La Chronique Agora

Une garden-party contre l’empire

▪ Nous sommes allé à une délicieuse garden-party à Washington. Tout le monde avait une idée. Certaines étaient intelligentes, d’autres idiotes.

C’était des gens intelligents, ayant fait de hautes études. Bon nombre d’entre eux étaient allés à Harvard ou Yale. Certains avaient des postes-clé dans le gouvernement. D’autres étaient des hommes d’affaires, des entrepreneurs ou des avocats — tous ayant réussi. Certains pensaient que le grand défi du 21ème siècle était la protection de l’environnement. D’autres pensaient que la raréfaction de l’énergie était la chose la plus importante. D’autres encore se faisaient du souci pour l’avenir de l’expérience européenne.

Qu’est-ce qui unifiait ce groupe très divers ? Pourquoi votre correspondant avait-il été invité ?

« Nous détestons tous l’empire », déclara un participant. « C’est la seule chose sur laquelle nous sommes d’accord ».

Quelqu’un prononça un petit discours expliquant de quelle manière les dépenses impériales des Etats-Unis mettent en danger l’Etat-Providence de Roosevelt. Une fois payés tous les drones, il n’y a plus d’argent pour un New Deal ou une Great Society, souligna-t-il.

Un autre s’inquiétait de ce que les Américains devenaient esclaves dans leur propre pays :

« La Constitution a été suspendue. Le président semble mettre un point d’honneur à donner son approbation personnelle à la ‘liste des cibles à tuer’, tout comme Richard Nixon choisissait les sites à bombarder… ou Staline sélectionnait ceux qu’il fallait purger. Les futurs historiens auront bien du travail pour expliquer comment Barack Obama, qui avait promis de mettre le Pentagone sous contrôle, est ensuite devenu le plus ardent défenseur des guerres impériales américaines »…

Un autre s’inquiétait parce que le pays est en train de faire faillite :

« Peu importe ce qu’on dit. On ne peut pas dépenser autant sans finir sur la paille ».

« Quant à la logique, elle est complètement ridicule. Les néo-conservateurs disent qu’il faut projeter la puissance américaine pour protéger la puissance américaine. Ils disent par exemple que nous avons besoin de bases au Moyen-Orient… et que nous devions entrer en guerre contre l’Irak… pour protéger le flux vital de pétrole vers les Etats-Unis. Ils ont donc fini par dépenser quelque chose comme 3 000 milliards de dollars pour protéger l’équivalent de 350 milliards de dollars d’importations pétrolières. C’est le genre de calcul qui vous mène à la ruine ».

Ou pire.

C’est le genre de logique qui vous envoie en enfer. La « sphère de co-prospérité » du Japon était basée sur le même genre de raisonnement impérial. Pour maintenir son influence, le Japon devait contrôler le flux d’énergie et de matières premières vers ses îles principales. Ce qui signifiait qu’il devait consolider sa machine militaire. Ensuite, il avait besoin de nouvelles ressources… pour soutenir sa machine militaire !

Et c’est ainsi que les Etats-Unis se dirigent tout droit vers un colossal retour de bâton.

« Les Etats-Unis ont fixé un cap dangereux », a déclaré un autre invité. « C’est une chose que de patrouiller, un gros bâton en main. C’en est tout à fait une autre que de déranger un nid de frelons. Le gros bâton ne vous sert plus à rien. Vous vous faites piquer ».

« Les Etats-Unis ont un gros bâton — l’armée la plus grande et la plus chère au monde. Mais on ne peut pas frapper des frelons avec un bâton. Et ils apprennent à nous attaquer. Eux aussi peuvent fabriquer des drones — qui ne sont pas très coûteux. Ils apprennent à mener des cyber-guerres — là aussi, c’est bon marché. Le gros bâton ne sert à rien. On peut prendre son gros bâton et frapper un gouvernement étranger, mais pendant que vous maniez votre matraque à 1 000 milliards de dollars, un petit groupe lance une petite attaque avec un drone nouvelle génération et détruit vos porte-avions. Il dépense un million de dollars… vous en dépensez cent. Vous faites faillite. Et vous êtes mort, en plus ».

« Même chose avec cette ‘guerre internet’ lancée par l’administration Obama. On peut manier son gros bâton, là encore, mais il ne sert à rien contre un virus informatique. Il suffit que l’un de ces groupes… qui pourrait être financé par la Chine ou la Russie, pour autant que nous en sachions… trouve un virus assez grave, et la société américaine telle que nous la connaissons prend fin. Le gros bâton aussi… puisqu’il dépend de l’économie américaine ».

« La manière dont les choses ont évolué est vraiment triste. Lorsque les attentats du 11 septembre se sont produits, il n’y avait probablement qu’un minuscule groupe de véritables fanatiques qui voulaient faire du mal aux Etats-Unis. Tout le monde était de notre côté. Tout le monde voulait mettre fin au terrorisme ».

« A présent, les Etats-Unis tuent des innocents… et le reste du monde n’apprécie pas. Je ne peux pas leur en vouloir. Et j’ai bien peur que, au prochain 11 septembre, des millions de personnes dans le monde applaudissent »…

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile