La Chronique Agora

Faut-il enterrer le GOR ?

Par Simone Wapler (*)

La crise se développe. La plus grande incertitude règne sur la santé de la finance mondiale. Pourtant, la relation qui enchaînait le pétrole à l’or depuis presqu’un siècle semble rompue. Que se passe-t-il ?

Pour commencer, il faut se souvenir que le nombre de barils de pétrole que peut acheter une once d’or a toujours été fluctuant depuis le début du 20ème siècle : il s’inscrit dans une bande assez large qui va de sept à 28, en négligeant le pic dû au début du premier choc pétrolier.

A la fin de la dernière crise financière majeure, en 1980-1981, l’or achetait environ 20 barils de pétrole. Je considère que la crise actuelle a véritablement commencé en 2000 avec le dégonflement de la bulle internet. Depuis cette date, le GOR (Gold Oil Ratio, ratio or/pétrole) s’inscrit entre 7 et 14. En août 2005, un plus bas a été atteint en clôture avec 430 $ pour l’once et 70 $ pour le baril, soit un ratio de 6,14.

La spéculation sur le pétrole : attention aux idées reçues
Depuis cet été, la spéculation s’est portée sur le pétrole pour plusieurs raisons :

– L’or est un actif improductif
– Les intervenants sur les marchés appartiennent à une génération qui a toujours connu la monnaie fiduciaire et ignore le principe que la monnaie puisse être garantie par un actif physique
– Le pétrole était vu comme ayant un potentiel de hausse du fait de la théorie du Peak Oil (réserves déclinantes).

Bref l’or noir est devenu la valeur refuge qui présente plusieurs avantages par rapport à l’or jaune :

– Il est productif (il sert à produire de l’énergie)
– Il est utile et pas simplement décoratif
– La demande est inélastique (on en aura toujours besoin).

Tout le monde parle de la spéculation sur l’or noir, mais pourtant, un détail est troublant : la déclaration des courtiers du COMEX américain (le Commitment of Traders, ou COT, publié par cette place de marché) montre que les positions des traders non commerciaux ne sont pas si importantes. En fait, elles sont de 44 % alors que des niveaux de 49 % ont déjà été atteints par le passé. Les spéculateurs acheteurs longs — ceux qui espèrent que le prix va monter mais n’ont aucun autre intérêt à détenir du pétrole — ne sont donc pas si nombreux que cela, comparés à ce qui se passe, par exemple… pour l’or. Sur le Nymex, le COT montre que les spéculateurs détenteurs de contrats longs ne sont que 2 % contre un plus haut de 18 %.

Contrairement à une idée reçue, la spéculation sur le pétrole est loin d’être intense. Elle est loin de records précédents et elle est inférieure en volume à la spéculation qui règne sur l’or.

L’or : pas encore remonétisé dans les esprits
La demande d’or est élastique. Celle qui provient de la bijouterie se tarit lorsque les prix deviennent trop élevés. La demande industrielle est secondaire et la demande monétaire a disparu puisque les banques centrales détiennent seulement 10% de leurs réserves en or. Les prix actuels de l’or sont essentiellement tirés par la demande d’investissement. Cette demande provient non pas des banques centrales mais des investisseurs privés qui sentent la situation se détériorer. Les bullions ont ainsi été surnommés la Banque centrale du peuple. Mais ce processus débute à peine. Il n’en est pas au stade de massification, stade qui témoignerait que l’or est en train de se remonétiser.

Les coûts de l’énergie constituent en moyenne un tiers des coûts de production de l’or. Une augmentation de 50% du prix du baril doit donc se traduire par une augmentation de 16,6% du prix de l’once pour que les marges des producteurs restent inchangées. Ce n’est pas ce qui se produit depuis le début de l’année.

En conclusion, l’or est en retard sur le pétrole, même au niveau actuel du GOR. Le GOR renaîtra de ses cendres lorsque l’or sera remonétisé dans la psychologie des investisseurs institutionnels. Cette étape arrivera avec la faillite des banques. Cette faillite semble aujourd’hui presque inéluctable au vu de la détérioration des créances des entreprises mises à mal par la récession.

Meilleures salutations,

Simone Wapler
Pour la Chronique Agora

(*) Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par et les investissements "tangibles". Elle analyse chaque mois le secteur aurifère et les marchés étrangers dans le cadre de L’Investisseur Or & Matières et elle intervient régulièrement dans l’Edito Matières Premières et La Quotidienne de MoneyWeek.

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