La Chronique Agora

Fed : à qui profite le crime ?

▪ La semaine dernière, Janet Yellen s’est exprimée devant le Congrès US. Qu’a-t-elle dit ? Qu’est-ce que ça signifiait ?

En un mot : rien.

La Fed prétend « orienter » les investisseurs et les entreprises grâce à ses forward guidance. Etant prévenus de ce que la Fed va faire, nous sommes censés pouvoir planifier nos affaires monétaire de manière raisonnable et ordonnée.

Nous ne nous souvenons pas de la Fed ayant offert quelque sorte d' »orientation » que ce soit avant la grande crise du crédit de 2008-2009. Au contraire : le président de la Fed égarait les investisseurs, affirmant que l’effondrement du marché des subprime avait peu de chance de se propager au reste de l’économie. Mais ça, c’était quand le monde avait encore des devises honnêtes. Aujourd’hui, on a de l’argent qui affirme être quelque chose qu’il n’est pas… du crédit qui n’est pas du crédit… et des directives des banques centrales qui sont tout sauf directives.

Ensuite — une fois que le problème eut non seulement débordé… mais coulé une bonne partie de l’économie — le président de la Fed a offert des indications « a posteriori ». Il a déclaré au monde qu’il était impossible de voir de telles crises arriver. Tout ce que les autorités pouvaient faire était y réagir en fournissant des liquidités au marché.

En ce qui concerne les liquidités et le crédit, nous avons sans doute déjà écrit plus que vous ne vouliez en savoir sur le sujet dans ces lignes ; aujourd’hui, nous nous intéressons à la forward guidance et à la version particulièrement malhonnête qui est pratiquée par la présidente actuelle de la Fed.

L’idée même de forward guidance est frauduleuse et mensongère

L’idée même de forward guidance est frauduleuse et mensongère. La Fed met les taux d’intérêt à des taux exceptionnellement bas (c’est censé être une urgence !). Cela permet aux spéculateurs d’emprunter à des taux microscopiques et de parier sur les actions, les obligations, le Japon, Gauguin — et ainsi de suite. Le risque auquel sont confrontés ces spéculateurs, c’est de se faire piéger lorsque les taux d’intérêt grimperont. C’est cette crainte qui, normalement, les empêche de truquer le système… de prendre l’argent bon marché de la Fed et de faire grimper les actions, par exemple.

▪ Sauf que…
Dans la mesure où la Fed a précisément l’intention, dans son plan de relance, de stimuler la spéculation, elle a utilisé la forward guidance pour signaler aux marchés combien de temps ils avaient avant que les coûts de l’emprunt augmentent.

Aider et encourager ce genre de pari n’aide pas l’économie — bien au contraire. Au lieu d’épargne honnête et d’investissement à long terme, on se concentre sur faire-des-profits-tant-que-ça-dure. C’est-à-dire tant qu’on peut obtenir de l’argent pour quasiment rien et l’utiliser pour faire grimper le prix de ses actifs.

Les entreprises, par exemple, utilisent cette « astuce » pour faire grimper le prix de leur titre et rapporter des gains étourdissants à leurs dirigeants.

Mais personne n’en profite autant que l’industrie financière elle-même. Les taux zéro et la forward guidance ont été une véritable aubaine pour elle

Les gouvernements — y compris celui des Etats-Unis — l’ont utilisé pour faire passer leurs dettes du secteur privé (qui va vouloir être remboursé) vers la banque centrale (qui, dans les faits, va l’oublier). Mais personne n’en profite autant que l’industrie financière elle-même. Les taux zéro et la forward guidance ont été une véritable aubaine pour elle.

Bien entendu, Janet Yellen sait tout ça. Elle sait que les politiques de la Fed n’ont pas fait grand chose pour aider l’économie réelle. Si l’on enlève les tours de passe-passe comptables, par exemple, on constate que le PIB US se traîne à des niveaux de récession. Il suffit d’observer la croissance nominale plutôt que les chiffres ajustés à l’inflation. La croissance américaine nominale depuis 2010 est similaire à celle mesurée durant les récessions du début des années 80, du début des années 90 et de 2001. Le chômage est lui aussi retombé de ses sommets de 2010 — mais uniquement pour retrouver les niveaux de récessions du début des années 80 et début des années 90.

Mais Janet Yellen ne peut pas admettre qu’elle a conduit la voiture ayant servi à fuir les lieux du plus grand cambriolage de l’histoire — avec environ 8 000 milliards de dollars transférés vers les gens les plus riches des Etats-Unis… et rien de concret dans l’économie réelle.

Elle doit faire semblant. Elle doit notamment prétendre que la forward guidance, c’est plus que simplement faire le guet pour l’industrie financière et avertir les traders avant que les flics n’arrivent.

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