La Chronique Agora

Les fous de Wall Street

Que vont devenir tous ceux qui ont profité des milliers de milliards de dollars distribués par la Fed durant des années pour investir dans des projets sans queue ni tête, quand l’argent arrêtera de couler à flot ?

Récemment, un NFT Bored Ape Yacht Club valait 300 000 $, si tant est qu’il valait quoi que ce soit. Personnellement, nous en doutions.

Mais « maxnaut », son propriétaire, a cruellement déchanté : il a omis deux zéros au prix en mettant son œuvre d’art virtuelle en vente sur la plateforme OpenSea, et un robot de trading – dressé à profiter des erreurs humaines – l’a raflé pour 3 000 $.

Pauvre maxnaut. Que pouvons-nous faire pour lui venir en aide ? Et quid de tous les autres, dont les rêves d’extrême opulence sont sur le point d’être brisés par le nouveau cycle de resserrement monétaire de la Fed ?

Selon toutes les règles de prudence en vigueur dans l’univers des banques centrales, la Fed doit faire volte-face.

Au lieu de lutter contre un ralentissement économique provoqué par l’Etat lorsqu’il a stoppé d’importantes activités en prétendant remplacer la production réelle par de l’argent falsifié, la Fed doit désormais combattre l’inflation qu’elle a provoquée en imprimant beaucoup trop de cette monnaie falsifiée.

Que va-t-il arriver aux rêveurs et aux magouilleurs… et à tous les dingues et abrutis du pays que la politique monétaire fédérale a rendus fous ?

Quid de tous ces gosses qui parient sur les meme stocks, dans le sous-sol de la maison familiale ?

Que deviendront cet « art » invisible… ces activités qui n’existent pas… et ces entreprises qui ne pourront rembourser leurs dettes selon toute vraisemblance ?

Quid des ménages qui ont trop emprunté sur la plus-value latente de leur maison ?

Quid, enfin, de Joe Biden et de Donald Trump… et des membres du Congrès, qui comptent tous dépenser de l’argent qui n’a pas encore été imprimé ?

Des murs capitonnés de monnaie papier

Oui, aujourd’hui, nous mettons notre traditionnel cynisme de côté, pour prolonger un peu l’esprit des fêtes, des Saturnales, et nous écrivons dans un esprit charitable, généreux… et très peu sincère… au nom de ceux dont notre infirmière en chef – la Fed – prend soin.

Que va-t-il arriver à ceux qui ont cru aux affirmations tonitruantes des futuristes de la « tech » ? L’un prétend qu’une nouvelle technologie « disruptive » va rapporter des gains de 10 000%. L’autre affirme qu’une grande avancée pharmaceutique permettra aux enfants nés aujourd’hui de vivre jusqu’à l’âge de 200 ans.

D’autres encore affirment que vous pouvez doubler votre mise du jour au lendemain.

Existe-t-il un lieu réservé aux mégalomanes de Wall Street ? Un asile aux murs capitonnés de monnaie papier… où le trading se déroule 24 heures sur 24… et la télévision est branchée sur les audiences du Congrès ?

Prenons l’exemple de Cathie Wood. A l’image d’un chat affolé perché tout en haut d’un sycomore, elle a peut-être besoin d’être secourue. Elle représente un danger pour elle-même et pour les investisseurs. Rappelez-vous qu’elle évolue dans le monde utopique des technologies depuis longtemps : elle a cofondé Tupelo Capital en 1998.

Deux ans plus tard, ce fonds a capoté en enregistrant une perte de 84% sur neuf mois. Sans même faire une pause pour reprendre son souffle, Mme Wood a décroché un job de gestionnaire de fonds chez AllianceBernstein. Son fonds a dégringolé de 46% en 2008.

Puis elle a fondé ARK Invest. D’où a-t-elle sorti cet argent ? Qui investirait chez quelqu’un qui a été perdant à deux reprises ? Les capitaux provenaient de Bill Hwang, autre acteur qui a fait la une, l’an dernier, quand le Wall Street Journal a annoncé que son fonds, Archegos Capital, avait perdu 20 Mds$ en dix jours.

Hwang aurait peut-être besoin qu’on modifie son traitement, lui aussi. Son fonds Tiger Asia Management a conclu un accord amiable de 44 M$, lorsque la SEC l’a épinglé pour délit d’initié, en 2012.

Aucune garantie

Deux ans plus tard, il a été interdit de transactions à Hong Kong. Cette même année, il a financé la nouvelle société d’investissement de Cathie Wood.

Maintenant, regardez ce qu’il s’est passé : Mme Wood affiche une perte de 40%, par rapport au sommet enregistré en février 2021, avant que la Fed n’augmente même d’un point son taux directeur. Et le fonds aurait dû baisser encore plus, mais Tesla représente une part importante et ne s’est pas encore effondré.

Les performances passées ne préjugent pas des performances futures, comme l’indique la SEC.

Grâce à dieu, perdre de l’argent n’est pas un pêché… ni une honte d’ailleurs, surtout dans un univers de bulle.

Ce n’est pas le fait qu’elle a fait perdre beaucoup d’argent aux investisseurs sur un quart de siècle, qui devrait valoir à Mme Wood d’être enfermée, mais le fait qu’elle a perdu la tête. Voici les dernières nouvelles venues d’ARK :

« Selon nos analyses, de nouvelles plateformes d’innovation vont radicalement transformer nos vies et l’économie mondiale, et potentiellement faire passer les capitalisations boursières d’environ 14 000 Mds$ aujourd’hui à plus de 200 000 Mds$ d’ici 2030. ARK a identifié cinq plateformes d’innovation – l’intelligence artificielle, le séquençage d’ADN, la robotique, le stockage d’énergie et les technologies de blockchain – qui seront au cœur du changement et pourraient agir de concert, en s’alimentant les unes les autres.

Sous l’effet de la crise du coronavirus, ces plateformes ont convergé pour résoudre de nombreux problèmes, ces 18 derniers mois. » 

Ah oui ? Quel problème ont-elles résolu ? Nous n’en voyons aucun.

Ont-elles fait disparaitre les miasmes ? Vous ont-elles évité de vous brosser les dents, ou d’être gentil avec votre belle-mère ? N’avons-nous plus besoin de travailler, ni d’avoir peur de la mort ?

Certes, les entreprises technologiques accomplissent des progrès technologiques. Cependant, pour valoir de l’argent réel, elles doivent offrir de véritables produits et services qu’achèteront de véritables personnes disposant d’un véritable pouvoir d’achat.

D’où viendront ces personnes réelles ? D’où sortira leur argent ?

Avec un peu de chance, le PIB américain totalisera 25 000 Mds$, environ, en 2030 (en supposant une croissance annuelle de 2% et aucune récession). Si Mme Wood avait raison, cela voudrait dire que les innovateurs technologiques, à eux seuls, représenteraient huit fois le PIB.

Cela n’arrivera pas. Même dans le contexte de bulle actuel, le marché actions ne vaut que deux fois le PIB, et c’est un record historique. Il y a beaucoup plus de chances qu’ARK sombre à la prochaine correction de marché que de voir une série de valeurs technologiques se négocier à 800% du PIB.

Bien entendu, nous ne connaissons pas l’avenir. Et il nous réserve toujours des surprises. Dans tous les cas, nous sommes extrêmement reconnaissant à Mme Wood, M. Hwang et beaucoup d’autres.

Jadis, il parait que les gens allaient voir les fous, à l’asile, pour se divertir. A présent, les fous s’exhibent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Alors nous lançons une collecte de fonds, au bureau, pour les aider, juste au cas où.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile