La Chronique Agora

Faut-il revenir sur les SCPI ?

Lorsque les anciennes SCPI n’alimenteront plus le marché en biens soldés, que se passera-t-il pour les néo-SCPI ?

Le cycle de hausse des taux a eu des conséquences bien prévisibles sur le marché de l’immobilier, dans lequel l’écrasante majorité des transactions se fait à crédit.

Dans les pays où les acheteurs empruntent à taux variable, les prix se sont effondrés. En France, le recours privilégié aux emprunts à taux fixe a conduit les vendeurs potentiels à s’accrocher, non pas à leurs biens, mais à leurs dettes contractées à des taux aujourd’hui introuvables. Le résultat est que le marché tricolore s’est également effondré, mais sur le nombre d’unités vendues plus que sur les prix faciaux.

Sur les dix-huit derniers mois, nous avons assisté à un véritable krach des volumes qui est venu assécher la liquidité d’un secteur intrinsèquement peu dynamique.

Dès l’automne 2022, j’attirais votre attention sur le fait que la pierre-papier ne serait d’aucun secours pour ceux qui souhaitent investir dans l’immobilier sans subir le gel des transactions. De fait, la contraction contre laquelle je vous mettais en garde a bien eu lieu, puisque la moitié de la capitalisation du marché des SCPI a été ré-évaluée à la baisse depuis le début de l’année 2023.

Après une telle purge, la période de la chasse aux bonnes affaires s’approche. Il est d’ailleurs vrai que certaines SCPI tirent déjà leur épingle du jeu et profitent même des malheurs de leurs concurrentes, en achetant des actifs à bas prix.

Dans une optique d’investissement à long terme (5 à 10 ans minimum), il est possible de commencer à se reconstituer un portefeuille de parts de SCPI – en ayant conscience de la particularité de la situation actuelle et du potentiel réel de performance de ces supports.

2023, année noire pour la pierre-papier

Comme toute titrisation d’actifs, les SCPI, OPCI, et autres unités de comptes en assurance-vie ne font jamais mieux que les actifs réels qu’ils représentent.

Tout au plus apportent-ils une possibilité pour les agents économiques de s’échanger plus rapidement des fractions d’actifs dans un jeu à somme nulle gagnant/perdant. Mais à long terme, les gains, les pertes et la liquidité globale sont ceux du marché sous-jacent diminués des frais de fonctionnement, qui peuvent être particulièrement importants dans le cas des SCPI (frais de gestion jusqu’à 15% des loyers, frais de souscription jusqu’à 12% du montant investi).

Il était donc évident, dans un contexte de hausse des taux et de baisse du marché immobilier, que les détenteurs de pierre-papier allaient à la fois perdre de l’argent sur la valeur nominale de leur investissement et voir la liquidité de leurs participations s’évaporer.

C’est bien ce qui s’est produit.

L’AMF a signé la fin de la récréation l’été dernier, sommant les gestionnaires de procéder à une évaluation sincère de leur parc immobilier. Cela a conduit pas moins de 26 SCPI, représentant plus de la moitié du marché français en valeur, à revoir à la baisse le prix de leurs parts.

Les investisseurs ont été pris de panique.

Côté souscriptions, la collecte annuelle s’est effondrée de 44% entre 2022 et 2023, passant sous les 5,8 milliards d’euros, selon l’Association des sociétés de placement immobilier (Aspim). Côté retraits, les SCPI ont fait face à un sauve-qui-peut si important que les demandes n’ont pas pu être honorées en totalité. Toujours selon l’Aspim, le montant des parts de SCPI en attente de rachat dépassait les 2,1 milliards d’euros au 31 décembre 2023. La situation n’est d’ailleurs guère plus favorable du côté des OPCI et des SCI, qui ont accusé des retraits nets de 3,7 Mds€.

Dans ce paysage apocalyptique, les plus grands noms n’ont pas été épargnés. Contrairement à ce que nous avons pu voir dans le cas des faillites bancaires aux Etats-Unis, qui ont vu les clients fuir les banques régionales pour se réfugier dans le giron des leaders, les plus importants gestionnaires de parc immobilier sont ceux qui ont dû essuyer le plus de demandes de retraits.

BNP Paribas, AXA REIM ou encore SwissLife ont toutes connu des décollectes nettes sur l’année 2023. Elles payent le succès des collectes record réalisées entre 2017 et 2022, durant la période bénie des taux zéro où, en pleine « bulle de tout », le maigre rendement offert par l’immobilier semblait préférable à la conservation prudente des liquidités.

Pour honorer les demandes de retrait, les poids lourds de la pierre-papier n’ont d’autre choix que de vendre leurs actifs. Ils poussent alors les prix du marché à la baisse, alimentant la nécessité de déprécier encore le prix de leur part… mais faisant, dans le même temps, le plus grand bonheur de la contrepartie acheteuse : les SCPI en phase de collecte.

Quel potentiel pour les néo-SCPI ?

Sans être encombrées par un stock d’actifs surévalué en moins-value latente et générateur de rendements faméliques, les SCPI nouvellement créées ou en phase de croissance ont le luxe de pouvoir procéder à des achats à bon compte.

A l’instar de ce qui a eu lieu sur le marché obligataire, où le prix des dettes publiques comme privées s’est effondré, la hausse des taux provoque un gigantesque transfert de richesse des anciens investisseurs vers les nouveaux entrants.

La tendance est d’autant plus marquée que les nouvelles SCPI ont su se différencier, au niveau de l’offre, des véhicules existants. Certaines, comme Iroko et Remake AM, font voler en éclat la rente des frais d’entrée permettant l’achat de parts de leurs SCPI Iroko Zen et Remake Live sans frais de souscriptions – au prix de commissions de gestion plus élevées que la moyenne du secteur.

D’autres, afin d’alléger l’ardoise fiscale des contribuables français, se concentrent sur l’investissement en immobilier hors des frontières hexagonales, le plus souvent en Europe. Ce positionnement permet aux contribuables français de ne pas avoir à verser la CSG et la CRDS sur la part des revenus perçus à l’étranger, soit une baisse des prélèvements de 9,7 points.

Il n’est ainsi pas rare de voir les montants distribués, hors fiscalité, dépasser les 7% par an – un chiffre bien supérieur à la rentabilité nette d’un investissement direct dans l’immobilier.

Ces nouveaux acteurs ont fort logiquement connu une année 2023 exceptionnelle. Iroko a investi pour plus de 320 M€ en 2023, ce qui a plus que doublé son parc sur l’année. De son côté, Remake Live a investi l’an passé près de 300 millions d’euros, soit le triple du montant placé en 2022.

Tant que ces jeunes SCPI pourront absorber les flux de capitaux en achetant à bas prix des actifs que les anciennes SCPI sont contraintes de vendre à perte, le modèle tiendra. Gare, en revanche, au retour de bâton si leur succès dépasse la profondeur du marché sous-jacent ! Lorsque les anciennes SCPI n’alimenteront plus le marché en biens soldés, les néo-SCPI qui n’auraient pas le courage de fermer les souscriptions se retrouveraient contraintes d’acheter, à leur tour, des actifs surévalués.

Si ce cas de figure devait se matérialiser, même les investisseurs qui ont investi au coeur de la crise ne seraient pas récompensés pour leur courage. Les jeunes SCPI verraient leurs coupons rejoindre inexorablement la moyenne du marché, soit 4,5% à 5% par an.

Si vous décidez d’investir dans ces véhicules qui proposent, aujourd’hui, une rentabilité hors pair, surveillez bien l’évolution du portefeuille dans les prochaines années. Le meilleur scénario pour vous serait un arrêt des souscriptions pour verrouiller les rendements. Dans le cas contraire, il vous faudra envisager de nouveaux arbitrages – potentiellement avant la période de détention recommandée de 5 à 10 ans.

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