La Chronique Agora

Grâce à Janet Yellen, le Russell 2000 et le Dow Transport s’envolent

banques centrales

▪ Une clôture en hausse vendredi à Wall Street… C’était en quelque sorte la promesse de nouveaux records cette semaine, malgré l’entrée en vigueur des coupes budgétaires automatiques et malgré un ralentissement dû à toutes les incertitudes politiques en Europe.

Ces nouveaux records étaient pratiquement annoncés par voie de presse dès ce week-end comme nous l’avions évoqué hier.

Alors pourquoi faire durer le suspense ? Wall Street sent monter un sentiment d’invulnérabilité depuis mercredi dernier avec le témoignage de Ben Bernanke devant le Congrès US. Cela grâce à sa promesse de maintenir une politique monétaire ultra-accommodante malgré des critiques parfois acerbes émanant d’un nombre grandissant de collaborateurs, le gonflement de bulles d’actifs étant le péril le plus souvent évoqué.

Le patron de la Fed a consciencieusement préparé la flambée boursière, rassemblé des herbes sèches, des morceaux d’écorce et du petit bois. Il ne pouvait pas craquer l’allumette lui-même, cela aurait été trop voyant — ce rôle a donc été dévolu à Janet Yellen, pressentie pour succéder à Ben Bernanke en janvier 2014.

En fait d’allumette, elle y a été au lance-flammes. Non seulement le QE3 doit être poursuivi, affirme-t-elle, mais il le sera de façon résolue (« à pleine vapeur »), dans son intégralité (pas question de rogner sur le montant des 85 milliards de dollars mensuels), y compris après que la reprise économique se sera affirmée aux Etats-Unis.

Pas d’exit strategy en vue… Quant au débat sur la pertinence du QE3 au sein de la Fed, il semble clos : impression monétaire à gogo et maintient éternel du taux zéro.

▪ Explosion du Dow Transport
Allez vous étonner qu’après ce genre de profession de foi, les opérateurs se ruent sur les actions les plus volatiles — celles du Dow Transportation comme de juste.

L’indice a explosé à la hausse hier (+1%), clôturant au plus haut du jour. Il a ainsi pulvérisé un nouveau record historique absolu à 6 045 points. Les 20 valeurs qui le composent atteignent des multiples stratosphériques… mais plus les cours grimpent, plus les robots-traders s’emballent.

Ils sont programmés pour ramasser prioritairement tout ce qui surperforme le sacro-saint benchmark — le plus évident étant le S&P 500. Ensuite, ce qui les intéresse au sein du S&P sont les secteurs les plus pro-cycliques et les valeurs créditées du meilleur beta — c’est-à-dire de la meilleure réactivité au sein des indices sectoriels sélectionnés.

Plus c’est cher, plus ça monte… et plus ça monte, plus il devient indispensable d’en faire figurer dans un portefeuille offensif. Souvenez-vous notamment de France Télécom passant de 55 euros à 190 euros en l’espace de six mois.

Ce n’était pas une midcap ; pourtant, elle avait plus que triplé de valeur… Alors imaginez une action qui capitalise une poignée de milliards de dollars dans un contexte où l’avidité robotique s’exerce sur fond de rareté grandissante du papier : cela se transforme très vite en corner.

Ce ne serait pas trop inquiétant si les épargnants se ruaient en bourse avec leurs propres économies… mais il s’agit le plus souvent d’argent emprunté (les encours d’achats de titres à crédit battent des records), d’opérations avec effet de levier et sans aucune retenue puisque « ça gagne à tous les coups ».

▪ Faut-il se réjouir de la hausse ?
La complaisance des analystes et des intermédiaires — qui avancent l’argent comme en libre-service — ainsi que l’optimisme béat des investisseurs sont en train de transformer la bulle boursière en montgolfière… Un phénomène d’aveuglement collectif dont les initiés profitent pour vendre le maximum de leurs titres au plus haut historique depuis deux mois.

Voici donc le Dow Jones (+0,27% lundi soir) revenu à seulement 0,3% de son record absolu ! Quant à l’indice le plus large, le Russell 2000, il est de nouveau à 1% de son zénith historique de clôture du 24 février… et 10% au-delà de ses records de mai 2007 (environ 850 points).

Le Russell 2000 ne surfe pas sur la croissance mondiale (la belle excuse que les médias matraquent dès que quiconque s’inquiète de la croissance zéro aux Etats-Unis fin 2012) : il s’agit majoritairement d’entreprises dont le destin est lié au marché domestiques et aux aléas conjoncturels affectant le sol américain.

La plupart des actions du Russell 2000 gagnent moins qu’en 2007(et bien moins que les analystes l’envisageaient pour 2008). Toutefois, elles se payent plus cher… parce que les gérants sont littéralement contraints de les acheter sous la pression de la Fed.

Cette dernière, par la grâce de Janet Yellen, a fait repasser lundi tous les voyants au vert — notamment l’indice du stress, le VIX, qui replonge de 9%, passant de 15,2 à 14.

Aucune mauvaise nouvelle de quelque nature que ce soit ne saurait plus impacter Wall Street. Les opérateurs ont rapidement occulté lundi matin la chute de 3,6% de la bourse de Shanghai, sur la crainte d’un éclatement de la bulle immobilière. Ils n’ont retenu que le nouveau record annuel de Tokyo à 11 760 points et la promesse de M. Kuroda (le prochain patron de la Bank of Japan) d’une politique d’injection monétaire totalement illimitée jusqu’à ce que l’objectif des 2% d’inflation soit atteint.

Avec les QE massifs promis par Mme Yellen et M. Kuroda, qui serait assez stupide et paranoïaque pour se préoccuper de l’incertitude politique en Italie ? M. Bersani a encore 10 jours pour tenter de former une coalition stable (10 jours de plus pour battre record sur record) avant que l’Italie soit dotée de gré ou de force d’un second gouvernement de technocrates — lequel aura tôt fait d’enterrer l’hostilité populaire à l’austérité et les velléités de rejet de l’Euro fort.

Et puis à quoi bon se prendre la tête avec le suffrage universel ? Il n’y a qu’à supprimer les élections en Italie puisque si leurs résultats ne conviennent pas aux marchés, ils ne comptent pas !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile