La Chronique Agora

La Fed ira bien jusqu’à déclencher une récession

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Les annonces d’hier confirment la destination choisie par la Fed. Avec le noble but affiché de faire revenir l’inflation à son objectif de 2%, et peu importe les réalités économiques.

C’est un scénario récurrent depuis mars dernier : la Fed publie son communiqué (de façon électronique) annonçant ses décisions sur les taux directeurs, et toutes les classes d’actifs partent ventre à terre dans une direction.

Une demi-heure plus tard, Jerome Powell s’installe devant son pupitre dans la salle de presse, tapote son micro deux fois… et aussitôt, toutes les classes d’actifs partent dans la direction opposée.

Cette fois-ci, contrairement aux trois précédentes conférences de presse où il expliquait ses hausses de 75 points de base, ce fut un soudain retournement à la baisse, de 2,5% à 3%), après un premier élan haussier de 1% à 1,5%, pour l’ensemble des indices américains.

A quoi servirait un pivot ?

Et oui, Jerome Powell n’a fait qu’un banal toc-toc sur le micro et pas « toc-toc-toc », qui était le code pour convenu pour signifier que la Fed pivote… Car la Fed va prendre six semaines de plus pour évaluer la situation et décider s’il est enfin temps d’envoyer un signal positif aux marchés.

D’ailleurs, en avaient-ils un si grand besoin après avoir repris entre 10% et 13% en tout juste cinq semaines ?

Toute la littérature traitant d’un pivot imminent – devenue tellement obsessionnelle que cela finissait par ressembler à de l’ingénierie sociale – était destinée à « envoyer du rêve »… et il y avait un bon 10% à gagner en suivant le mouvement sans se poser de questions.

Il suffisait juste de ne pas être trop gourmand, de ramasser ses gains et de ne pas tenter le jackpot en mode « quitte ou double », ce 2 novembre.

La première question que les investisseurs devaient se poser était : « Le pivot changera-t-il quoi que ce soit si la Fed continue de retirer 95 Mds$ de liquidités chaque mois ? »

La seconde est : « Les précédents pivots ont-ils effectivement renversé la tendance des marchés à la hausse ? »

Dans les deux cas, la réponse est non… à l’exception notable de décembre 2018 / janvier 2019, quand la Fed avait « pivoté » suite aux cris de douleur des marchés, qui subissaient depuis trois mois une sensation de manque de liquidité.

Il n’était alors pas question de lutte contre l’inflation mais seulement de « normalisation » du bilan de la Fed (au bout de 9 années de « stop and go » sur la planche à billet).

Cette fois-ci, et pour la première fois depuis 50 ans, il s’agit de reprendre le contrôle de l’inflation. L’exercice est déjà difficile lorsque l’on tente de la contrôler dès les premiers signes précurseurs, mais cela paraît mission impossible lorsqu’on lui laisse prendre cinq longueurs d’avance.

Revoir les objectifs

Jerome Powell s’efforce de nous persuader que la Fed est capable d’accomplir ce miracle, de vaincre l’inflation, en se montrant patiente et déterminée.

Nous avons vu où la patience menait lorsque l’inflation fut déclarée « transitoire ».

Le Fed répète toujours que l’ancrage des anticipations inflationnistes reste primordial, et qu’elle a la conviction de parvenir à la ramener sur l’objectif des 2% d’ici 2 ou 3 ans. Mais qui y croit ?

Elle convient que ce n’est pas le moment de lever le pied : elle pourrait y songer à partir de mi-décembre ou début février (autrement dit, possibilité de 75 points dans six semaines).

La « petite phrase » qui a causé le plus dégâts fut : « Le besoin de nouvelles hausses de taux subsiste et l’objectif final est plus élevé que prévu initialement. »

Et il ne faut plus compter sur de l’argent gratuit d’ici une dizaine d’années, car la Fed s’engage à rétablir une structure de taux « orthodoxe », c’est-à-dire un loyer de l’argent supérieur à l’inflation.

Vers la récession

La Fed observe très tranquillement que l’économie a nettement ralenti par rapport à l’année dernière, suite à une baisse des investissements.

Elle concède que l’immobilier est significativement affecté (chute de 90% des demandes de crédit en un an), mais souligne que le marché du travail reste malgré tout robuste, et même inhabituellement robuste, ce qui déjoue ses pronostics.

Les prochaines statistiques seront peut-être différentes, mais ce n’est pas certain : le cabinet ADP a recensé une forte hausse des créations d’emplois en octobre. Le secteur privé a en effet généré 239 000 nouveaux emplois en octobre selon ADP, un chiffre nettement supérieur au consensus (192 000 créations, comme le mois précédent).

Les restaurants, le secteur des voyages et le commerce de détail ont intensifié leurs embauches à moins d’un mois de Thanksgiving et du Black Friday, puis en prévision de la période des fêtes de fin d’année… comme si le pouvoir d’achat des ménages restait intact et que les marchés financiers entretenaient le même « sentiment de richesse » que depuis une décennie.

Si c’est bien ce genre d’illusion qui prédomine, cela signifie que le message de la Fed n’a pas encore été bien compris. Elle est résolue à rééquilibrer l’offre et la demande de biens et services… une façon « douce » d’expliquer qu’elle ira jusqu’à orchestrer une récession.

Et cela, nous n’avons aucun doute qu’elle y parvienne, tout comme elle a mené avec maestria les Etats-Unis tout droit dans le mur de l’inflation.

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