La Chronique Agora

Faut-il profiter de la baisse des cryptos ?

cryptomonnaie, Bitcoin, Dogecoin

L’exemple de précédents « investissements » similaires incite surtout à la prudence… voire à se tenir à l’écart définitivement.

Un abonné m’a écrit récemment pour me dire qu’il avait suivi mon conseil et qu’il avait profité de la baisse des marchés pour acheter des actions d’entreprises de qualité qui avaient dévissé en Bourse.

Il m’a demandé s’il devait également profiter de la baisse des cryptomonnaies pour en acheter.

Pour moi, c’est hors de question.

J’ai n’ai eu de cesse d’avertir mes lecteurs sur la folie de la cryptomanie ces dernières années, bien avant que les cours flambent.

Les problèmes des cryptos

Qu’est-ce qui cloche avec les cryptomonnaies ? Tout ou presque…

Il est même trompeur d’appeler les cryptomonnaies un « investissement ». Après tout, il n’y a rien à analyser. Pas de paiements d’intérêt, pas de chiffre d’affaires, pas de redevances, pas de revenus locatifs, pas de flux de trésorerie, pas de bénéfices et pas de valeur liquidative.

La valeur d’une cryptomonnaie correspond à la somme que les gens sont prêts à payer pour la détenir. Point.

Comme une carte à collectionner d’un joueur de baseball célèbre ou la première édition de la bande dessinée Spider-Man.

Le Bitcoin sort-il du lot ?

Les partisans du Bitcoin font valoir que, contrairement au dollar et aux autres grandes devises, il existe en quantité limitée et qu’il est donc rare.

Mais en quoi une offre limitée a-t-elle de la valeur quand il existe une quantité innombrable de cryptomonnaies affichant les mêmes caractéristiques ?

D’aucuns insistent sur le fait que le Bitcoin mérite sa valorisation stratosphérique car il s’agit de la monnaie numérique la plus communément acceptée.

Pourtant, l’histoire économique est remplie de pionniers qui se sont retrouvés relégués en bout de course. La liste est longue…

Le Bitcoin, comme tout produit évoluant sur un marché libre, est vulnérable à l’innovation et à la concurrence.

Etes-vous réellement prêt à payer 23 000 $ pour un Bitcoin alors qu’il valait moins d’un dollar il y a plus de dix ans ?

D’autres observateurs font valoir le fait que d’autres pays emboîteront le pas du Salvador et donneront cours légal au Bitcoin. Mais il ne s’agit pas d’une tendance. En réalité, après la décision du Salvador, Moody’s Investors Service a rapidement abaissé la note de crédit du pays, évoquant spécifiquement la nouvelle loi sur le bitcoin et la « dégradation de la politique économique nationale ».

Autre risque pour les détenteurs de Bitcoin : la réglementation, surtout après la faillite de FTX, l’une des plus grandes plateformes d’échange de cryptomonnaies.

Certains pays ont interdit les paiements en cryptomonnaies. D’autres envisagent de le faire. Pourquoi ? Pour commencer, toutes les attaques de rançongiciels exigent des paiements en cryptomonnaies, généralement en Bitcoin. Alors que cela ne représentait que quelques millions de dollars par an auparavant, on parle désormais de milliards de dollars chaque année.

Les gens pensent-ils vraiment que les gouvernements se contenteront de croiser les bras sans intervenir ?

Une utilité toute relative

Contrairement aux ordinateurs personnels, à internet, au cloud ou à la 5G, les cryptomonnaies ne règlent aucun problème du monde réel.

De plus, presque tout ce que les défenseurs des cryptomonnaies avaient prévu n’a pas eu lieu.

Ils ont dit que cela rendrait les transactions plus rapides. Elles sont plus lentes.

Ils ont dit que cela ferait baisser le coût des transactions. Elles coûtent plus cher.

Ils ont dit que cela rendrait les transactions plus simples. Elles sont plus compliquées.

Ils ont dit que les cryptomonnaies offriraient une protection contre l’inflation, n’hésitant pas à parler d’« or numérique ».

Nous avons pu vérifier le bien-fondé de cette assertion puisque nous avons récemment connu la poussée d’inflation la plus brutale des 41 dernières années. Or le marché des cryptomonnaies a implosé l’an dernier, perdant plus de deux tiers de sa valeur.

Les monnaies numériques sont trop volatiles pour réaliser des achats ou des ventes de la vie courante, notamment pour les articles coûteux.

Et ne parlons même pas de l’emprunt et du prêt de monnaies numériques. Si vous êtes un prêteur, votre prêt en cryptomonnaies pourrait rapidement ne valoir qu’une fraction du montant que vous avez prêté. Si vous êtes un emprunteur, la valeur en dollars que vous devez pourrait rapidement devenir un multiple de la somme que vous avez empruntée.

C’est la raison pour laquelle personne ou presque n’achète, ne vend, n’emprunte ou ne prête dans « la monnaie du futur ».

« Oh mais cela viendra… bientôt », ne cessent d’affirmer les partisans du Bitcoin.

Vraiment ? Le Bitcoin existe depuis presque aussi longtemps que l’iPhone. Imaginez si 13 ans plus tard, les gens possédant un smartphone se contentaient de parier sur son prix futur.

Il y a quelques exceptions, bien sûr. Si vous êtes un réseau terroriste, un cartel de la drogue, un trafiquant d’armes, un trafiquant d’êtres humains, un extorqueur, un évadé fiscal, un blanchisseur d’argent ou un état voyou essayant d’éviter des sanctions, les cryptomonnaies sont un cadeau divin.

Pour tout le reste, les cryptomonnaies servent uniquement à spéculer.

Pertes et arnaques

Or cette spéculation a mal tourné pour la majorité des investisseurs. Quand bien même le prix du Bitcoin a été multiplié par 20 000 depuis 12 ans, la Banque des règlements internationaux a annoncé qu’entre 73% et 81% des investisseurs ont perdu de l’argent sur leur investissement initial.

Les économistes constatent que les principaux acheteurs de Bitcoin sont des jeunes hommes de moins de 35 ans enclins à prendre des risques. Ils n’ont pas été séduits par les arguments libertaires sur la valeur de la finance décentralisée, mais plutôt par la perspective de gains faciles.

En effet, bon nombre de cryptomonnaies ne sont rien d’autre que des arnaques ou des projets mal fichus qui s’effondrent à cause d’une mauvaise gestion. D’autres sont vulnérables à des attaques cybernétiques qui font disparaître l’argent des investisseurs. Et même le segment le plus sûr du marché des cryptomonnaies, les stablecoins, est une grande déception.

Pourtant, des millions de gens continuent à y croire. La plupart sont des investisseurs novices.

Comme l’a dit l’humoriste John Oliver :

« Les cryptomonnaies représentent tout ce que vous ne comprenez pas à propos de l’argent combiné à tout ce que vous ne comprenez pas à propos de l’informatique. »

Si vous doutez encore que les cryptomonnaies sont une gigantesque bulle spéculative, il suffit de se pencher sur le cas de Dogecoin, une cryptomonnaie conçue comme une vaste blague et qui ne sert absolument à rien.

A son pic, en août 2021, elle valait plus de 90 Mds$, soit presque deux fois plus que le groupe Marriott International, le plus grand groupe hôtelier au monde, avec plus de 7 500 actifs immobiliers dans 133 pays.

Comment peut-on penser une seule seconde qu’il ne s’agit pas d’une bulle ?

Bien sûr, Dogecoin n’est pas Bitcoin. Mais leurs cours sont hautement corrélés.

J’ai demandé à mes analystes de réaliser un graphique comparant l’évolution du cours du Dogecoin (courbe violette) par rapport à celui du Bitcoin (courbe bleue) depuis l’an dernier.

Comme vous pouvez le voir, ils évoluent pratiquement à l’unisson.

Réveil difficile

Contrairement à la vraie monnaie, les cryptomonnaies ne sont pas le résultat du travail ou d’investissements productifs. Elles donnent du pouvoir d’achat à des gens qui n’ont rien fait pour faire croître ou pour améliorer l’économie.

L’iPhone, en revanche, a changé le monde et offert une plus-value de 30x aux actionnaires d’Apple.

Les investisseurs dignes de ce nom ont pris bonne note. Apple, par exemple, est la plus grosse participation de Berkshire Hathaway. Et le président de Berkshire, Warren Buffett, n’y va pas de main morte avec les cryptomonnaies. Il parle de « raticide ».

(Dans le Wall Street Journal, l’associé de Warren Buffet, Charlie Munger, a aussi appellé de ses vœux une interdiction pure et simple des cryptomonnaies, arguant qu’il « ne s’agit ni d’une monnaie, ni d’une matière première, ni d’une valeur mobilière. Il s’agit d’un contrat de jeu de hasard où le casino est quasiment sûr de rafler la mise »).

Pour résumer, ma position sur les cryptomonnaies n’a pas changé. Si vous n’en avez pas acheté, ne le faites pas. Si vous en avez acheté, vendez-les maintenant.

Oui, peut-être que les cours augmenteront à court terme. (Impossible de savoir de manière rationnelle quand les gens arrêteront d’agir de manière irrationnelle.)

Mais tôt ou tard, les traders de cryptomonnaies se réveilleront subitement et réaliseront que tout ceci n’était qu’une arnaque. A ce moment-là, la chute qui a commencé il y a 14 mois accélèrera.

Les investisseurs se souviennent encore de la tulipomanie qui s’est déroulée en Hollande au XVIIe siècle, période durant laquelle un simple bulbe de tulipe valait plusieurs fois les revenus annuels de nombreux ménages.

Les cryptomonnaies ne représentent pas simplement une tulipomanie 2.0. Il s’agit d’une tulipomanie puissance cube.

Et comme toutes les folies financières, elle se terminera avec pertes et fracas.

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