La loi Sapin 2 a été adoptée le 8 novembre dernier. Elle confirme le blocage possible par l’Etat de l’assurance-vie en euro en cas de nécessité (choc obligataire sur les marchés financiers). Organisez dès à présent votre résistance.
Nous y voilà : lancée le 30 mars 2016 avec le dépôt du projet de loi à l’Assemblée nationale en première lecture, la navette parlementaire est arrivée à destination et la loi Sapin 2 a été adoptée le 8 novembre. Le texte a été approuvé par 308 voix contre 371, et 39 abstentions lors de la lecture définitive des députés.
Inutile de vous pencher sur le « Dossier de presse » : vous n’y apprendrez grand-chose, ce genre de document étant plutôt fait pour rassurer que pour informer. Vous y trouverez par exemple ce genre de citation visant à rappeler au lecteur – au cas où il l’aurait oublié – que le législateur agit nécessairement pour son bien. Citation d’ailleurs retranscrite en bleu, couleur censée inspirer confiance et intégrité. Voyez plutôt :
Le « Dossier parlementaire » permet en revanche de décrypter la signification des points de suspension figurant entre ces crochets.
Moins pire qu’avant ?
Le texte, dans son article 49, entérine la mise en place d’un dispositif permettant à des fonctionnaires de déterminer le rendement de votre fonds euros et de « restreindre » vos demandes de rachat (et non plus de les « suspendre »), de « retarder » vos demandes d’arbitrage et d’avances (et non plus de les « suspendre ») et ce, non pas au niveau d’une seule compagnie d’assurance (comme pouvait le faire jusqu’à présent l’Autorité de Contrôle Prudentiel), mais au niveau de l’ensemble des contrats d’assurance-vie français, si la situation financière l’exige.
De telles mesures pourront être prises par le Haut Conseil de la Stabilité Financière « pour une période maximale de trois mois », et ne pourront « être maintenues plus de six mois consécutifs ».
La précédente mouture n’était pas limitée dans le temps (trois mois renouvelables). Enfin, avant de mettre en œuvre de telles mesures, le HCSF ne doit plus seulement « tenir compte » des intérêts des assurés, adhérents et bénéficiaires, mais y « veiller », au même titre qu’il veille à la protection de la stabilité financière.
Plusieurs amendements adoptés en deuxième lecture en commission des Finances au Sénat le 3 novembre ont donc été retenus par les députés, en vue d’éviter que le texte ne soit retoqué par le Conseil constitutionnel.
Pour François Villeroy de Galhau, le directeur de la Banque de France, « Il s’agit de corriger une anomalie et non pas évidemment de modifier les contrats d’assurance-vie ».
Michel Sapin estime qu’il s’agit d’ « un mécanisme de protection des petits épargnants ». Il explique que « si on met en place ce genre de mécanisme, c’est pour éviter que le gros épargnant bien informé retire la totalité des sommes placées et que l’organisme d’assurance se retrouve en faillite ».
Romain Colas proclame quant à lui que « S’inquiéter d’une telle mesure, c’est comme s’inquiéter de la présence d’un extincteur dans un immeuble ».
Il me semble plutôt que grâce à ce dispositif, les « gros épargnants », généralement mieux conseillés, donc les plus susceptibles d’anticiper le retrait de leur fonds en cas de forte remontée des taux, laissant seuls les retardataires et les « petits épargnants » prisonniers de la clôture de barbelés installée autour de « l’immeuble ». Cet aspect de la loi Sapin 2 a à mon sens plus l’apparence d’une fourberie que d’un « extincteur ». Une « anomalie » supplémentaire dans le paysage législatif français.
Côté rendement, appels à la baisse…
Le 14 octobre, comme chaque trimestre (mois ? semaine ?), le président de la Banque de France a renouvelé son appel aux assureurs pour qu’ils accentuent la baisse du rendement des fonds euros. « Ils ont été réduits de 25 points de base (0,25 point de pourcentage, ndlr) en 2015 par rapport à l’année précédente. Cependant, cette baisse reste encore insuffisante », a-t-il déclaré.
Côté politiques, des idées vertes qui mûrissent…
Début octobre, Serge Bardy a proposé une mesure visant à « verdir » la fiscalité de l’assurance-vie. Serge Bardy n’est pas peintre : il est député socialiste et rapporteur de la commission développement durable de l’Assemblée nationale. Son idée ? Limiter, dans le cadre du budget 2017, le prélèvement forfaitaire libératoire de l’assurance-vie aux contrats « responsables ». Pas la « responsabilité » de la paire « liberté, responsabilité », mais la « responsabilité » au sens étatiste du terme, c’est-à-dire au sens de quelque chose qui respecte une litanie de contraintes bureaucratiques. Adopté en commission développement durable, la commission des finances a néanmoins mis le holà à cet amendement qu’elle a jugé « irrecevable ». Pas grave, c’était simplement pour lancer le débat a indiqué Serge Bardy, un « amendement d’appel », comme on dit en langage de politicien. Une nouvelle proposition modifiée est sans doute à craindre.
Mais la palme revient à Arnaud Montebourg. Jamais avare de propos grandiloquents qui sentent bon le collectivisme, l’ancien ministre s’est à nouveau illustré aux troisièmes Assises de l’épargne et de la fiscalité, organisées par l’AFER. Il a salué la « beauté de l’assurance-vie, alliance entre la liberté et le civisme », et « bien collectif national », comme le rapporte La Tribune. Je ne commente pas.
Coté compagnies d’assurance, la garantie parcellaire sur fonds d’augmentation de frais de gestion
Après Spirica et Apicil, c’est au tour de Suravenir de restreindre l’accès à ses fonds euros. Depuis le 1er novembre, tout versement d’un montant supérieur ou égal à 250 000 € effectué sur un contrat d’assurance-vie en ligne devra être investi à 30% minimum en unités de compte.
Apicil planche de son côté sur un fonds euros à garantie partielle. L’idée, telle que présentée par le Directeur Général Adjoint Finance et Performances Renaud Célié, est la suivante : « Si l’assuré accepte une part de risque, par exemple sur 5% de son capital, nous pourrons réaliser une gestion plus dynamique et rechercher une rémunération supérieure. »
Comme anticipé, d’autres assureurs ont emboité le pas de Generali dont la garantie en capital de ses nouveaux souscripteurs est désormais brute de frais de gestion. C’est aussi le cas d’Allianz, GMF, Maaf, MACSF, MMA et Swiss Life. La garantie parcellaire est sans doute promise à un bel avenir !
Par ailleurs, la tendance semble être à l’augmentation des frais de gestion sur les fonds euros. Chez Boursorama, ils vont passer de 0,60% à 0,75% au 1er janvier 2017. En langage de communicant, on parle d’une « harmonisation avec les frais de gestion sur UC ».
Natixis étudie déjà les formes de spoliation possibles
Enfin [NDLR : personnes sensibles s’abstenir], l’équipe de recherche de Natixis a publié le 7 octobre un flash économie sur le thème : « Quelle forme prendra la spoliation des prêteurs ? » Vous y apprendrez si, selon les équipes de Patrick Artus, cette spoliation « inévitable » a plus de chance de se produire de manière « lente » ou de manière « brutale ».
Dans ce contexte, pas étonnant que les Français laissent de plus en plus d’argent placé à vue sur leurs comptes de dépôts et sur leurs livrets, et que la collecte en assurance-vie ait été nulle en septembre.
Face à ce déferlement de nouvelles pas particulièrement réjouissantes, les articles présentant le contrat d’assurance-vie luxembourgeois comme un rempart contre la loi Sapin 2 poussent comme des champignons. Vous trouverez notre traitement ici et nous allons à nouveau aborder le sujet dès demain.
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