumpismo », avons-nous confié vendredi dernier à un confrère, « c’est tout ce que vous devez savoir ».
Nous attendons impatiemment de voir ce que seront les quatre années à venir, avec un sentiment mêlé de curiosité, d’effroi et de pur voyeurisme.
Ce n’est pas comme si nous savions ce qu’il va se passer. Pas du tout. Mais nous avons une vague idée de comment cela va se passer.
D’abord, une démagogie symbolique
Tout tourne autour de la première personne du singulier.
Même George W. Bush a dit qu’il était gêné de dire « je » lorsqu’il parlait de ses politiques et plans. Pas Trump. Il y a recours régulièrement, et de façon extravagante, même lorsque cela n’a aucun sens du point de vue égocentrique.
Par exemple, à la Convention républicaine de l’an dernier, il avait affirmé que le pays était en crise. Puis, c’est bien connu, il a déclaré : « Je suis le seul à pouvoir réparer cela ».
C’est nouveau, pour les Américains, mais le style de leadership de Donald Trump rappelle quelque chose aux électeurs vivant au sud du Rio Grande. Au lieu de se focaliser sur des mesures et sur une idéologie cohérentes, cela accentue une personnalité extravagante et une démagogie symbolique.
Les géants pharmaceutiques « tuent en toute impunité ».
« Trump déclare qu’il ‘avance’ sur l’accord avec Carrier ».
« Trump dit ‘pas question’ à une usine Toyota au Mexique ».
« Merci à Linda Bean pour son grand soutien et son courage… Achetez les produits L.L. Bean ».
Et le site internet BuzzFeed, qui a allégué la semaine dernière que le Kremlin détenait des informations compromettantes sur Trump, est « un tas d’ordures au bord de la faillite ».
Bien différencier le bien du mal
Le travailleur type est toujours sous la coupe de quelqu’un qu’il considère comme un abruti malveillant.
Le patron, la police, l’Etat, les bureaucrates : en les distinguant et en les embarrassant, Trump se bat pour le citoyen lambda.
Milliardaire. Bientôt commander in chief des Etats-Unis. Il ne craint personne. Pas les médias. Ni même les barbouzes de la CIA. Il dit courageusement la vérité. Ou en tout cas, cela donne cette impression…
Cette approche de la politique offre plusieurs avantages.
Premièrement, elle est simplement plus divertissante que le blabla traditionnel. C’est plus captivant et facile à suivre.
Deuxièmement, cela transforme M. Trump en champion : il s’en tient à la formule toute simple du catch professionnel et des série TV : un héros… des méchants… et l’inévitable triomphe du bien sur le mal.
Troisièmement, il évite la boue fangeuse et ambiguë des véritables mesures politiques… et des véritables négociations politiques avec le Congrès (ce qui aggraverait très probablement les choses, de toute façon).
Le Trumpismo flatte les masses. Leur héros s’en prend à la bureaucratie de Washington un jour… aux assassins de DAESH le lendemain… Et le week-end, des sociétés privés, voire même des individus, font l’objet d’attaques individuelles sur Twitter.
L’esquive : la meilleure des attaques
Sous le Trumpismo, le héros du peuple n’est guère freiné par une loyauté particulière vis-à-vis des individus et des principes.
Conservateur ? Libéral ? Démocrate ? Républicain ?
Les électeurs ne s’en soucient pas vraiment. Et leur leader non plus. Il est libre d’esquiver… de dresser un groupe contre un autre… de surprendre ses ennemis en les attaquant sous un angle inattendu et en prenant de nouvelles positions audacieuses sur lesquelles ils manquent « d’éléments de langage ».
Trump n’est ni brouillé à jamais avec ses ennemis d’hier, ni lié à jamais avec ses amis d’aujourd’hui. Voilà pourquoi il peut accueillir aussi facilement les anciens de Goldman.
Même s’il était totalement contre ce clan pendant la campagne… et le Deep State… les Goldman boys lui seront utiles, à présent.
Et il les virera, également (tout comme il l’a fait pour ses émissions de téléréalité) dès qu’il devra rendre quelqu’un responsable de l’échec économique.
Tous des héros ou des vauriens
Oui… aucunement gêné par des alliances permanentes et dépourvu d’ancrage idéologique, M. Trump va être amusant à observer.
Il proposera des mesures qui, affirme-t-il, « répareront » le système de santé… ou bien rapatrieront des emplois sur le territoire national… ou doubleront le rythme de la croissance économique.
[NDLR : Nos experts Eric Lewin et Philippe Béchade ont évidemment une toute autre analyse de ce que Trump peut réellement faire. Regardez leur débat vidéo pour comprendre pourquoi rien de tout ce que Trump annonce ne marchera !]
Et gare aux politiciens ou aux dirigeants d’entreprises qui lui résisteront ! Ils recevront le même traitement que « le Petit Marco » Rubio… Carly Fiorina (« Mais regardez cette tête »)… et « Ted Cruz le menteur ».
Les tweets de M. Trump feront savoir que ces vauriens se dressent entre le héros et sa victoire… et entre le peuple et la Terre Promise.
Personne ne connaîtra la substance de la proposition, ni ne s’en préoccupera : pas avec le combat de chiens si amusant qui se déroulera à la télé.
Demain… nous parlerons d’un modèle de réussite qui pourrait être utile à M. Trump : il s’agit de l’ex-président de l’Argentine, Juan Perón.