** Au cours des derniers mois, les sordides histoires de cupidité et de fraude à Wall Street se sont succédé comme les intrigues d’un film à suspense. Mais les histoires les plus récentes sont si incroyablement épouvantables qu’elles ressemblent à quelque chose de bien plus macabre, comme l’intrigue d’un documentaire sur Jeffrey Dahmer ou John Wayne Gacy.
– Chaque nouvelle est plus sinistre et troublante que la précédente. Tandis que le nombre de victimes augmente, et que Lower Manhattan devient une vaste scène de crime, votre chroniqueur a de plus en plus peur de feuilleter son Wall Street Journal la nuit, même avec les portes fermées à double tour et la lumière allumée. Les nouvelles sont trop effrayantes. Plus effrayantes encore que le fait que les prédateurs financiers continuent à rôder en toute liberté parmi nous et à occuper des postes de pouvoir.
– En fin de semaine dernière, par exemple, nous avons appris que AIG, Citigroup et plusieurs autres institutions financières en difficulté, avaient arnaqué le gouvernement de plusieurs milliards de dollars, alors que le gouvernement tentait de les sauver.
– Selon un rapport du Congressional Oversight Panel, le Trésor US a payé près de 78 milliards de trop pour des actifs toxiques vendus par les banques américaines. "Le rapport montre", raconte un article de Reuters, "que le Trésor a fait la pire [de ses nombreuses mauvaises opérations] avec des investissements de second rang d’AIG pour 40 milliards de dollars, et de Citigroup pour 20 milliards de dollars, par le biais de programmes d’aide spécifiquement créés pour les deux institutions en question. Pour chaque billet de 100 $ dépensé dans ces deux entreprises, le Trésor a reçu des titres d’une valeur de 41 $".
– En d’autres termes, pour les lecteurs qui n’ont pas de boulier sous la main, les contribuables on perdu 35,4 milliards de dollars à la seconde où ils ont débarrassé AIG et Citigroup de leurs titres toxiques.
– Qui, selon vous, a eu le plus de flair en ce qui concerne la valeur réelle des titres que le gouvernement a acheté à AIG ? Les employés du gouvernement qui les ont achetés, ou les vendeurs de chez AIG ? Nous allons prendre des risques et dire que les employés d’AIG on su y faire.
– Donc si les vendeurs se doutaient que les actifs valaient bien moins que ce que le gouvernement payait, n’avaient-ils pas aussi l’obligation de donner cette information au gouvernement ?
– Et puisque les vendeurs de chez AIG n’ont pas donné les valeurs correctes au gouvernement, n’ont-ils pas commis une sorte de fraude ? Et s’ils ont commis une fraude, ne méritent-ils pas une peine de prison ?
– Mais ne les condamnons pas trop vite. Si les dirigeants de AIG ne savaient absolument pas que les prix payés par le gouvernement pour les titres AIG étaient à des années-lumières des prix réels, ils ne sont coupables d’aucune fraude. Ils sont plutôt coupables d’incompétence extrême… une fois encore.
– Criminels ou crétins. C’est l’un ou l’autre. Quoi qu’il en soit, ils méritent d’être licenciés.
** Cette intrigue à vous donner le frisson, qui se déroule dans les bureaux de Wall Street, soulève une question évidente, qui n’obtient jamais de réponse évidente. Pourquoi le gouvernement organise-t-il des renflouements au plus haut de la pyramide socio-économique américaine, là où sont les responsables de la crise, plutôt qu’en bas de la pyramide, là où sont les victimes ? Pourquoi, en d’autres termes, les contribuables doivent-ils continuer à payer pour les erreurs des autres ?
– Un article alarmant de Mark Pittman et Bob Ivry, de Bloomberg News, vient appuyer cette idée. "La Réserve fédérale, le ministère des Finances et la FDIC ont prêté ou dépensé près de 3 000 milliards de dollars au cours des deux dernières années et se sont engagés à fournir 5 700 milliards de plus si nécessaire", a révélé le duo de chez Bloomberg… Ces énormes promesses, notent Pittman et Ivry, pourraient presque suffire à "rembourser tous les prêts hypothécaires contractés aux Etats-Unis, évalués à 10 500 milliards de dollars par la Fed".
– Malgré ce déluge de renflouements et de garanties qui s’est déversé sur les institutions financières américaines, l’économie continue à s’atrophier et le secteur financier demeure comateux. Alors pourquoi continuer ce stratagème ? Pourquoi ne pas utiliser l’argent des contribuables pour aider les familles à conserver leurs maisons, plutôt que d’aider des psychopathes à conserver leurs costumes Armani ?
– Il est peut-être temps d’essayer quelque chose de différent, comme changer les destinations les plus populaires pour les vacances des cadres de la finance : passer d’Aspen et Saint-Barth à Sing Sing et San Quentin.