La Chronique Agora

Le G20 ne sera sans doute pas celui qu’attendait la Zone euro

▪ Le tandem « Merkozy » s’offusque de la trahison fomentée par Georges Papandréou. Elle remet en effet en cause la portée symbolique des laborieux accords de Bruxelles conclus à l’issue de l’épuisant cycle de négociations ayant débuté au tout début de l’été.

Comment Angela Merkel et Nicolas Sarkozy n’ont-ils rien vu venir ? Comment les marchés ont-ils pu donner à croire — par le biais d’une envolée de 6,5% — que les principales difficultés de l’Eurozone avaient été résolues ? Comment Bruxelles a-t-il pu donner du crédit aux rumeurs d’une aide massive de la Chine au profit de l’Europe alors que personne ne sait comment va fonctionner le FESF ?

Mettriez-vous vos économies et vos bijoux de famille sous la coiffe d’une fusée expérimentale en partance pour la planète Mars et dont nul ne sait si elle fonctionne avec du carburant solide ou liquide, voire un peu des deux à la fois ?

Qui peut croire que les Grecs accepteront de se prononcer en faveur d’une appartenance définitive à la Zone euro (ce qui figurait déjà dans les traités signés en 2001)… sans qu’il leur soit également permis de s’exprimer sur l’hyper-austérité et la mise sous tutelle de leur pays ?

Nous faisons le pari que si une telle formule référendaire leur est proposée « au plus vite », selon le voeu des Allemands d’après les rumeurs en provenance de Cannes, les Grecs se prononceront pour une sortie de la Zone euro. Cela revient à demander à un condamné à mort s’il veut une télé grand écran dans sa cellule tout en lui faisant savoir qu’un oui signifie également qu’il renonce à tout recours pour échapper à son exécution.

▪ Même en imaginant que les Grecs succombent, non pas à la chaise électrique mais aux « amicales pressions » d’une Europe qui ne cesse de dénoncer leur attitude déloyale, comment les participants au G20 pensent-ils qu’Athènes versera les 50% de la dette qui reste à sa charge ? Surtout si le pays s’installe — et c’est déjà chose faite, soyons réalistes — dans la récession et le chaos social.

La dernière initiative de Georges Papandréou avant de s’envoler pour le sommet de Cannes a été de remplacer les principaux chefs d’état major du pays. Une vieille tradition lorsqu’un chef de gouvernement grec pressent que ses jours politiques sont comptés…

Certains commentateurs ont interprété cela comme une mesure préventive destinée à déjouer un éventuel coup d’Etat. Il est effectivement difficile d’orchestrer une mobilisation de l’armée pour marcher sur le Parlement et prendre le contrôle des grands médias nationaux lorsque l’on vient de s’asseoir dans le fauteuil du précédent commandant en chef et que tout le monde ignore votre niveau de compétence et votre orientation politique. Il ne faut cependant pas se complaire comme le font Paris, Berlin et Bruxelles dans l’occultation des signaux — très nombreux — qui placent la Grèce dans la catégorie des pays candidats à une insurrection imminente de type printemps arabe.

L’initiative de Georges Papandréou (vote de confiance et référendum) doit peut-être s’analyser comme une façon de désamorcer une situation explosive qui constituerait une menace immédiate pour la Grèce et la stabilité de l’Eurozone. Cela bien plus qu’une mauvaise surprise concernant les capacités de remboursement de sa dette, laquelle est déjà actée par un taux à deux ans qui flirte avec les 72% ou 73%.

▪ Mais pendant toute la durée du sommet du G20 de Cannes, les participants vont s’abstenir de s’appesantir sur les sujets qui fâchent : le flou qui entoure la mise en oeuvre du FESF… la sous-capitalisation de la BCE… le danger de déclenchement des CDS sur la dette grecque en cas de chaos politique (dès le week-end prochain).

Ils vont se féliciter chaleureusement des avancées décisives du sommet de Bruxelles et réaffirmer leur confiance dans la cohésion de la Zone euro. Toutefois, observez l’euro : s’il ne repasse pas promptement au-dessus des 1,39 face au dollar, c’est que les marchés doutent. Si après avoir échoué mercredi sous les 1,3825 $ puis être retombé sous les 1,375 $ il revient sous les 1,3650 $, repérez attentivement où se situent les sorties de secours !

La séance de mercredi pourrait bien avoir constitué une formidable opportunité de constituer les dernières couvertures sur les marchés américains.

▪ Nous ne sommes absolument pas convaincu par le rebond de 1,4% de la Bourse de Paris : les volumes à l’achat ont été anecdotiques (il ne s’est échangé que trois milliards d’euros) tandis que la volatilité en séance demeurait intense. Le CAC 40 aura fait par deux fois en moins de six heures le grand écart entre 3 135 et 3 050 points — tout d’abord en début de matinée, avant de rebondir jusque vers 3 130 points entre 11h et 16h15.

Après une chute en ligne droite de 3 411 vers 3 049 points, il n’était pas absurde de voir le CAC 40 s’éloigner de la zone dangereuse située vers 3 050, essentiellement grâce à Wall Street. Les places américaines ont progressé initialement bien au-delà des 1% anticipés en préouverture.

Les ardeurs des indices US s’étaient largement calmées à deux heures de la clôture. La Fed confirme en effet le diagnostic d’un redressement de l’activité économique cet été, pour des raisons ponctuelles (retour à la normale après les perturbations liées au séisme du 11 mars au Japon).

Mais Ben Bernanke prévient que la croissance restera (désespérément) lente au cours des prochains mois. Et s’il se dit toujours « prêt à agir », il ne donne aucune précision sur la stratégie et les outils qu’il pourrait privilégier au cours des prochaines semaines. Nous partageons l’avis de ceux qui estiment que la seule planche de salut, c’est sa capacité de faire croire aux marchés que la boîte à outils de la Fed n’est pas désespérément vide, en glissant à l’intérieur quelques bouts de ferraille usés puis en la secouant énergiquement d’un air entendu.

Comme dans le Petit Prince, le mouton semble parfait tant que seules ses quatre pattes et sa queue émergent du carton.

Le problème, c’est que M. Papandréou a décidé de ramoner son volcan et que le renard qui rôde autour du sommet de Cannes n’est peut-être pas celui que le G20 imagine.

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