Bill Bonner se moquait cette semaine de la nouvelle guerre de Washington contre les lave-linges.
« Une manoeuvre hardie de la part du président américain : imposer des taxes douanières et des frais d’importation sur les machines à laver, réfrigérateurs et panneaux solaires fabriqués à l’étranger.«
Qui suscitait ce commentaire :
« La notion de Nation protectrice de ses ressortissants est centrale dès qu’on parle commerce ».
Oui, la Nation protectrice ou la Patrie…
Mais il y a un problème avec cette idée douillette.
Pour les libéraux, l’individu est central et non pas la nation, la société, un Etat et son gouvernement. Tout simplement parce que nation, société, Etat ne sont que la conséquence de la décision d’individus.
Dans la pétition des fabricants de chandelle, Frédéric Bastiat pourfend lui aussi le protectionnisme :
« Vous repoussez les théories abstraites ; l’abondance, le bon marché vous touchent peu. Vous vous préoccupez surtout du sort du producteur. Vous le voulez affranchir de la concurrence extérieure, en un mot, vous voulez réserver le marché national au travail national.
« Nous venons vous offrir une admirable occasion d’appliquer votre… comment dirons-nous ? votre théorie ? non, rien n’est plus trompeur que la théorie ; votre doctrine ? votre système ? votre principe ? mais vous n’aimez pas les doctrines, vous avez horreur des systèmes, et, quant aux principes, vous déclarez qu’il n’y en a pas en économie sociale ; nous dirons donc votre pratique, votre pratique sans théorie et sans principe.
« Nous subissons l’intolérable concurrence d’un rival étranger placé, à ce qu’il paraît, dans des conditions tellement supérieures aux nôtres, pour la production de la lumière, qu’il en inonde notre marché national à un prix fabuleusement réduit ; car, aussitôt qu’il se montre, notre vente cesse, tous les consommateurs s’adressent à lui, et une branche d’industrie française, dont les ramifications sont innombrables, est tout à coup frappée de la stagnation la plus complète. Ce rival, qui n’est autre que le soleil, nous fait une guerre si acharnée, que nous soupçonnons qu’il nous est suscité par la perfide Albion (bonne diplomatie par le temps qui court !), d’autant qu’il a pour cette île orgueilleuse des ménagements dont il se dispense envers nous.
« Nous demandons qu’il vous plaise de faire une loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes, abat-jour, contre-vents, volets, rideaux, vasistas, oeils-de-boeuf, stores, en un mot, de toutes ouvertures, trous, fentes et fissures par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons, au préjudice des belles industries dont nous nous flattons d’avoir doté le pays, qui ne saurait sans ingratitude nous abandonner aujourd’hui à une lutte si inégale.
Frédéric Bastiat, Journal des économistes, octobre 1845
L’individu doit rester central. C’est lui et lui seul qui paie au final les impôts, taxes, droits de douane.
Mais alors, me direz-vous, ô lecteur critique, « à quoi bon des frontières » ?
C’est très simple : les frontières permettent de mettre des systèmes politiques et juridiques en concurrence. Cela permet, par exemple de constater que l’organisation de la République Fédérale Allemande était supérieure à celle de la République Démocratique Allemande. Ou encore, qu’il vaut mieux vivre en Corée du Sud qu’en Corée du Nord.
Les individus, la concurrence : voici les deux principes permettant de raisonner sainement. Les lois doivent être faites pour tout le monde et non pour « protéger » tel ou tel groupe.
Quant à celui qui pense que l’homme est un loup pour l’homme et qu’il faut arracher les dents de tout le monde, je le renvoie aux Allemagne et aux Corée. Où les loups sont-ils les plus nombreux ?
Frédéric Bastiat est peut-être l’économiste français le plus connu à l’étranger après Thomas Piketty (hélas). L’un se préoccupait d’équité, l’autre se préoccupe d’égalité, ou plutôt d’inégalité.
Mais toutes les inégalités ne sont pas inéquitables et la seule garantie de l’équité est que les lois s’adressent à tous…
Cher lecteur, ne vous affolez pas, je ne vais pas vous infliger la lecture de la prose de Piketty.
En lieu et place, je vais vous proposer un extrait du dernier livre de Nassim Taleb qui parle, justement, de Piketty…