La Chronique Agora

Grâce au quantitative easing, les marchés sont sur un véritable tapis volant

▪ Le CAC 40 n’est pas parvenu lundi à se hisser vers les 4 000 points, mais il ne lâche rien. Il grappille 0,1% et retrace la résistance (ancien gap) des 3 985 points. Il a même testé par deux fois les 3 900 points en début puis en fin de séance.

Les séances de hausse s’enchaînent à nouveau inexorablement. Sept sur une série de huit et 300 points ont été repris à Paris, soit 8%. Le CAC 40 évolue sur des niveaux de cours supérieurs à ceux qui étaient les siens avant le drame japonais et la guerre en Libye.

Il y a un côté magique dans ce scénario qui n’est pas sans rappeler la hausse des indices boursiers de l’automne 2007. Plus le risque de contamination à l’ensemble du secteur financier s’amplifiait, plus les actions grimpaient.

Mais l’histoire, c’est bien connu, se contente parfois de balbutier.

Même s’il est tout à fait vain d’y faire référence, rien ne s’est arrangé durant le week-end. Tout se passe comme si l’incertitude complète véhiculée par l’actualité rassurait les marchés. Plus les nouvelles sont graves et les risques géopolitiques nombreux, plus les marchés se montrent convaincus de l’inéluctabilité d’un soutien sans faille de la Fed. N’oublions pas, dans une moindre mesure, le soutien de la BCE afin de leur éviter une consolidation.

L’impérialisme intellectuel exercé par ceux qui ne jurent que par les marchés — qui ont toujours raison — déforme la perception de la réalité ; il introduit une autocensure insidieuse chez nombre de commentateurs. Si les catastrophes humanitaires (émeutes, guerres civiles, tsunami) puis nucléaires s’enchaînent sans que cela fasse baisser les indices boursiers, c’est que ce n’est pas si mauvais que cela pour la planète.

C’est regrettable pour les victimes, mais ce doit bien être bénéfique pour l’économie planétaire. Les marchés sont supposés être mieux informés et mieux anticiper l’avenir que la majorité des investisseurs.

Nous ne cessons de dénoncer cette imposture intellectuelle qui sert d’alibi à toutes les manipulations les plus éhontées. Nombre d’opérateurs continuent de penser et d’agir comme si le marché n’était pas devenu cet espèce de pantin. Est-il utile de préciser que c’est la Fed qui tire les ficelles et que ce sont les plus grandes banques de Wall Street qui rédigent les dialogues lorsque les médias demandent qu’on leur explique l’inexplicable ?

▪ Les épargnants américains se montrent d’ailleurs beaucoup moins naïfs que les médias, face au story telling qui prospère en ces temps d’inflation et de montée des incertitudes géopolitiques. Parmi les expressions qui reviennent le plus souvent sur les blogs et les forums d’informations économiques anglo-saxons, il y a celle-ci que nous affectionnons particulièrement : « ce marché [Wall Street, NDLR], c’est un tapis volant »!

Il y a également des contributions moins humoristiques. « Nos 401K [nos fonds d’épargne retraite, NDLR] servent de champ d’épandage pour ces actions qui grimpent sans cesse et que les complices de Bernanke ne détiennent jamais plus de quelques heures ».

Il est vrai qu’avec la prédominance de la gestion indicielle passive, les fonds de retraite suivent et amplifient aveuglément tous les mouvements haussiers créés de toutes pièces par la Fed. Et ce dans le seul but de générer un illusoire effet de richesse.

Il ne repose que sur le bidouillage permanent et systématique des indices par des moyens techniques parasitaires. Robots et algorithmes exploitant la fausse monnaie injectée par la Fed ont fini par dissocier totalement les notions de cours de Bourse et de valeur.

Les plus malins ne s’en plaignent pas. Moins les évolutions de Wall Street apparaissent intelligibles, plus s’enrichissent les rares opérateurs (initiés) participant activement à la combine. Ils savent que le tiercé est truqué et qu’aucun des cinq favoris (par analogie, les scénarios les plus plausibles) ne sera à l’arrivée.

▪ Même les avertissements réitérés de J.-C. Trichet concernant l’inéluctabilité d’une hausse de taux ne perturbent pas les haussiers. La BCE se propose de combattre l’effet — une inflation durablement ancrée au-dessus des objectifs de stabilité des prix — et non la cause. C’est-à-dire l’envolée du cours des matières premières et des denrées alimentaires induite par la politique monétaire délirante conduite de manière jusqu’auboutiste par la Fed.

Une majorité de stratèges se déclare convaincue qu’elle ne bougera pas le petit doigt avant fin 2011 et probablement jusqu’au premier trimestre 2012.

C’est une excellente affaire pour les spéculateurs qui vont pouvoir continuer d’emprunter en dollar pour engranger sans risque encore plus de rendement via l’euro.

Les dernières statistiques viennent d’ailleurs conforter la position de Ben Bernanke selon laquelle l’économie américaine a plus que jamais besoin d’être soutenue.

▪ Les dépenses de consommation des ménages américains sont en hausse de 0,7% pour le mois de février. Ce chiffre est conforme aux attentes selon des statistiques publiées lundi par le département du Commerce US. Cependant, les revenus des ménages n’ont progressé de leur côté que de 0,3% le mois dernier (contre une hausse de 0,4% anticipée) en regard d’une hausse des prix voisine de 0,5%.

Mais attendez… 0,7% de dépenses en plus, cela fait +8% en rythme annuel ! C’est archi-haussier pour la croissance américaine. Le consommateur n’est pas mort. Le voilà même qui pique un joli sprint après un mois de janvier morose (maudites tempêtes de neige, encore la nature qui fait des siennes !).

Sauf que l’essentiel de cette hausse résulte de l’obligation de remplir sa cuve de fioul et le réservoir de son véhicule avec un carburant dont le prix s’est envolé le mois dernier. Que du bonheur !

Dans le même registre, les promesses de ventes de logements pour le mois de janvier se sont redressées de 2,1%. Mais c’est une goutte d’eau dans l’océan de signes de fléchissement de l’activité qui s’accumulent depuis un mois dans le secteur immobilier américain.

Si nous reprenons notre tableau des statistiques des six derniers mois, à part une décrue — sujette à caution — du taux de chômage, les voyants conjoncturels américains ne se sont guère améliorés depuis fin août 2010. Ce qui n’a pas empêché Wall Street de prendre 20% dans l’intervalle.

Imaginer que les indices US puissent les reperdre si la Fed devait faire machine arrière en matière de quantitative easing est complètement idiot. Cette hypothèse est tout simplement impensable !

Aussi impensable que l’arrêt complet des systèmes de refroidissement de Fukushima et la fonte du coeur de deux réacteurs sur quatre, c’est tout dire !

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*1,35 euro par appel + 0,34 euro / minute.
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