La Chronique Agora

General Electric court-circuite l’optimisme béat des marchés

** Les day-traders ont vraiment intérêt à serrer leurs stops, les autres n’ont qu’à bien attacher leur ceinture ! Le CAC 40 a perdu pas moins de 100 points vendredi midi dernier, en moins de temps qu’il n’en faut pour avaler un hamburger !

Ceux qui étaient partis déjeuner l’esprit serein en voyant le CAC 40 osciller entre 4 900 et 4 915 points depuis le milieu de la matinée ont vite compris à leur retour — alors que l’indice phare basculait sous les 4 800 points pour un score final de 4 797 points et une perte hebdomadaire de 2,1% — que les marchés avaient mal du mal à digérer le profit warning du géant General Electric sur l’ensemble de son exercice 2008 ; Jeffrey Immelt dénonce l’impact de la crise de l’immobilier aux Etats-Unis.

Les profits du premier trimestre s’avèrent inférieurs de 15% au consensus, et le bénéfice par titre est abaissé de 5% en année pleine, ce qui entérine le scénario d’un ralentissement de l’activité dans le monde, quoi qu’en dise le PDG.

General Electric n’est pas seulement le baromètre le plus fiable de la croissance aux Etats-Unis, c’est également le meilleur précurseur de la santé financière des multinationales en 2008.

Wall Street se réjouissait bruyamment jeudi soir dernier du relèvement des prévisions de Wal-Mart et du chimiste DuPont et effaçait l’intégralité des pertes de la veille. Les nouveaux déboires de Lehman Brothers ou de Merrill Lynch furent considérés comme quantité négligeable : pourquoi s’en préoccuper puisque le CEO de Goldman Sachs affirme par voie de presse que la crise des subprime touche à sa fin, omettant de préciser que c’était pour laisser la place à la débâcle des CDS ?

Avec une chute verticale de 12% dès les premiers échanges, General Electric faisait fléchir le Dow Jones de 1,25%, sous le plancher hebdomadaire des 12 470 points.

** Si, depuis le début du mois d’avril, les opérateurs avaient évacué de leurs préoccupations le scénario d’une récession — estimant que le ralentissement était « dans les cours » –, c’était largement prématuré. Cependant, leur plus grosse erreur est d’avoir constamment sous-estimé dans leurs calculs l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat des consommateurs.

Avec une flambée de 2,8% des prix à l’importation au mois de mars et une envolée de 9,1% de la facture pétrolière, nous imaginons aisément que les automobilistes font la grimace au moment de raccrocher le pistolet et qu’ils sont victimes de sueurs froides lorsque vient le moment de remplir la cuve de fioul.

Nous pressentons que des mois difficiles s’annoncent également pour les compagnies aériennes car, au prix du kérosène qui lamine les marges, il faut ajouter une baisse de la fréquentation des vols sur les destinations « affaires » (Seattle, Boston, Atlanta, San Francisco…) considérées comme les plus lucratives.

Pour quelques bonnes surprises du côté des réassureurs ou des spécialistes de la distribution hard discount, combien de profit warning dans le secteur des transports (routier ou aérien), des microprocesseurs, des biens de consommation intermédiaires ou de la publicité ont été passés sous silence ?

** Autre mauvaise nouvelle à la veille du week-end, le baromètre de la confiance des consommateurs, compilé par l’Université du Michigan, plonge de 69,5 vers 63,2 au mois d’avril : la composante « situation personnelle » dévisse de 15 points (entre 112 et 97) et se retrouve au plus bas depuis très exactement 28 ans.

Impacté par un feu roulant de mauvaises nouvelles micro et macroéconomiques depuis 24 heures, le dollar rechutait vers 1,585/euro à 0,4% de ses planchers historiques de la veille. Cependant, des rachats de précaution se sont matérialisés en fin de journée, à la veille du « G7 Finance » qui réunissait les grands argentiers de la planète à Washington.

Le thème central de la réunion concernait le renforcement des contrôles visant les activités des banques et des fonds d’investissement dans le secteur des marchés dérivés et notamment des produits structurés dits complexes. Il n’est pas exclu que les discussions aient également porté sur la volatilité des marchés des changes mais, conformément à une tradition fermement établie, aucun engagement officiel ne sera pris dans ce domaine.

S’agissant du contrôle et de l’adoption de meilleures pratiques, nous demeurons sceptiques dans la mesure où près de 50% des volumes de transactions financières planétaires émanent de structures implantées dans des paradis fiscaux.

Les autorités de marchés et les banques centrales peuvent se donner bonne conscience en lançant une campagne de moralisation des institutions financières, cela ne les exonère pas de la responsabilité du laissez-faire qui a prévalu jusqu’à ce que les choses tournent mal.

Les nouveaux déboires de Lehman Brothers et de Merrill Lynch, dont les marchés ont pris connaissance jeudi dernier, avaient valeur de piqûre de rappel, et ce ne seront certainement pas les dernières.

** L’épée de Damoclès continue de se balancer dangereusement et nombre de gérants, tout heureux d’avoir engrangé jusqu’à 12% en moins de trois semaines, n’ont voulu prendre aucun risque. La remontée du CAC 40 vers les 5 000 points s’est enrayée dès mardi à 1% de l’objectif — après une ultime poussée jusque vers 4 9690 points.

Après deux semaines de forte hausse (+3,6% puis +4,4%), Paris aligne quatre séances de baisse consécutives, ce qui ne s’était plus produit depuis fin février. Le repli hebdomadaire est de 2,1%, ce qui ne présente pas de caractère très alarmant, d’autant que les volumes d’échanges sont demeurés relativement modestes (5,5 milliards d’euros négociés) et parfaitement identiques jeudi et vendredi derniers.

Les valeurs parapétrolières ont fait mieux que résister cette semaine avec des gains hebdomadaires de 7,15% sur Technip, de 4,7% sur CGG (ex. Géophysique) et de 3,7% sur Vallourec. Si le baril se hissait jusque vers les 115 $ cette semaine — le dollar testant les 1,60/euro — le CAC 40 pourrait se voir contraint de reculer jusque vers 4 740 points, voire 4 680 points.

Philippe Béchade,
Paris

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile