▪ Nous voici parvenus à la fin du semestre… et vous supposez que nous sommes très tenté de profiter de cette chronique pour faire un bilan de mi-parcours alors que les gérants de fonds (les asset managers) sont précisément en train de finir d’habiller les leurs.
Nous avouons que zapper complètement un tel exercice serait un peu extravagant. Et si nous préférons réfléchir au coup suivant, il est difficile de le faire sans avoir bien analysé les objectifs et les conséquences des coups précédents.
Tout le monde s’y colle, à commencer par le gouvernement américain… Mais en l’occurrence — depuis jeudi soir — le sujet du moment, c’est l’identification du bon candidat pour remplacer Ben Bernanke.
Le patron de la Fed avait été en quelque sorte démissionné quasi-officiellement il y a 15 jours par Barack Obama : « le patron de la Fed a fait un super boulot, nous avons de la chance qu’il ait rempilé pour un second mandat alors qu’il se serait bien contenté d’en accomplir un seul ».
Sous-entendu, il n’est même pas question d’envisager qu’il propose d’en briguer un troisième. Il est temps pour lui de parcourir le monde pour animer des conférences qui lui garantiront des millions de dollars de revenus par an… sans compter que les plus grandes banques du monde se battront également à coups de millions pour s’attacher ses services.
Franchement, nous serions à la tête de n’importe quelle institution financière qui revendique le statut de « Maître du Monde », nous ferions tout pour l’avoir à nos côtés lorsqu’exploseront les bulles d’actifs qu’il a contribué à créer avec des milliers de milliards de dollar surgis du néant… puis largués par hélicoptère sur le périmètre de Wall Street — pas question que les rues adjacentes peuplées de citoyens lambda puissent mettre la main sur cette manne divine.
▪ Pieux mensonges et illusions
Ben Bernanke a certainement sa petite idée sur les pieux mensonges que vont raconter son successeur et ses ex-collègues lorsque le système financier frauduleux qu’il a mis en place — soucieux de démontrer qu’il aurait suffi d’agir ainsi en 1929 pour éviter une catastrophe économique globale — va commencer à se désintégrer.
Comme nous l’avons déjà écrit — et nous ne sommes pas les seuls –, la question n’est pas de savoir si les trilliards de fausse monnaie déversés dans les poches de ceux-là mêmes qui avaient causé le chaos systémique de 2007/2008 vont retourner au néant (via la faillite de certains Etats)… mais bien quand cela arrivera.
Comme d’habitude, la stratégie de la Fed et des maîtres du monde qui collaborent avec elle va consister à tromper le plus de gens, le plus longtemps possible. Cela afin de limiter au maximum les conséquences financières et politiques pour les élites encore en place. Nous supposons qu’ils disposent déjà de stocks stratégiques de dénégations des évidences et de mensonges destinés à endormir la population.
Qui peut encore se faire la moindre illusion sur la possibilité de connaître le vrai en écoutant les discours officiels depuis la faillite Enron — noté « AAA » jusqu’à 15 jours de l’effondrement ? Et que dire de la crise des subprime, jugée non-contagieuse par la Fed et parfaitement gérable par « le système bancaire le plus solide du monde » ?
Qui comprend aujourd’hui les vraies raisons du krach rampant de l’or et de l’argent-métal (car c’en est un, du strict point de vue technique)… sans avoir à l’esprit que la Fed a tellement gagé ses stocks auprès de spéculateurs de toute nature depuis trois décennies qu’elle s’avère par exemple incapable de restituer séance tenante les 321 tonnes que l’Allemagne souhaite rapatrier sur son territoire ?
▪ Le château de cartes s’effondre
Vingt-cinq ans se sont écoulés avant que cette dernière cesse de redouter de voir les chars russes envahir le quartier des affaires de Francfort et mettre en joue la Bundesbank.
Mais il y a plus destructeur qu’une division de chars T-72 soviétiques pour les spéculateurs : il existe une machine infernale dénommée ETF.
Il suffit de tirer un obus au-dessus de la tête de quelques amateurs de « levier » un peu trop bravaches pour les voir déguerpir. Ils déclenchent ainsi une réaction en chaîne de liquidation de positions à terme — qui se solde par une capitulation générale des détenteurs de métaux précieux en mode 100% virtuels.
Nous assistons à l’effondrement d’un château de cartes… mais une fois les cartes tombées sur la table, il suffit les rassembler puis de les trier par familles pour reconstituer des jeux complets de 52 et entamer une partie de bridge ou une réussite.
C’est le château qui est vulnérable… pas les cartes elles-mêmes.
C’est tout l’inverse en ce qui concerne les swaps, les CDS et CDO. Qu’une crise de confiance survienne, que la contrepartie vienne à disparaître et il ne vous reste plus rien entre les mains… même pas un as de trèfle comme porte-bonheur, même pas un paquet de cendres prouvant que le papier virtuel avait un semblant d’existence.
▪ De la Fed à la Lune
Si l’on mettait bout à bout tous les billets de 1 $ imprimés par la Fed depuis l’automne 2008, en retenant une longueur de 16,65 centimètres, il y aurait de quoi parcourir 100 fois la distance de la Terre à la Lune : 385 000 kilomètres à raison de 6 000 billets par kilomètre = 2 300 milliards de dollars. On pourrait aussi effectuer près de 1 000 fois le tour de la Terre… de quoi attraper le tournis.
Il ne manque plus que 1 000 milliards de dollars pour atteindre la planète Mars, située à environ 55,5 millions de kilomètres. Ce serait chose faite au 1er juillet 2014 si le QE3 est poursuivi au rythme actuel de 85 milliards de dollars par mois (le calcul est facile).
Il n’est donc pas exagéré d’affirmer que la Fed a imprimé une quantité sidérale de dollars qui n’ont pas plus de consistance que le nuage de poussières ionisées constituant la queue d’une comète. La solvabilité des Etats-Unis nous apparaît techniquement tout aussi vaporeuse et évanescente (il en va de même du Japon ou de l’Espagne).
▪ La fin du QE3 n’est pas pour demain
Il est facile de comprendre pourquoi les membres de la Fed se succèdent en rangs serrés devant les médias depuis une semaine pour expliquer que le moment d’entreprendre une réduction graduelle du QE3 est encore loin d’être imminente.
William Dudley, un des membres les plus laxistes de la Fed, illustre parfaitement cette stratégie de communication « apaisante ». Il rappelle qu’il n’est pas question de réduire le QE3 avant que la conjoncture économique américaine confirme son renforcement.
Il ajoute même que la Fed pourrait augmenter la taille de ses injections monétaires si le taux de chômage tardait à se contracter en direction de son objectif des 6,5% (pas atteignable avant 2020 selon nombre d’économistes !).
En ce qui concerne la récente hausse des taux, elle ne devrait pas poser de problème si la croissance atteint un niveau équivalent d’ici la fin de l’année — soit 2,6% contre 1,8% telle qu’elle vient d’être recalculée fin juin.
Les investisseurs espèrent qu’après avoir vu les T-Bonds passer de 1,62% à 2,67% et les taux hypothécaires bondir de 3,40% à 4,45% en deux mois, les rendements obligataires vont amorcer sagement leur décrue, conformément aux anticipations des membres de la Fed.
▪ Les acheteurs perdent la main
Malgré une nette détente du 10 ans à 2,48% et l’intensification des opérations d’habillage de bilan à 24 heures de l’expiration du premier semestre, les acheteurs ont perdu la main au cours de la dernière heure de cotation à Wall Street. Après une entame de séance encourageante, les indices américains ont semblé s’enliser au fil des heures.
Le Nasdaq gagne 0,76% (à 3 402 points), à parité avec le Dow Jones qui en termine à 15 024 contre 15 075 points au plus haut. Le S&P se contente de +0,61% à 1 613. Depuis le 1er janvier, cela nous donne des performances respectives de +12,6%, +14,6% et +13,1%… à comparer avec les -0,65% de l’Euro-Stoxx 50 et les +3,3% du CAC 40.
Même avec une hausse de taux de 100 points de base aux Etats-Unis (en huit semaines) contre +50 en Allemagne et en France, les valeurs américaines continuent d’accroître leur avance par rapport aux actions cotées en euro. Cela relève de la magie noire… ou d’arbitrages au détriment des marchés émergents et des métaux précieux.
Nous ne saurions mieux résumer le premier semestre 2013, placé sous le signe des injections monétaires les plus massives de l’histoire des marchés financiers, que par cette statistique tombée la nuit dernière au Japon.
Alors que les économistes anticipaient une hausse de 1,4% des dépenses des ménages nippons au mois de mai — quantitative easing et orgie d’argent bon marché oblige –, nous assistons à une spectaculaire contraction de -1,6% en rythme annuel.
Compte tenu de l’heure tardive de la publication, nous avons relu le communiqué pas moins de trois fois avant de rédiger ce paragraphe… mais le différentiel est bien de 3% par rapport aux estimations. Vous vous souvenez de la métaphore de l’insecte japonais à la recherche d’un pare-brise sur lequel s’écraser ? Voilà, c’est fait !