▪ Il n’a fallu que 48 heures… et la France semble mordre à l’hameçon.
Plutôt que de faire du meutre des dessinateurs de Charlie Hebdo un crime — ce que c’était sans aucun doute –, le Premier Ministre Manuel Valls a transformé un meutre en acte de guerre — ce que ça n’était pas.
« La France déclare la ‘guerre' », titrait un article du New York Times dimanche dernier.
Et maintenant, les tueurs sont des martyrs dans une guerre sainte contre l’Occident. Les nations occidentales peuvent donc aligner plus de véhicules blindés, plus de sécurité dans les aéroports, plus d’écoutes et plus de dépenses — tout ça au nom de la protection des citoyens contre les fanatiques.
Paris ressemblait à une ville en état de siège lorsque nous y sommes passé samedi.
Des hélicoptères tournaient dans le ciel. Les gendarmes étaient partout. Même avec François Hollande à sa tête, le gouvernement français semblait soudain robuste, faisant jouer ses muscles, les joues rosies par l’énergie et la détermination. « La santé de l’Etat, c’est la guerre », déclarait l’écrivain Randolph Bourne.
Le gouvernement français semblait soudain robuste, faisant jouer ses muscles, les joues rosies par l’énergie et la détermination |
« Comparez ce que ces commandos islamistes ont fait à Charlie Hebdo et ce que votre équipe de Marines a fait à Oussama ben Laden », nous a suggéré un Français provoquant.
« Des deux côtés, ils étaient entraînés à tuer. Des deux côtés, ils ont tué des gens désarmés au nom de leur cause. Ben Laden avait été accusé d’un crime sérieux, qu’il niait. Aucun procès n’a eu lieu. Aucun verdict n’a été rendu. Les dessinateurs avaient eux aussi été accusés d’un crime sérieux — du moins c’est ainsi que les islamistes radicaux le voyaient. Des deux côtés, ils ont abattu des innocents qui n’avaient été accusés de rien ».
« Quelle est la différence ? » a-t-il demandé, s’en allant sans attendre notre réponse.
▪ Comment aider les terroristes
Nous en avions pourtant une à lui fournir : dans notre tradition occidentale, se moquer de quelqu’un n’est pas un crime capital. Fomenter la mort de milliers de personnes, en revanche, en est un. Mais notre interlocuteur avait raison sur un point. Les auteurs de l’attaque — les frères Kouachi — croyaient à une tradition différente, des règles différentes et une sorte de justice différente. Pourquoi ne pas les traiter comme n’importe quels autres criminels ?
Leurs croyances peuvent être différentes, mais leur plan d’action était familier ; il provenait directement du petit livre du parfait révolutionnaire. Leur attaque visait probablement à faire plus que venger les moqueries à l’encontre du prophète Mahomet. Il y a environ cinq millions de musulmans en France. La grande majorité sont des gens sensés, qui respectent la loi. Peu d’entre eux prennent le jihad au sérieux. Tuer des cibles connues était supposer rallier ceux-là à la cause. La terreur durcirait la majorité des Français contre eux et provoquerait le gouvernement à sur-réagir. Les extrémistes espéraient sans doute que la France déclarerait « la guerre ». Non seulement cela accorderait aux meurtriers la dignité de soldats, mais cela aiderait à radicaliser la minorité, fournissant aux djihadistes plus de recrues et de soutien financier.
Il y a environ cinq millions de musulmans en France. La grande majorité sont des gens sensés, qui respectent la loi |
Les Etats-Unis ont beaucoup aidé l’Islam radical. Parmi les raisons qui les ont poussés à devenir terroristes, les Kouachi ont mentionné le traitement des prisonniers à Abou Ghraib par les Américains. Les bombardements, les drones… la torture, les invasions… les morts de milliers d’innocents alors qu’il jouait les gros bras : le Pentagone a fait sa part, créant et armant l’Etat islamique ainsi que d’autres groupes violents. Les terroristes vont-ils obtenir le même genre de coopération de la part de la France ?
Notre sujet est l’argent, non la géopolitique. Le lien, cependant, est le crédit. Sans le crédit quasi-illimité du monde post-1971, les grotesqueries actuelles dans la politique et la finance n’existeraient pas. L’excès de crédit — dépassant de loin le ratio crédit-PIB qui prévalait jusqu’en 1980 — a ajouté environ 35 000 milliards de dollars au pouvoir de dépense américain, depuis les années 70. Les Américains ont emprunté et dépensé. Le PIB planétaire est allé de plus en plus rapidement à mesure que les gens dépensaient de plus en plus d’argent qu’ils n’avaient pas en de plus en plus de choses dont ils n’avaient pas besoin — y compris la guerre.
A suivre…