Le sommet de Jackson Hole s’est terminé sans révélation fracassante – et la Fed reste donc sur le statu quo, prisonnière de sa politique monétaire et de l’engrenage qu’elle a déclenché.
Les responsables politiques, économiques et financiers créent de la valeur boursière, pas des vraies richesses et du pouvoir d’achat.
Les risques sont maintenant clairement supérieurs aux bénéfices de leurs politiques. Ils sont incapables de se remettre en question quand ils sont pris dans l’engrenage.
La pensée au mois le mois fait oublier le long terme et les raisons de l’action initiale. C’est une structure de tous les pouvoirs que de persister dans l’erreur et ce dans tous les domaines.
La gestion des affaires monétaires est aussi catastrophique que celle de l’Afghanistan, mais comme la monnaie c’est plus compliqué, les peuples ne s’en aperçoivent pas.
Un dilemme qui ne change pas
La semaine dernière a eu lieu le sommet annuel de la Fed à Jackson Hole, dans le Wyoming, aux Etats-Unis. Le président de la Fed, Jerome Powell, et la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen se sont exprimés ; ils ont rassuré les marchés quant au fait que le taper ne se produira pas tout de suite… même s’il reste incontournable.
Aucune date n’a été donnée, aucune précision sur le possible déroulement d’un resserrement de la politique monétaire.
La question principale demeure donc, comme nous le voyons par ici…
Maintenant que le sommet est passé, les observateurs liront d’un œil distrait quelques contributions universitaires commandés à divers « économistes monétaires » traditionnels ou bien-pensants.
La question qui les intéresse est le calendrier de la réduction des achats d’obligations d’Etat par la banque centrale américaine.
Notez-le, c’est une question qui, en pratique, ne concerne que les spéculateurs sur les marchés financiers. Ils attendent l’arme au pied pour savoir s’ils doivent vendre ou acheter ! La problématique réelle n’intéresse personne et surtout pas la presse.
L’enjeu se présente sous la forme d‘un dilemme : réduire – ou pas – les achats de titres à long terme et les obligations d’Etat. Taper or not taper.
Le dilemme se formule :
– si on ne réduit, pas il y a risque d’emballement spéculatif et inflationniste ;
– si on réduit, il y a risque d’un accident sur les marchés financiers bullaires.
Je simplifie mais c’est l’essentiel, c’est le cœur à la fois de la réunion et des commentaires.
« Dans la seringue » une fois de plus
Ce schéma sous forme de dilemme est une structure quasi-constante des politiques gouvernementales et des autorités monétaires. Je m’explique.
Ces responsables choisissent, à un moment donné, une politique en réponse à une situation ou un événement. Ils se mettent, comme je le dis souvent, « dans la seringue » – c’est-à-dire qu’ils ne peuvent plus ensuite s’en sortir.
Exemples, la guerre du Vietnam, la crise de 2008, la crise afghane, la crise sanitaire. Quand on a choisi une politique, un engrenage se met en route, qui broie tout. Il n’y a pas d’autre solution que d’ajuster à la marge, « un peu plus, un peu moins » ou « un peu plus vite, un peu plus lentement ».
Progressivement, on se concentre sur l’ajustement de la politique actuelle pour éviter les inconvénients qui se présentent ; on recherche des optimums de court terme, mais dans un cadre restreint, limité par les actions antérieures. On se laisse entraîner/enfermer.
On perd en fait la liberté de choisir. Pour éviter des problèmes de court terme, on oublie le long terme. On devient incapable de prendre du recul et d’évaluer si l’état actuel des choses a encore un sens.
Ce refus de prendre du recul et de se remettre en question peut conduire à des résultats terribles.
Ce fut la leçon centrale que Daniel Ellsberg a tirée des Pentagon Papers. Le même principe s’applique en politique économique. Cela dit, on attend le Daniel Ellsberg qui portera un grand jour l’ensemble des discussions secrètes des financiers américains depuis le début des crises…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]