La Chronique Agora

La Fed a fait une OPA sur Wall Street

▪ Quand il n’y a pas de flux entrants dans un marché boursier, quand l’attentisme domine avant certaines réunions de banques centrales, quand l’actualité conjoncturelle contredit les discours optimistes, quand les taux se tendent et refusent obstinément de refluer… les marchés sont censés consolider.

Cependant, comme nous le répétons à l’envi depuis l’été dernier, il n’y a plus de marchés. Que ce soit par le verbe ou la planche à billets (et le verbe peut suffire si la main est posée sur l’interrupteur qui met en marche les rotatives), les banques centrales ont fait une OPA sur le système financier.

Là où des millions de cerveaux concouraient à forger une tendance — ou à la défaire au gré des caprices de la psychologie humaine –, un seul suffit désormais.

Beaucoup de commentateurs décrivaient un marché comme le lieu d’un affrontement épique entre haussiers et baissiers. Pourquoi tant de violence, pourquoi une telle débauche d’énergie, pourquoi tant d’incertitude ?

La Fed balaye tous ces impondérables d’un coup de planche à billets. Pour que tout le monde comprenne bien à Wall Street ce qui l’attend, Ben Bernanke enfile un t-shirt représentant un taureau haussier chargeant tête baissée. Il porte aussi une casquette ornée de longues cornes en PVC et enfile une ceinture dont la boucle représente une tête de taureau écumant.

Nous exagérons à peine. L’impact de l’intervention monétaire de la Fed sur la psychologie des opérateurs se rapproche de celle d’une injection de testostérone/caféine sur un taureau de combat.

▪ Pas de temps mort dans l’arène
N’importe quel chiffon (de couleur verte ou rouge), n’importe quelle statistique — bonne ou mauvaise, peu importe –, agité sous le nez d’un trader déclenche une charge et une nouvelle appréciation des actions.

Quiconque rentre dans l’arène avec ses statistiques sur la dette américaine (qui enfle indéfiniment), ses projections attestant d’un repli du bénéfice des entreprises, ses études démontrant l’explosion des PER sur fond de tension des taux est absolument certain de se faire foncer dessus, encorner puis piétiner s’il ne prend pas la fuite afin de se réfugier derrière les balustrades.

Plus personne ne s’y risque. On ne raisonne pas un bull (dozer) qui vient de recevoir son injection quotidienne de drogue monétaire.

Comme le spectacle offert est affligeant et sans aucun intérêt, le public a déserté les gradins et déchiré ses tickets pour les prochaines corridas. Cela n’empêche pas le taureau de charger — encore et encore — la silhouette d’un ours en papier mâché suspendu par Ben Bernanke au bout d’une longue perche. Il n’y a plus qu’une poignée de ses obligés (banques actionnaires de la Fed) pour crier olé !

Le problème, c’est que les obligés de la Fed sont également ceux qui vendent les tickets et abonnements aux aficionados… Et là, côté recettes, c’est un désastre ! Encore heureux que le public n’ait pas saccagé la buvette ni incendié les véhicules des organisateurs.

▪ Le taureau joue les Don Quichotte
Pour résumer la séance de mardi, le taureau a tourné en rond toute la journée, balançant des coups de cornes inutiles contre des adversaires imaginaires. Peut-être finira-t-il par attraper le tournis ou foncer une bonne fois pour toutes droit dans le mur.

Ce serait le comble de l’absurdité s’il venait se fracasser le crâne contre les records absolus un 31 juillet… alors qu’il s’apprête à matérialiser son plus gros score boursier mensuel depuis octobre 2011.

Le seul but de la séance de mardi semble avoir été de maintenir les indices américains au contact de leurs records annuels ou historiques. Cela afin d’aborder le communiqué final de la Fed dans les meilleures conditions. S’il y avait eu de forts mouvements directionnels, cela aurait alimenté le soupçon de fuites concernant la politique monétaire de la banque centrale.

Dans un tel contexte, la baisse relativement bénigne de l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board pour le mois de juillet (à 80,3 contre 81 attendus) n’était pas susceptible d’émouvoir Wall Street… Cependant, si le mouvement avait été plus brutal, cela aurait pu alerter le taureau qui à tous les coups nous aurait remis une charge à la hausse.

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