La Chronique Agora

La Fed ignore l’inflation… le dollar en fera-t-il autant ?

▪ Janet Yellen a préféré ignorer la hausse des chiffres de l’inflation aux Etats-Unis. "Du bruit", a-t-elle dit.

Elle n’aime pas leur son. Les chiffres valides sont harmonieux. Lorsqu’ils ne sont pas valides, c’est la cacophonie.

Après tant d’années passées à écouter le vacarme fait par ses propres collègues, peut-être que la pauvre Mme Yellen est devenue sourde. C’est en tout cas une explication de sa nonchalance vis-à-vis de la menace d’inflation.

Comme nous l’avons souligné hier, les marchés américains glissent sur le chemin le plus dégagé depuis près d’une décennie. Les cahots et les nids-de-poule semblent avoir disparu. Le VIX, qui mesure la volatilité, montre peu de crainte. Le S&P 500 n’a pas bougé de plus de 1% par jour sur les 45 dernières séances. Les investisseurs eux-mêmes ne verrouillent plus leurs portes, ni ne mettent leur ceinture de sécurité.

La Fed fait baisser les taux d’intérêt. Ayant de l’argent si bon marché à portée de main, les gens trouvent des moyens de l’utiliser. Spéculation… amélioration du style de vie… projets écervelés et vains.

Une start-up… qui ne peut rien trouver de mieux à faire avec son cash que se racheter elle-même ?

L’une des principales utilisations de la dette des entreprises a été le rachat d’actions. Même les start-ups rachètent leurs propres valeurs dès que c’est légalement possible. Nous en restons bouche bée. Une start-up… qui ne peut rien trouver de mieux à faire avec son cash que se racheter elle-même ? Et si cela ne vous laisse pas muet, voici une nouvelle sorte de grotesquerie financière devenue commune : les banques centrales elles-mêmes commencent à spéculer sur les actions.

Toute l’affaire est si remarquablement boiteuse qu’elle mérite d’être commentée. Le cartel bancaire — avec la permission expresse du gouvernement — crée de l’argent. Cet argent est donné à des emprunteurs privilégiés, à des termes privilégiés. Les entreprises, avec des coûts d’emprunt bas, utilisent l’argent pour acheter leurs propres valeurs. Et les banques centrales elles-mêmes — en quête du rendement qu’elles ont refusé aux vrais épargnants — utilisent leur cash mal acquis pour acheter plus d’actions ! Qui peut s’y opposer ?

Avec tant de cash en renfort… et le moelleux coussin des garanties de banques centrales en sortie de secours… faut-il s’étonner que les actions grimpent et grimpent ?

Il y a quand même des choses qui pourraient ruiner ce programme…
La Chine pourrait s’effondrer lors d’une crise. La guerre pourrait se déclencher au Moyen-Orient ou en Europe de l’est. La bourse pourrait chuter, sans raison particulière. Les banques centrales pourraient perdre le contrôle des taux d’intérêt. Les obligations pourraient dégringoler. Qui sait ?

De l’argent créé "à partir de rien" pourrait un jour retourner là d’où il vient

Le risque le plus évident, cependant, est la monnaie elle-même. De l’argent créé "à partir de rien" pourrait un jour retourner là d’où il vient. Le dollar pourrait chuter par rapport aux devises étrangères. Il pourrait aussi chuter par rapport aux biens et services qu’il est censé acheter. Dans les deux cas, il enverrait cet élégant véhicule dans le fossé.

C’est pour cette raison que la mesure de l’inflation est si importante. Si les prix à la consommation augmentent en fait plus rapidement que ne l’affirment les autorités, ça signifie deux choses importantes :

D’abord, le PIB n’augmente pas. La croissance nominale du PIB est ajustée à l’inflation. Plus d’inflation, moins de croissance.

Ensuite, le coût d’emprunt réel est bien plus bas que nous le pensons. Si l’inflation est plus élevée, le taux d’intérêt réel est plus bas.

Alors que faut-il en comprendre ? La Fed déclare que 2% est le bon chiffre pour l’inflation des prix à la consommation. Le Billion Prices Project du MIT la met à 3,91%.

Et depuis 2000, selon le gouvernement, les prix à la consommation ont grimpé de 39% aux Etats-Unis. Le problème, c’est que nous ne trouvons pas de prix significatifs ayant si peu grimpé.

Le pétrole a pris 314%. Une douzaine d’oeufs coûte 106% de plus. Les frais d’université ont grimpé de 68%. La maison moyenne a augmenté de 50%.

Du bruit, là aussi ?

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile