La Chronique Agora

Le grand changement

inflation, déficit, fiscalité

Du front monétaire au front fiscal, l’inflation continue de faire rage…

« Il refuse de mourir. »

Notre voisine est venue prendre un apéritif hier. Elle nous a parlé de son pauvre père.

« Il a 96 ans. Ma mère et lui sont mariés depuis plus de 70 ans. Mais la semaine dernière, il l’a montrée du doigt et m’a demandé : ‘Qui est cette femme ?’

C’est triste. Il vit dans cette maison depuis 50 ans… mais il ne se souvient plus où se trouve la salle de bains.

Quand il a attrapé le Covid, nous pensions tous qu’il allait mourir. Mais il a perdu la tête. »

Ce qui doit arriver arrivera, tôt ou tard. Souvent, cela prend plus de temps que prévu.

La Fed a augmenté son taux directeur plus rapidement et plus violemment que n’importe quelle autre Fed ne l’a fait par le passé.  Mais le marché boursier ne s’est pas effondré. Le chômage reste faible. Et nous attendons toujours la récession.

Comment cela se fait-il ?

Le grand changement

La semaine dernière, nous nous sommes penchés sur la question. Cela s’explique, selon nous, par le fait que les autorités ont tout simplement perdu la tête. L’équipe de Trump s’est déchaînée lors de l’hystérie Covid, creusant un déficit de 4 200 Mds$ en 2020… puis la bande à Biden a pris le relai avec un autre déficit de 1 400 Mds$ en 2021.

(Hier, nous avons été distraits par le témoignage de RFK Jr. devant le Congrès… nous y reviendrons demain.)

En attendant…

Le dilemme est toujours le même : « l’inflation ou la mort ». Mais aujourd’hui, les prix à la consommation sont en train de baisser… et l’économie est toujours en vie. La raison en est, selon nous, que la source de l’inflation est passée en grande partie du front monétaire (les taux d’intérêt de la Fed) au front fiscal (les déficits). La Fed continue de prêter à un coût proche de zéro en termes réels. Mais aujourd’hui, en plus, le gouvernement fédéral enregistre les déficits budgétaires les plus importants de l’histoire.

Le terme « inflation » désigne, techniquement, une augmentation de la masse monétaire… qui entraîne généralement une hausse des prix. Dans l’économie mondiale d’aujourd’hui, il n’est même pas nécessaire de corser son propre bol de punch ; environ la moitié des banques centrales du monde continuent de prêter de l’argent en dessous du taux d’inflation… certaines d’entre elles prêtent à des taux 6% moins élevés que la hausse des prix à la consommation. Il est probable qu’une partie de cet argent s’écoule dans votre direction.

Mais il existe d’autres moyens d’animer la fête. Augmenter le volume de la musique. Faire venir une strip-teaseuse. Distribuer des drogues dures.

Au cours des 12 derniers mois, le gouvernement américain a organisé la plus grande fête de l’histoire, dépensant environ 130 Mds$ par semaine, soit près de 14% de plus que l’année précédente… et 40% de plus qu’avant l’explosion de l’ère Covid.

Le renflouement des banques, la guerre en Ukraine, le gâchis de l’industrie des puces de silicium, tout cela s’additionne. Aujourd’hui, les dépenses publiques représentent 39 % de l’économie américaine. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement n’a jamais dilapidé une aussi grande partie de la production américaine.

République sans bananes

Les autorités fédérales prennent tout en charge : elles décident quelles industries seront prospères et lesquelles ne le seront pas, quels reportages relèvent de la « désinformation » et lesquels disent la vérité, elles dictent aux pays étrangers quel type de gouvernement ils devraient avoir, où leurs frontières devraient se situer et avec qui ils devraient commercer.

Elles truquent les marchés américains, favorisent le capitalisme de connivence et gèrent des déficits qui correspondent davantage à ceux d’une république bananière (sans les bananes !) qu’à ceux d’un pays sérieux et développé.

L’administration de Biden, tout comme l’équipe de Trump avant elle, n’est pas en reste. David Stockman commente la situation :

« A ce jour, pour l’année fiscale 2023, le déficit fédéral américain a explosé de 900 Mds$ pour atteindre près de 1 400 Mds$. Cela s’explique par le fait que, depuis le début de l’année, les recettes ont diminué de 422 Mds$, tandis que les dépenses ont augmenté de 455 Mds$.    

Cela ne s’invente pas. La manne ponctuelle des plus-values récoltées au cours de l’exercice 2022 a disparu depuis longtemps, mais le gouvernement continue de dépenser comme un marin ivre. Au cours des neuf premiers mois de l’exercice 2023, les recettes de 3 400 Mds$ n’ont couvert que 71% des dépenses de 4 800 Mds$.

Par le passé, on aurait parlé de relance budgétaire keynésienne à outrance. Mais, hélas, nous avons soi-disant une économie en surchauffe avec un taux de chômage historiquement bas de 3,6 %, alors que nous accusons un déficit budgétaire de 7% du PIB. »    

Voici un autre commentaire du Financial Times :

« D’ici dix ans, les paiements d’intérêts du gouvernement américain dépasseront les dépenses consacrées à la défense et aux programmes sociaux tels que Medicaid.

Jusqu’en 2025, les milliers de milliards débloqués par cette administration feront grimper les dépenses publiques à 39% du PIB, la plupart d’entre elles n’étant pas couvertes par de nouvelles recettes. Dans d’autres grandes économies développées, les dépenses sont appelées à diminuer fortement en termes de pourcentage du PIB, tandis que les recettes se maintiennent relativement bien.

Sous la pression du Congrès, M. Biden a signé le mois dernier la loi sur la responsabilité budgétaire de 2023, donnant l’impression qu’une forme de resserrement serait mis en place. Mais malgré ce qui semble représenter d’importantes réductions de dépenses (1 300 Mds$ sur 10 ans), le déficit américain devrait rester proche de 6% du PIB tout au long de la prochaine décennie. »  

Quand la musique s’arrête

La Fed, essayant de rejeter la faute sur quelqu’un d’autre qu’elle-même, a réalisé une étude montrant que, si plus de 60% des augmentations de prix provenaient d’une « demande excédentaire », la moitié de cette demande provenait des déficits du gouvernement.

Les dépenses publiques ne sont pas en soi « inflationnistes ». Si les fonds étaient empruntés honnêtement, la masse monétaire n’augmenterait pas. Les prix à la consommation n’augmenteraient pas nécessairement. Au contraire, à mesure que les emprunts du gouvernement américain augmentaient, les taux d’intérêt finissaient par grimper… ce qui étoufferait les investissements et les dépenses, entraînant un affaiblissement de l’économie et une baisse des prix.

C’est ce qui se passe actuellement… mais lentement. Le rendement des obligations américaines à deux ans est passé d’environ 2,7% il y a un an à près de 5% aujourd’hui… tandis que le prix du pétrole est passé de plus de 120 $ le baril l’été dernier à environ 80 $ aujourd’hui.

Tout comme l’inflation monétaire, l’inflation budgétaire (augmentation des déficits) peut faire durer la fête… pendant un certain temps. Mais le schéma sous-jacent est sensiblement le même : avancer les dépenses tout en privant l’avenir d’épargne et d’investissement. Et dans tous les cas, que la source soit fiscale ou monétaire, la formule est la même : soit l’inflation se poursuit… soit le boom s’éteint.

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