Le programme économique de Trump a besoin de taux bas ; pourtant, il repose sur deux sources d’inflation : des taxes à l’importation et des déficits publics. Or l’inflation poussera les taux à la hausse. Ce paradoxe pourra-t-il être résolu ?
Le plan économique de Trump porte-t-il le germe de sa propre destruction ?
Trump a fortement critiqué Janet Yellen et la Fed pour avoir maintenu les taux d’intérêt artificiellement bas. Mais s’il consacre plus de mille milliards de dollars aux infrastructures nationales au cours de la prochaine décennie, il pourrait bien changer de refrain…
Le programme de Trump prévoit une combinaison d’investissements publics et privés pour améliorer les routes, les ponts, les aéroports, les services publics, etc.
Les taux d’intérêt faibles en sont la clé. Selon Wilbur Ross, un investisseur milliardaire et conseiller économique de Trump, « avec des taux d’intérêt si bas, il n’y a pas de meilleur moment d’un point de vue équilibre économique, d’un point de vue sociétal. »
Mais, indirectement, Ross a dévoilé le joker dans le jeu : « avec des taux d’intérêt si bas… »
Les propositions de dépenses massives de Trump ont enfin fait revenir le spectre de l’inflation — or ces mêmes perspectives d’inflation font que la Fed se tient prête à bondir. Le 22 novembre, le prix des contrats à terme des fonds de la Fed montre une probabilité d’une hausse des taux en décembre à… 100% !
Si les plans de Trump franchissent les obstacles avec succès et que l’inflation commence à jouer des muscles, la Fed pourrait avoir à relever ses taux directeurs très brusquement pour la contenir.
Mais cette hausse des taux d’intérêt pourrait-elle, en fait, faire tout capoter ?
Les propositions de Trump ne sont tenables que dans un monde avec des taux d’intérêt bas. Elles reposent sur l’hypothèse d’un argent bon marché et cette hypothèse pourrait être la faille fatale, la brèche sous la ligne de flottaison…
Goldman Sachs s’est penché de près sur le plan Trump. Sa conclusion : « le plan d’infrastructures de M. Trump implique qu’une hausse significative des taux d’intérêt pourrait être un obstacle pour sa faisabilité. »
Kessler Investment Advisors ajoute : « l’administration Trump [a besoin] de taux bas pour essayer de vendre une relance fiscale à la nation… »
Lorsque les taux d’intérêt montent, le coût du service de la dette également — pas seulement la nouvelle dette mais l’ancienne dette qui est reconduite sous la forme de bons du Trésor fraîchement émis. Ces bons sont émis au taux en vigueur et non à l’ancien taux. Par conséquent, le coût du service des intérêts de toute cette dette augmente si les taux augmentent.
Malgré une dette nationale qui s’élève à 19 000 milliards de dollars et qui ne cesse d’augmenter, le service des intérêts a été gérable au cours des années passées.
Par exemple, l’année dernière, les Etats-Unis ont déboursé plus de 223 milliards de dollars. C’est moins que ce qu’ils avaient payé pour servir les intérêts de leur dette il y a 10 ans, lorsque la dette du pays n’était que 40% de celle d’aujourd’hui.
La différence ? La baisse des taux. Les assouplissements monétaires de la Fed ces huit dernières années ont cloué les taux au plancher. Par conséquent, malgré une dette totale plus importante, le financement coûte en fait moins cher.
Si les taux commencent à monter, une vision plus sombre, apparaîtra…
Le Fiscal Times rapporte les conclusions du Committee for a Responsible Federal Budget (Comité pour un budget fédéral responsable). Elles montrent que si les bons du Trésor à trois mois passent à environ 4% d’ici 2018, et si les bons du Trésor à 10 ans passent de 2,24% aujourd’hui à environ 5,2%, les paiements des intérêts de la dette fédérale exploseront à 505 milliards de dollars en 2018.
C’est 282 milliards de dollars de plus que l’année dernière.
En fait, la dette ne semble pas vraiment avoir d’importance… jusqu’à ce qu’elle en ait.
Le professeur de finances à l’Université de Chicago, John Cochrane observe :
« Le scénario cauchemardesque : supposons que dans quatre ans, les taux d’intérêt s’élèvent à 5%, c’est-à-dire qu’ils reviennent à la normale, et que les Etats-Unis soient exposés à hauteur de 20 000 milliards de dollars d’encours. Rien que le coût des intérêts représenterait 1 000 milliards de dollars (5% de 20 000 milliards de dollars), ce qui augmenterait considérablement des déficits déjà intenables ! C’est ce qui est arrivé en Italie, en Espagne et au Portugal. Ne pensez pas que cela ne peut pas arriver aux Etats-Unis. C’est même plus que probable, car la peur de l’inflation — qui n’a pas frappés les pays du sud de l’Europe, puisqu’ils ont l’euro — peut frapper les Américains. »
L’économiste Richard Duncan est un soutien inconditionnel de l’assouplissement quantitatif et des taux ultra faibles. Mais il affirme clairement que les taux d’intérêt ne doivent pas revenir à des niveaux normaux.
Richard Duncan a récemment envoyé une lettre de conseils au président-élu Trump. En voici un extrait :
« Vous avez été élu à un moment où l’économie mondiale est en sérieux danger d’entrer en crise, une crise telle qu’on ne pourra en sortir avant plusieurs dizaines d’années – si jamais on en sort… Si les taux d’intérêt montent fortement, la bulle éclatera et marquera le début de la Nouvelle Grande Crise. Un mauvais choix de votre part et l’économie deviendra hors de contrôle (…). Ce ne sera pas bref et intense comme en 1921. Ce sera long et dévastateur comme en 1929–1945.«
Pour Duncan, Trump ne peut niimposer des taxes à l’importation ni réduire les impôts, deux éléments clés de son programme. Tous deux sont inflationnistes. Or l’inflation apportera des taux d’intérêt plus élevés…
[NDLR : Une inflation qui grimpe et des taux d’intérêt en retard, cela va laminer l’assurance-vie en euro et renchérir les prêts immobiliers, refuge traditionnel contre l’inflation. Comment malgré ces vents contraires doper votre épargne en vue de votre retraite ? En investissant dans ce compartiment du marché actions, négligé par les grands gérants et peu suivi par les medias mais qui, pourtant, pourrait vous assurer une retraite de ministre. Suivez le guide…]
Les taxes douanières augmenteront le prix des importations et alimenteront l’inflation. La réduction des impôts augmentera le déficit budgétaire, obligeant le gouvernement à emprunter plus. Trump a besoin de dépenser sur les infrastructures, observe Richard. Mais il ne doit pas se tromper, pas de taxes, pas d’allègement des impôts… ou sinon il devra faire face au scénario décrit ci-dessus.
Nous ne prétendons pas savoir comment se dérouleront les événements dans les mois et les années à venir. Mais nous sommes certains de cela : Donald Trump, président, ne peut pas être Donald Trump, star de la téléréalité.
La seule question est… pourra-t-il passer d’un rôle à l’autre ?