La Chronique Agora

Les épargnants français et l’aversion au risque (2/2)

Nous voyons apparaître deux profils très différents, pour ne pas dire opposés, d’investisseurs.

Pour lire notre précédent article sur le comportement des épargnants, cliquez ici.

Entre 2019 et 2021, le patrimoine financier des Français a augmenté de 14%. Une partie de cette augmentation (146 Md€ sur 816 Md€) est considérée comme un « surplus d’épargne COVID », à la fois épargne forcée (confinement) et épargne de précaution (risques sanitaire et économique). Ce surplus d’épargne a « surtout été investi dans des placements sans risque ». Cependant, la détention d’actifs risqués – des actions – n’a pas été affectée pendant ces deux ans. Le taux est resté stable autour de 20%. Pour Arondel et Étilé, il n’y a aucun doute : « l’épargnant reste ‘stoïque’ dans la tourmente, à savoir que ses préférences face au risque sont stables temporellement ».

Cependant, si la demande d’actions est restée stable ces dernières années, elle a baissé depuis 2004 où elle était de 24,2%. Pour les deux chercheurs, ce phénomène s’explique par des changements de l’environnement économique de l’épargnant et de ses croyances. Les enquêtes Pat€r tendraient à montrer que les épargnants se sont éloignés des actions car ils anticipaient une baisse du rendement de la Bourse. Par conséquent, les préférences des Français et leur attitude face au risque n’auraient pas évolué, au contraire de leurs anticipations sur les rendements… et peut-être sur leurs ressources.

En conclusion, les deux chercheurs affirment que le « grand confinement » n’a eu finalement que peu de conséquences sur les préférences des épargnants à court terme. Pour eux, « les comportements patrimoniaux récents, que ce soit le surplus d’épargne de précaution observé en 2020 ou encore la baisse de la demande d’actions depuis la ‘grande récession’, sont davantage expliqués par une évolution des croyances qu’un changement de préférences ».

Des « nouveaux investisseurs » prêts à prendre de grands risques

Il nous semble que Luc Arondel et Fabrice Étilé, aussi intéressante que soit leur étude sur ce que nous pourrions appeler « la sagesse des épargnants », auraient eu intérêt à se pencher sur le rapport de l’OCDE relatif aux nouveaux investisseurs.

Ces derniers – des personnes qui ont acheté des produits financiers pour la première fois à partir de la pandémie de COVID – sont en effet, comme nous l’avons vu, attirés par les placements risqués : crypto-actifs, financement participatif ou crowdfunding, jetons non fongibles ou NFT, options et produits dérivés, fonds indiciels, etc.

Des recherches ont montré que, pour nombre d’entre eux, les émotions telles que le frisson et l’excitation étaient des moteurs clés de leurs investissements. C’est pourquoi, ils privilégiaient les produits spéculatifs (à 94%). En fait, les nouveaux investisseurs considèrent l’investissement financier comme un des jeux auxquels la plupart d’entre eux s’adonnent (jeux vidéo, jeux de hasard, paris sportifs, poker, etc.).

Finalement, nous voyons apparaître deux profils très différents, pour ne pas dire opposés, d’investisseurs.

Les premiers, investisseurs traditionnels, qu’Arondel et Étilé ont pu suivre parfois sur une quinzaine d’années, qui font le dos rond lorsque les crises surviennent et ne changent pas de comportement. Les seconds, nouveaux investisseurs nés de la crise du COVID, qui osent investir sur des placements très risqués.

Les premiers attendent que la crise passe, tandis que les seconds espèrent d’autres crises comme autant d’opportunités d’investissement. Pour les premiers, l’investissement est sérieux ; pour les seconds, c’est davantage un jeu.

Il est probable que les investisseurs traditionnels aient plus d’expérience et, par conséquent, plus de sagesse, tandis que les nouveaux investisseurs ont la fougue des néophytes. Il est aussi envisageable que les premiers aient plus de connaissances que les seconds. L’enquête de l’OCDE ne révélait-elle pas que ces néo-investisseurs avaient une piètre culture financière, la plupart d’entre eux étant incapables de répondre correctement aux questions qui leur ont été posées ?

Sans doute, l’abaissement de niveau scolaire est en cause : quand on ne sait pas lire et qu’on est incapable de calculer un pourcentage, il est difficile de comprendre l’économie et l’épargne. C’est pourquoi nous recommandions dernièrement d’offrir des placements financiers comme moyen de parfaire l’éducation financière de ses enfants et petits-enfants. Ils seront moins sujets à la panique ou, à l’inverse, à la prise de risques insensés quand ils auront connu plusieurs crises. Il est donc souhaitable qu’ils deviennent très tôt des épargnants.

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