La Chronique Agora

Fixing de l’or et de l’argent : révolution entre Londres et Pékin

▪ Coïncidence ? L’or a été très calme même après que la Deutsche Bank a quitté son siège au fixing de Londres pour le marché du métal précieux en avril dernier.

Cela faisait déjà un certain temps que les régulateurs reniflaient autour du "fix" de l’or de Londres… et quelque chose ne sentait pas très bon.

Le fixing de l’or de Londres est un processus par lequel cinq banques d’investissement établissent (euh… fixent) le cours de l’or deux fois par jour à Londres. Il en va ainsi depuis 1919 alors que NM Rothschild contrôlait le processus.

Mais en janvier, la Deutsche Bank a annoncé qu’elle quittait le fixing de l’or (sous la pression du régulateur financier allemand). Elle espérait vendre son siège mais, curieusement, aucun repreneur ne s’est présenté. Elle a donc abandonné son siège en avril dernier, avec un préavis de deux semaines.

Le fix de l’argent, qui remonte à 1897, prendra fin en août de cette année

En même temps, la Deutsche Bank a quitté le fixing de l’argent. Du fait que le fix de l’argent quotidien n’a que trois participants, cela a dans les faits tué le processus de fixing du prix. Le fix de l’argent, qui remonte à 1897, prendra fin en août de cette année.

▪ Tout le monde se tient à carreau…
Voilà donc une grande banque qui se retire très rapidement d’une position censée être vénérable. Puis, à peine quelques semaines plus tard, la FSA (Financial Services Authority), l’autorité britannique des services financiers, inflige à la Barclays une amende de 26 millions de livres sterling pour avoir manipulé le processus de fixing de l’or. Naturellement, il ne s’agissait que d’un incident isolé et la FSA a également infligé une amende de 96 000 livres à un "trader voyou" de la Barclays pour avoir été à l’origine de la manipulation. Ce n’est pas comme si c’était systémique…

C’est peut-être pour cela que le prix de l’or a été remarquablement calme ces dernières semaines. Les "fixeurs" savent que les régulateurs les surveillent. Tout le monde se tient à carreau. Cela ne durera pas bien longtemps.

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L’amende à laquelle la Barclays a été condamnée pour avoir manipulé le fix de l’or met en lumière le racket dégénéré qu’est devenu tout le système financier. C’est un excellent business model pour les banques et les Etats. Voici comment cela fonctionne :

Les Etats et les banques centrales garantissent une politique inflationniste constante et de l’argent facile… de l’argent qui passe par les grandes banques avant d’atteindre le reste de l’économie. Ce torrent de cash est sûr de corrompre le citoyen le plus honnête parce que de l’argent, on en veut toujours plus, n’est-ce pas ?

▪ Qui y trouve son avantage ?
Il va sans dire que dans un tel système, il y aura des erreurs de jugement, des oublis mais aussi des tromperies et corruptions franches. Mais les régulateurs essaient-ils vraiment de lutter contre ?

Non, ils se contentent d’infliger des amendes pour avoir leur part du gâteau eux aussi. Les amendes ne découragent guère les mauvais comportements ; elles ne sont qu’un coût de fonctionnement pour le business.

En 2013 la FSA a encaissé près de 500 millions de livres… Cette année, elle a jusqu’ici touché 141 millions de livres.

Selon une analyse menée par le Financial Times, les grandes banques d’investissement ont payé 100 milliards de dollars aux Etats-Unis dans le cadre de règlements judiciaires depuis la crise financière en 2008. Toutefois, aucun dirigeant de banque n’a été inquiété au niveau pénal.

Si vous songez à entrer dans le business du crime, cantonnez-vous à la criminalité ‘en col blanc’

Mon prof d’économie au lycée nous a un jour dit : "écoutez, si vous songez à entrer dans le business du crime, cantonnez-vous à la criminalité ‘en col blanc’. Vous ne risquez pas grand-chose". Il avait mille fois raison… plus qu’il ne le croyait à l’époque.

Les régulateurs ne sont pas intéressés par poursuivre en justice. Cela ne les intéresse pas de dissuader de tels comportements. Ce qui les intéresse, c’est de toucher un pourcentage et de permettre au jeu de continuer. C’est un sale racket et c’est vous qui le payez.

Il suffit d’étudier l’historique de la Barclays. La récente amende pour le fixing de l’or était liée à une période remontant à 2012. Elle est arrivée juste quelques jours après que la banque a écopé d’une amende record pour avoir manipulé le taux interbancaire Libor. Aujourd’hui, les dirigeants doivent faire face à une enquête des autorités britanniques pour des transactions douteuses au Qatar en 2008. Quelle "culture" chez la Barclays !

Il ne faut pas s’attendre à ce que ce genre d’agissements cesse. C’est ce qui arrive dans les dernières étapes d’un capitalisme dégénéré. Les critiques montrent un peu rapidement du doigt le capitalisme comme étant le problème. Le capitalisme n’est pas le problème.

Le principal problème est la constante manipulation du taux d’intérêt. En maintenant les taux sur une période prolongée en dessous du "taux naturel" (le taux de marché où les besoins des épargnants et des investisseurs se compensent), on a créé des distorsions à si grande échelle qu’il n’y a pratiquement aucun fix sauf à repartir d’un éclatement du système.

▪ Nouveau système, nouveaux acteurs…
Pour revenir au fixing de l’or, on pourrait bien assister au début de la fin de l’hégémonie de Londres. Selon The Financial Review :

"A en croire certaines sources, la Chine a contacté des banques étrangères et des producteurs d’or pour participer à une Bourse mondiale de l’or à Shanghai. En effet, le premier producteur et importateur d’or au monde cherche à gagner plus d’influence sur la fixation des prix.

La Shanghai Gold Exchange (SGE) a eu le feu vert de la banque centrale la semaine dernière pour lancer une plate-forme globale de trading dans la zone de libre-échange de la ville. Cela met au défi la domination de New York et de Londres dans le commerce et les cours de l’or".

C’est là un grand bouleversement mais il prendra du temps. Cependant, si la Chine peut mettre en place un processus de fixation des prix plus transparent que celui de Londres, elle ne tardera pas à prendre la place de Londres comme centre du commerce de l’or. L’autre grand défi pour la Chine est de protéger les droits à la propriété privée.

Les grands détenteurs d’or (comme les Saoudiens) sont bien contents de laisser leur or à Londres parce que le Royaume-Uni est un lieu sûr (c’est une île, difficile à envahir) et ils savent que les autorités ne confisqueront pas leur or. Elle a une longue histoire de protection de la propriété privée.

Les Saoudiens sentiront-ils leur or en sécurité en Chine ? Pas pour le moment

Les Saoudiens sentiront-ils leur or en sécurité en Chine ? Pas pour le moment. Mais la Chine peut grignoter l’avantage concurrentiel du Royaume-Uni en promulguant des lois protégeant la propriété privée et en les faisant respecter en toutes circonstances.

Dernièrement, la Chine cherchait à développer un centre de commerce asiatique de l’or et d’autres matières premières dont elle est grande consommatrice. Ravir une partie de ce rôle à Londres devrait améliorer la transparence dans la fixation des prix et le commerce. S’agissant des grands centres de commerce, la liquidité engendre la liquidité et elle pourrait rapidement dominer le marché, laissant Londres devenir une grande unité de stockage de l’or… une activité pas très lucrative.

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