L’or a pulvérisé tous ses précédents records : une nouvelle ère s’ouvre…
Le moment est historique, et j’ai refondu cette chronique du lundi 4 un peu après 23h30 ce dimanche 3 décembre, parce que ce que j’ai à relater s’est produit à 23h00mn01sec précises, avec la réouverture des futures sur le métal précieux en Asie : l’once d’or a ouvert un gap de +20 $, pour inscrire un nouveau record de 2 095 $, suivi, 90 minutes plus tard, d’un nouveau plus-haut absolu de 2 150 $.
Ainsi, les précédents records (2 082 $ le 6 août 2020, 2 078 $ le 8 mars 2022 et 2 085 $ le 4 mai 2023) ont été littéralement pulvérisés, ce qui nous propulse dans une nouvelle ère.
Une basculement psychologique majeur s’est opéré ce vendredi 1er décembre à Wall Street : le retour sur les plus-hauts historiques du Dow Jones (à 1% près), les records annuels égalés sur le S&P 500 et le Nasdaq ont été abondamment commentés, ainsi que le retour du VIX vers 12,50 – niveau qu’il n’avait plus occupé de façon durable depuis mi-décembre 2019 – ont démontré que les propos tenus par Jerome Powell vendredi 1er décembre en fin d’après-midi devaient être « codés ».
En effet, le patron de la Fed a eu beau marteler que les anticipations de détente des taux sont prématurées, parce que l’inflation est encore loin d’afficher un niveau acceptable, ce rappel a été interprété comme la preuve que l’échéance d’une détente monétaire se rapproche plus vite que prévu : les marchés la situent désormais mi-mars ou début mai, au plus tard.
Le Dollar Index décroche de 0,5% vers 103,00, alors qu’il était parvenu depuis une semaine à se stabiliser vers 103,5 : le voici de nouveau menacé de chuter lourdement face à toutes les devises.
L’envolée de l’once d’or signifie bien plus qu’un pivot de la Fed : probablement le grand retour de la planche à billet en 2024.
Les marchés supposent donc que la Fed – rompant avec sa tradition de (relative) neutralité politique – va chercher à avantager de façon décisive le candidat démocrate aux présidentielles face à un adversaire du nom de Trump (grand favori du camp républicain, sauf s’il se retrouve derrière les barreaux).
Mais selon la Constitution américaine, même emprisonné – à l’issue d’un procès qu’il aurait beau jeu de qualifier de « politique » et « déloyal » – il resterait éligible !
Vu le contentieux qui oppose Jerome Powell et Donald Trump, un gros coup de pouce monétaire à la croissance et à l’emploi ne peut être formellement exclu, en l’habillant du prétexte que la récession pourrait être pire que prévu, qu’il faut financer la transition énergétique, qu’il faut se donner les moyens de rivaliser avec la Chine, etc.
Mais vous demandez-vous, pourquoi l’euro est-il entraîné à la baisse de façon quasi identique par rapport au billet vert ?
Parce que depuis que l’OCDE a réduit mercredi dernier ses prévisions de croissance en Europe (à 0,8% contre 1,2% en France, à 0% en Allemagne qui sont déjà toutes deux au bord de la récession), l’idée germe que la BCE pourrait, face à l’urgence d’empêcher une stagflation, baisser ses taux… avant la Fed.
Le dollar et l’euro reculent également du fait d’une chute de leur rémunération par rapport au yen, au franc suisse… et à une dizaine de devises « majeures », occidentales ou asiatiques (yuan, roupie, won Coréen, dollar canadien ou australien, etc.).
Le « 10 ans » US a plongé de 13 points, vers 4,215%, à la veille du week-end (soit -25 points en hebdo) et les dettes souveraines européennes effaçaient jusqu’à 10 points, ce vendredi.
Le Bund s’est détendu de 30 points sur la semaine écoulée, ce qui reste « raccord » avec la baisse de l’inflation et la prévision d’une récession outre-Rhin au 2ème semestre 2023, et au moins durant le 1er semestre 2024.
Nos OAT effaçaient également -11 points, à 2,925% (soit -28 points hebdo et -65 points depuis le 26 octobre, début du rallye boursier historique sur les actions).
La relation symétrique entre les variations de rémunération du billet vert et du métal précieux ne sont plus à démontrer… mais le « bang » supersonique de l’or dans la nuit de dimanche à lundi va certainement au-delà de cette seule dimension. Sinon comment l’or aurait-il aussi bien résisté à une hausse du loyer de l’argent de 0,00% à 5,50% et inscrit un record au-delà des 2 080 $, le 4 mai dernier ?
Il y a l’hypothèse – très plausible – du retour de la planche à billet mi 2024, mais aussi celle de l’exacerbation de tensions géopolitiques, l’affrontement Israël/Hamas ayant repris ce week-end, avec cette fois, le bombardement intensif (400 frappes) du sud de la bande de Gaza.
Cette extension des frappes sur une population qui a fui le nord, réduit à un champs de décombres totalement inhabitable, pour se faire à son tour pilonner au sud alimente le sentiment que le Hezbollah libanais a cette fois très envie d’en découdre avec le gouvernement de Netanyahou, qui a perdu la bataille de l’opinion internationale.
Mais ce qui est plus crucial encore, « Bibi » vient de perdre le soutien « inconditionnel » de la Maison-Blanche et d’une bonne partie des médias américains, qui ne peuvent plus faire semblant de ne pas connaître les images des milliers de civils – femmes et enfants – tués à Gaza, avec l’excuse, qui ne passe plus du tout, que les terroristes du Hamas se cachent dans les hôpitaux, lesquels deviennent des cibles légitimes… ou pire, que la population n’est pas otage de la situation, mais « complice ».
Pourvu que la flambée de l’or ne soit pas le signe précurseur d’un embrasement au Proche-Orient… mais il ne serait plus le seul à battre des records, le baril de pétrole aurait tôt fait de remonter de 78 $ vers 100 $ à Londres, enterrant tous les espoirs de désinflation.