La Chronique Agora

Rions un peu avec la Fed

La finance ou la politique ? Nous n’arrivons pas à décider laquelle est la plus distrayante.

Les primaires républicaines de la présidentielle US et les politiques monétaires de la Fed semblent se livrer bataille — à la clé, le plus grand nombre de gros titres dans les médias. Qui sera le plus absurde ? Qui sera le plus scandaleux ? Qui pourra obtenir le plus de clics ?

La politique, menée par Donald Trump, était clairement en tête… jusqu’à la semaine dernière. Le monde de l’argent, Janet Yellen portant le maillot jaune, a pris une longueur d’avance dans la course à l’hilarité.

Un simple outil du Deep State ?

« La prudence de Janet Yellen porte les marchés actions mondiaux proches de leur sommet de 2016 », titrait l’agence Reuters. La dépêche elle-même était un remarquable hommage à l’ensemble de ce système monétaire crétin.

A première vue, « la prudence de Janet Yellen » semble incompatible avec des actions « proches de leur sommet de 2016 ». La prudence signifie généralement rester calme, non encourager la spéculation.

Mais ce n’est pas tant ce que Mme Yellen a dit qui a fait grimper les actions que ce qu’elle n’a pas fait. Elle n’a pas fait exactement ce que nous pensions qu’elle ne ferait pas. C’est-à-dire que, jusqu’à ce jour cette année, elle n’a pas fait un seul pas dans la direction d’une politique monétaire « normale ». Nous sommes d’avis qu’elle ne le fera jamais.

Pourquoi pas ? Parce qu’elle est un simple outil entre les mains des compères du Deep State ? Parce que sa théorie économique est sotte, superficielle et simplette ?

Ils ont brûlé nos vaisseaux… nos usines… notre épargne… et tout le reste avec. Mieux vaudrait faire ses bagages, partir… et ne pas se retourner

Ou est-ce parce qu’elle et son prédécesseur, Ben Bernanke, ont causé de tels dégâts au monde normal qu’il n’y a rien à quoi revenir ? Ils ont brûlé nos vaisseaux… nos usines… notre épargne… et tout le reste avec. Mieux vaudrait faire ses bagages, partir… et ne pas se retourner.

C’est plus ou moins ce que Charlie Munger voit venir.

Préparez-vous au pire

Lorsqu’on lui a demandé si la Fed réduirait son bilan pour revenir à des niveaux d’avant la Grande récession (en revendant au secteur privé les 4 000 milliards de dollars d’obligations qu’elle a acheté au cours des huit dernières années), l’associé de longue date de Warren Buffett a eu cette réponse :

« Je me rappelle le café à cinq cents et les automobiles neuves à 600 $. La valeur de l’argent va continuer à chuter. Au cours des 50 dernières années, nous avons vécu la meilleure époque de l’histoire humaine. Les choses vont probablement empirer. Je vous recommande de vous préparer au pire parce que les bonnes surprises sont faciles à gérer ».

Le monde financier « normal » n’est plus habitable.

Mme Yellen a poursuivi en disant que les indices selon lesquels il n’y aurait pas de retour à la normale fournissaient un « stabilisateur automatique » au système financier mondial. Si si. (C’est là que nous attrapons un fou rire incontrôlable). Non seulement le crédit scandaleusement facile aide à « stabiliser » le système, mais il en va de même pour l’anticipation de plus de crédit facile !

Peut-être que l’annonce qu’elle n’essayera même pas de revenir à la normale aide à calmer les nerfs des investisseurs. Peut-être que la normale n’était pas si géniale, de toute façon.

Quoi qu’il en soit, les spéculateurs peuvent poursuivre les montages pervers qu’ils ont en cours… libres de toute crainte que « la normale » les prenne la main dans le sac.

Mais que voyons-nous ? Un facteur de complication : les « perspectives d’inflation » sont « incertaines », dit Mme Yellen. Le Financial Times explique : « l’inflation pourrait prendre plus de temps pour revenir à la cible de 2% de la Fed ».

Mme Yellen s’inquiète d’un manque d’inflation un peu comme les fermiers primitifs s’inquiétaient d’un manque de pluie

Mme Yellen s’inquiète d’un manque d’inflation un peu comme les fermiers primitifs s’inquiétaient d’un manque de pluie. Sa réaction consiste à faire plus de danses rituelles… et prononcer plus d’incantations magiques… qui jusqu’à présent n’ont fait qu’engendrer plus de sécheresses.

Du vaudou pendant un quart de siècle

Au Japon, voilà 26 ans qu’ils se servent de ce vaudou. Nous surveillons le Japon depuis le milieu des années 80, lorsque tout le monde était convaincu que la Japan Inc. était le miracle de l’éconosphère.

L’économie miracle a explosé en 1989 et la liquidité a disparu. Depuis, la Japan Inc. est le Sahara du monde développé. QE, taux zéro, taux négatifs, déficits monumentaux, Abenomics… rien n’a réussi à faire tomber la pluie.

Les taux négatifs, annoncés à la fin de l’an dernier, étaient supposés accomplir le prodige. Les épargnants étaient censés jeter l’éponge, ouvrir leur porte-monnaie… et dépenser, dépenser, dépenser pour éviter de payer l’impôt sur l’épargne.

Avec des taux négatifs, ils avaient besoin de plus d’épargne pour parvenir au même résultat

Au lieu de ça, les épargnants ont épargné plus. Que pouvaient-ils faire d’autre ? Avec des taux négatifs, ils avaient besoin de plus d’épargne pour parvenir au même résultat.

Résultat : en janvier, les ventes au détail ont chuté de 2,3% par rapport au mois précédent.

Les autorités japonaises ne déposent pas les armes, ceci dit. A présent, elles se tournent vers deux des plus célèbres sorciers du monde — Paul Krugman et Joseph Stiglitz — pour des conseils sur la suite.

Le Japon est célèbre pour avoir accumulé de gigantesques déficits budgétaires afin de relancer l’économie. Grâce à un quart de siècle de ces budgets souples, l’Archipel a désormais une dette gouvernementale brute se montant à 240% du PIB et près de neuf fois ses recettes fiscales.

La majeure partie de ces dépenses sont utilisées pour financer des programmes destinés aux seniors — la santé et les retraites — rendant toute diminution difficile. Les finances gouvernementales japonaises ne sont rien d’autre qu’un gigantesque programme d’allocations vieillesse… qui est condamné à faire faillite.

Pas d’inquiétude, messieurs les Japonais. Selon le Financial Times, les deux lauréats du Prix Nobel sont allés à Tokyo et ont affirmé — incroyable mais vrai — que le Japon a besoin de plus de liquidités, c’est-à-dire d’une « politique budgétaire plus souple ».

Oui, comme la Nouvelle-Orléans avait besoin d’une averse après l’ouragan Katrina.

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