Si vous faites une recherche Google sur « Doris Leuthard », la présidente de la Suisse, vous obtenez environ 450 000 résultats.
Si vous faites la même chose avec Donald Trump, vous obtenez près de 396 millions de résultats, soit 87 900% de résultats en plus.
Les médias du monde entier sont aussi fascinés par le président Trump qu’ils sont indifférents à la présidente Leuthard.
Que va faire Mme Leuthard, à présent ?
Quel tweet outrageant va-t-elle encore poster ? Qui va-t-elle attaquer ?
On dirait bien que tout le monde s’en fiche éperdument.
Bien que nous n’ayons rencontré ni l’un ni l’autre, nous avons notre petite idée.
Mme Leuthard est probablement convenable, sérieuse, et saine d’esprit. Elle n’a jamais tué personne, et il lui faudrait du temps pour s’habituer à insulter les gens.
M. Trump, lui, entre dans une autre catégorie. Imperméable au ridicule et aux feux de l’enfer, il est particulièrement adapté à la fonction qui lui a été attribuée.
M. Trump a accusé les « conservateurs » de bloquer sa réforme de l’assurance-maladie.
Les conservateurs disent qu’ils veulent un véritable changement, et pas une réforme bidon.
Ca, c’était hier.
Aujourd’hui, selon le Washington Post, il leur dit « d’obéir, ou bien sinon… ». Et qui sait – peut-être s’alliera-t-il aux démocrates pour outrepasser le veto du Freedom Caucus.
Des évènements outranciers, éloignés de la réalité
En Suisse, la présidente dispute rarement la une des journaux aux pédophiles et aux héros sportifs déchus.
Lorsque Mme Leuthard apparaît à la télévision, les gens sortent boire un verre en ville. Ils ne savent pas qui elle est, et ils s’en fichent.
Car cela n’a aucune importance.
La Suisse n’a pas de troupes en mission à l’étranger. Elle ne cherche à occire aucun dragon dans le désert de Syrie ou d’Irak.
La présidente suisse ne se permet pas de limiter les voyages, de menacer de couper les financements des villes, ni de proposer davantage d’argent à ses compères de certains secteurs.
En Suisse, le pouvoir politique est local : il est placé entre les mains d’assemblées locales, d’électeurs locaux et de coutumes locales.
Les Etats suisses, appelés « cantons », conservent toujours le pouvoir, de manière très semblable à ce qui se pratiquait aux Etats-Unis avant la Guerre de Sécession.
Il s’agit là d’un des systèmes les plus décentralisés au monde. Il n’y a pas de dette publique « suisse ». Chaque canton gère sa propre dette. Et chacun d’entre eux assume les conséquences si elle n’est pas remboursée.
[NDLR : En France Benoit Hamon parle de restructurer la dette française, Marine Le Pen souhaite retrouver la souveraineté monétaire. Ces politiques ont des conséquences considérables sur votre épargne. La dette française devient ingérable, contrairement à ce que veulent faire croire les candidats. Comment vous préparer et préserver votre épargne ? Tout est ici.]
Souvenez-vous du principe de « vérité » en matière d’affaires publiques : la vérité diminue selon le carré de la distance à la source. Plus vous vous éloignez d’évènements réels, dans le temps et dans l’espace… et plus ils sont outranciers… moins ils ont de chances de revêtir une véritable signification.
Voilà pourquoi les personnalités politiques locales – aussi idiotes soient-elles – sont moins tapageuses et baroques que celles qui ont une dimension nationale. La Bavière n’a pas envahi la Pologne : c’est l’Allemagne qui s’en est chargée.
Le comté d’Anne Arundel, dans le Maryland, n’a pas élaboré l’Obamacare : c’est le Congrès (avec la complicité de milliers d’initiés du secteur) qui s’en est chargé.
Un électeur local est trop proche des faits pour tolérer une trop forte dose d’absurdités. Il voit la tromperie comme le plombier voit un égout. Il sait comment cela fonctionne et ce qu’il y a dedans.
Il sait qu’il devra payer la note. Il est également assez proche de ses élus pour voir leurs défauts. Tous ceux qu’il a croisés étaient, soit écervelés, soit prétentieux.
La « vérité » est juste sous son nez.
Les dents qui tombent par abus de méthamphétamine
Mais aujourd’hui, les Etats-Unis ne sont plus une confédération d’états à la manière de la Suisse, ni une modeste république comme la Finlande ou l’Argentine.
Le frisson de l’empire s’est emparé du pays depuis longtemps, à la manière de la méthamphétamine. A présent, il ne peut se passer de cette drogue, même s’il se gratte sans cesse et que ses dents tombent.
Un empire a besoin d’un empereur. Seul un petit pourcentage de la population le connaît personnellement. Mais tout le monde est censé se soucier de ce qu’il fait.
Cela entraîne des conséquences d’un bout à l’autre de la chaîne.
Les empires suivent d’autres règles et schémas. Le citoyen moyen en sait très peu sur ce qui se passe dans les antichambres et les placards à balais du pouvoir… et son influence est minime.
Ce qui laisse le pouvoir entre les mains d’un groupe spécifique d’initiés : le Deep State.
Collectivement, ce groupe voit peut-être bien que l’empire court à sa perte. Mais, individuellement, les renards, zombies et compères qui constituent le Deep State ont peu intérêt à modifier leur comportement.
C’est comme si un groupe d’acheteurs compulsifs dépensait en se servant de la même carte de crédit. Ils savent bien qu’ils vont finir fauchés, mais personne ne veut se priver.
Au fil du temps, les initiés tendent à se répartir en factions rivales.
Les conservateurs contre les adeptes du social-libéralisme… les républicains contre les démocrates… le FBI contre la CIA… le Congrès contre la Maison Blanche… l’armée contre Wall Street… et ainsi de suite.
Placé dans l’impasse par les luttes intestines se déroulant autour du pouvoir, l’homme fort qui dirige – l’empereur – gagne en envergure… et en ingéniosité.
Non, il ne peut changer la direction fondamentale de la société, de son gouvernement, ou de son économie. Il serait en délicatesse avec tout le Deep State. Mais il peut faire pencher la balance en faveur d’un groupe d’initiés ou d’un autre.
Voilà pourquoi M. Donald J. Trump est le leader idéal, en cette période de l’histoire de l’Amérique. Ni « conservateur », ni « social-libéral »… il n’est tenu ni par la Constitution, ni par une loyauté quelconque envers un parti traditionnel ou une idéologie… Il est l’homme dont l’empire a besoin.
Il peut agiter des carottes et des bâtons. Il peut offrir des incitations et des émoluments à l’une des factions du Deep State le lundi… puis lui décocher un tweet malveillant le jeudi.
Il peut exalter ses partisans, à Cleveland, un jour… et les poignarder dans le dos, le lendemain, à Washington.
Et jour après jour, l’empire s’affaiblit. Chez les consommateurs de crack, le cerveau est le premier à lâcher. Ensuite, le coeur, les poumons et le foie lui emboîtent le pas.