La Chronique Agora

Goldilocks a besoin d'une permanente

** Goldilocks, Goldilocks… se sont écriés mercredi soir les traders américains en arrachant le Dow Jones à la hausse (+1%) et le Nasdaq (+1,5%) par-delà les 2 860 points, soit un nouveau record annuel pour 2007. La Fed venait d’abaisser comme prévu ses deux taux directeurs (Fed Fund et escompte) de 0,25% ; une décision prise à l’unanimité moins une voix (neuf pour… un contre, le "dissident" Thomas Hoenig ayant peut-être estimé qu’un quart de point était insuffisant compte tenu du degré de dégradation de l’économie américaine : il fallait remettre -50 points ou ne rien faire).

"Goldilocks !" se sont écriés aussi les économistes qui ont décortiqué le communiqué final de la Fed : Ben Bernanke et ses collègues admettent que la crise de l’immobilier continue de peser sur la croissance, mais les récentes baisses de taux devraient empêcher que les Etats-Unis tombent en récession. La flambée des prix de l’énergie (le baril vient de pulvériser un nouveau record absolu à 96 $ ce jeudi midi), de son côté, pourrait accroître les pressions inflationnistes — sans qu’il soit possible de déterminer si cela prendrait des proportions alarmantes car pour l’heure, la dérive des prix semble contenue… même si l’indice PCE a grimpé de 1,5% à 1,8% en octobre.

Si nous tenons compte de la soudaine inflexion baissière de l’indice des directeurs d’achat de Chicago et la chute de l’indice de confiance du Conference Board sous le seuil technique des 50 (du fait de la plus grande difficulté ressentie par les ménages à trouver ou retrouver un emploi), nous rencontrons là de sérieux signes précurseurs d’un ralentissement de la croissance aux Etats-Unis au quatrième trimestre 2007. Les estimations préliminaires du troisième faisaient apparaître une progression quasi-miraculeuse de 3,9% du PIB, égale à celle constatée au second.

** Voyons ce que nous obtenons en confrontant le diagnostic de la Fed, le ratio forecasts upgraded/profit warnings ["ratio prévisions revues à la hausse/profit warnings", NDLR.] après que deux tiers des entreprises US eurent dévoilé leurs trimestriels (les "avertissements" l’emportent largement) et les pronostics du FMI et de l’OCDE. Nous obtenons d’un côté une inflation et des coûts de production à la hausse, et de l’autre, des profits souvent en baisse — le tout assorti de prévisions de résultats plombées par l’anticipation de conditions de marché plus "difficiles" au cours des deux ou trois prochains trimestres.

Surchauffe des prix d’un côté, rafraîchissement du climat des affaires de l’autre : l’équilibre des risques est respecté, ils se manifestent des deux côtés… c’est le Goldilocks qui se perpétue !

La tête dans le four, les pieds dans la glace pilée… en moyenne, tout va pour le mieux aux Etats-Unis.

** Alors allez savoir pourquoi tout s’est détraqué hier ! Tout allait bien pour les exportatrices américaines, avec un dollar à 1,45/euro, tandis que les groupes pétroliers se frottaient les mains avec un baril se hissant à 5% du seuil des 100 $. Les opérateurs ignoraient même superbement les informations relatives à des préparatifs de bombardement de l’Iran.

Cette belle confiance a soudain volé en éclat en constatant que des analystes venaient d’oser proposer une "indéfrisable" à la pauvre Goldilocks en dégradant la notation de Citigroup. La première banque américaine plonge de 8%, entraînant Goldman Sachs à -5% dans son sillage.

Le mois de novembre qui s’annonçait si bien se solde par un plongeon de 2% à Londres et Paris… et une chute en piqué de 336 points du Dow Jones et de 2,5% du S&P 500.

Phillipe Béchade,
Paris

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