La Chronique Agora

Exploitation minière des océans : quel impact sur l’offre et sur le cours de l’or ?

L’Homme s’apprête-t-il à sortir des milliers de tonnes d’or du plus profond du grand bleu ? Faut-il craindre que l’offre d’or explose, et que le cours de l’or s’effondre ?

Voilà 7 000 ans que l’Homme a découvert l’or sous forme de pépites et de paillettes dans le lit des rivières. Depuis, il en a extrait plus de 212 000 tonnes de terre, selon les chiffres du Conseil mondial de l’or.

Cependant, le progrès scientifique permet d’entrevoir de nouvelles pratiques potentiellement révolutionnaires pour l’offre de métal. Après l’or de la terre, l’Homme s’intéresse déjà à l’or de la mer et à l’or du ciel…

Le statu quo, vieux de sept millénaires, serait-il en passe d’être bouleversé ?

C’est ce que je vais vous raconter aujourd’hui.

Exploitation minière des eaux profondes : quel potentiel ?

Ronald Stöferle & Mark Valek (S&V) rapportent les chiffres de l’Institut d’études géologiques des Etats-Unis (The US Geological Survey, USGS), qui font apparaître un potentiel gigantesque.

« L’USGS estime qu’il existe actuellement 1 140 000 Mds de tonnes sèches de gisements minéraux sous-marins disponibles pour l’extraction. Sur la base d’estimations prudentes, ce chiffre éclipse les ressources terrestres d’un facteur 11 et représente une valeur stupéfiante d’au-moins 200 000 Mds$ », indiquent les deux Autrichiens.

La répartition de cette manne parmi les océans du monde est relativement équilibrée.

Carte de l’activité minières en eaux profondes

Source : deepseamining.ac

Ces ressources minérales peuvent être classées en trois groupes :

Les trois groupes de gisements minéraux des fonds marins

Source : deepseamining.ac

Où en est-on de l’exploitation de ces minéraux ?

Cela pose la question de la faisabilité technologique, et surtout réglementaire.

Une industrie naissante freinée par des contraintes réglementaires

L’exploitation des ressources minières en eaux profondes a été inaugurée par les industries pétrolifère et gazière. Dès la fin des années 1960, des avancées technologiques significatives ont permis l’exploitation des hydrocarbures en eaux profondes.

L’industrie minière a mis ses pas dans ceux de ses prédécesseurs, avec la formation de quatre consortiums d’exploitation minière offshore au début des années 1970 : Kennecott, Ocean Mining Associates, Ocean Management et Ocean Minerals Company.

Comme l’indiquent S&V : « Ces consortiums ont développé et testé avec succès une série de technologies d’exploitation minière sous-marine, mais tous n’ont pas atteint le stade de la production commerciale en raison de l’absence d’environnement réglementaire et de la chute des prix des produits de base, due en partie à la crise pétrolière. »

Les années 1980 et 1990 n’ont pas été marquées par des avancées techniques notable. En revanche, elles ont été témoins d’un accroissement de la clarté réglementaire, avec en particulier la signature de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) en 1982.

Puis, entre 2001 et 2023, l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM, fondée en 1994) a délivré 30 licences d’exploration minière sous-marine à 22 contractants issus d’un large éventail de pays, dont la Russie, la Chine, le Japon, la Bulgarie, Cuba, la France et l’Inde. Comme le relèvent S&V : « Les Etats-Unis sont notablement absents car ils n’ont pas ratifié la CNUDM. Ils ne peuvent donc pas parrainer d’activités d’exploration ni orienter les développements de l’AIFM. »

Quelles zones sous-marines sont les plus prometteuses ?

La région la plus engageante est la zone de Clarion-Clipperton, dans l’océan Pacifique. Celle-ci pourrait s’avérer « la plus grande source de métaux de batterie non exploitée au monde », selon l’une des sociétés y ayant un intérêt direct. Ses fonds marins contiendraient « plus de 3 fois les réserves terrestres de nickel, plus de 5 fois les réserves de manganèse et plus de 12 fois les réserves de cobalt », rapportent S&V.

L’Europe est également de la partie. Des ressources minérales sous-marines ont été découvertes dans les mers d’Europe, en particulier dans la zone économique exclusive norvégienne située en mer du Nord. S&V rapportent que cette zone est « censée contenir environ 310 millions de tonnes de minéraux, dont quelque 3 millions de tonnes de terres rares, selon la Direction norvégienne de l’offshore ». Il s’agit là d’une opportunité extraordinaire pour l’Europe de réduire sa dépendance à la Chine et de la Russie.

Ainsi, à première vue, l’exploitation minière en eaux profondes semble s’imposer comme une évidence, en particulier pour l’Occident.

Cependant, les progrès réglementaires n’ont pas été suffisants pour permettre le décollage de l’extraction de métaux des grands fonds marins. La réalité du secteur reste celle d’obstacles bureaucratiques et environnementaux ralentissant l’essor de cette industrie.

Quel avenir pour l’exploitation minière des océans ?

Les métaux issus des fonds marins ne sont pas près d’entrer massivement sur le marché. A quel délai faut-il s’attendre ?

Voici ce qu’en disent S&V :

« Si l’on extrapole la trajectoire actuelle et que l’on tient compte de tous les facteurs évoqués, on peut s’attendre à ce que les étincelles de la commercialisation apparaissent d’ici 2030. Entretemps, les investisseurs pourraient envisager de renforcer leurs positions dans les sociétés d’exploitation minière en eaux profondes, avant que le supercycle des matières premières ne prenne des allures amphibies, s’étendant des pratiques terrestres aux fonds marins.

Dans un premier temps, nous nous attendons à ce que la croissance de cette industrie naissante provienne des minéraux critiques, car les licences sont principalement approuvées sur la base de leur capacité à garantir la sécurité énergétique, dans un contexte d’incertitude géopolitique.

D’autre part, nous reconnaissons que l’exploration aurifère – bien qu’elle ne soit pas actuellement une priorité immédiate pour la plupart des mineurs en eau profonde – pourrait susciter de l’intérêt, car les institutions financières recherchent un mât solide auquel s’attacher dans des eaux monétaires de plus en plus agitées. Pour l’instant, cette menace n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, car il n’y a que 4,5 parties par milliard d’or dans la zone de Clarion-Clipperton, et pratiquement rien ailleurs, selon les principales estimations. »

Voilà qui a le mérite d’être clair.

Faut-il être plus inquiet au sujet de l’exploitation minière des astéroïdes ?

C’est ce dont je vous parlerai dans mon prochain billet !

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