La Chronique Agora

Excès d'épargne et pari sur Gazprom

** Nous sommes heureux d’avoir hissé le drapeau d’Alerte au Krach lorsque nous l’avons fait.

* Si l’on en croit les journaux, c’est la déclaration suivante qui a causé l’effondrement boursier de ces derniers jours :

* "Rétrospectivement, le groupe souhaite n’avoir pas fait cet investissement".

* C’est ce que disait M. Michael Geoghegan, à la tête de HSBC, la plus grande banque au monde. HSBC a acheté l’Américain Household Finance pour 15 milliards de dollars en 2003. Aujourd’hui, elle le regrette. L’unité américaine a "détruit" 10 milliards de dollars de capitaux, selon la banque.

* Bien entendu, quasiment tous les investisseurs du monde pourraient dire la même chose. Peu importe l’endroit où ils ont déposé leur argent, il a été détruit. Nous souhaitons tous n’avoir pas fait quelque chose.

* Et ce n’est pas terminé.

* HSBC ferme toutes ses activités de finance de consommation aux Etats-Unis — environ 600 agences dans le pays.

* La Californie déclare subir "une avalanche de pertes d’emploi". Partout aux Etats-Unis, les allocations chômage sont à des sommets records.

* AIG reçoit 30 milliards de dollars de renflouement supplémentaires. Selon le New York Times, l’opération reviendrait à "étayer un château de cartes".

* Un autre château de cartes : General Motors (GM). L’entreprise vient d’annoncer une perte de 31 milliards de dollars sur des ventes de 149 milliards de dollars. Si l’on en croit notre rapide calcul, elle a perdu environ 30 000 $ sur chaque voiture vendue. GM a déjà obtenu un prêt de 13,4 milliards de dollars de la part du gouvernement. Maintenant, il lui faut 16 milliards supplémentaires.

* Et n’oublions pas Fannie Mae. Fannie a enregistré une perte de 25 milliards de dollars… là encore, il faut encore de l’argent gouvernemental — 15 milliards de dollars en plus.

* Du bon argent pour sauver du mauvais. Toute l’économie de consommation est un château de cartes.

* Rappelez-vous que nous vivons une Dépression… avec un grand D… pas une récession. C’est une dépression parce qu’il faut une perestroïka économique… une restructuration, non simplement une pause et des renflouements. Le cycle de dette est en train de changer de direction. Les Etats-Unis pourraient être en train de revenir à un taux d’épargne de 10%… une théorie que nous défendons, à la Chronique Agora… et que Paul Krugman, Prix Nobel d’économie, défend désormais aussi. L’épargne a atteint un plancher aux Etats-Unis en 2006 — lorsque le taux est devenu négatif. A présent, il regrimpe — et vite.

* Ce sont de bonnes nouvelles pour les gens qui épargnent, mais ça signe la mort de l’économie de consommation. D’une manière ou d’une autre, les entreprises doivent continuer à fonctionner sans rajouter de dettes aux bilans des consommateurs. Les constructeurs immobiliers doivent faire des bénéfices en construisant des maisons uniquement pour les gens qui peuvent se les permettre. Les centres commerciaux doivent abandonner l’idée de voir les consommateurs dépenser de l’argent qu’ils n’avaient pas encore gagné. Toutes les entreprises du monde doivent s’adapter à la nouvelle économie.

* Les économistes appellent ça "le paradoxe de l’épargne". Epargner est bon pour l’individu, mais lorsque le taux d’épargne grimpe, les dépenses baissent. L’économie souffre. Les gens perdent leur emploi et leurs revenus, pesant plus encore sur la croissance économique.

* De nombreux économistes en sont venus à croire qu’un peu d’inflation est une chose nécessaire, dans la mesure où elle décourage l’épargne. Mais les gens sont prêts à croire n’importe quoi. Ils pensaient aussi que les produits dérivés étaient une innovation saine, puisqu’ils dispersaient le risque… et que la dette subprime rendait un service national puisqu’elle permettait aux gens d’acheter des maisons qu’ils n’auraient pas pu se permettre.

* A présent, cependant, c’est "la revanche de l’excès", déclare Krugman. Il fait référence à une autre idée stupide des économistes : les Etats-Unis rendaient service au monde en consommant l’excès d’épargne asiatique.

* Tout à coup, les Américains sont devenus plus sages. Ils ne portent plus d’eau pour les épargnants asiatiques. Résultat, les gigantesques réservoirs d’épargne en dollars en Asie ne se remplissent plus comme autrefois. Et par conséquent (ce que la plupart des commentateurs ne semblent pas avoir remarqué pour l’instant), les Asiatiques ne seront plus en position d’acheter autant d’obligations du Trésor américain.

* Désormais, les Américains épargnent pour eux-mêmes. Une tendance bienvenue, en ce qui nous concerne… même si elle provoque une Dépression.

** Nous sommes de retour de vacances avec un bronzage… un bronzage tout à fait irlandais. Nous sommes aussi revenus avec un pari. Un investisseur nicaraguayen a parié que le prix du producteur énergétique russe Gazprom grimperait plus que l’or au cours des cinq prochaines années.

* Notre ami nicaraguayen est un investisseur sérieux… et un observateur tout aussi sérieux des investissements russes. Pendant que nous perdions de l’argent en Inde, il perdait de l’argent en Russie. Nous étions donc à égalité. Et voilà qu’il nous a jeté le gant.

* "L’or n’est pas un très bon investissement", souligne-t-il. "Si l’on prend ces 30 dernières années, il a produit des rendements négatifs. Le prix est à peine plus élevé qu’il l’était il y a 30 ans environ, tandis que l’indice des prix à la consommation a probablement doublé. Et même si vous avez raison sur l’or aujourd’hui, combien pouvez-vous vous attendre à gagner ? Peut-être va-t-il doubler. Peut-être tripler. Mais Gazprom est une vraie entreprise avec un vrai produit dont les gens ont vraiment besoin — de l’énergie. Elle a été mise à mal avec le reste du marché russe. Mais elle reviendra. Et quand ce sera le cas, elle a le potentiel de faire bien mieux que l’or. Pour une once d’or aujourd’hui, on peut acheter 74 actions Gazprom. Je parie que ce ratio sera plus bas dans cinq ans — c’est-à-dire que l’or grimpera moins que Gazprom. Combien voulez-vous parier ?"

* Ce n’était pas le genre de pari que nous apprécions — parce que nous n’avons pas vraiment d’opinion sur Gazprom ; nous ne suivons pas la société. Mais nous avons pris le pari pour 10 $.

* "Vous êtes du bon côté de ce pari", a déclaré notre collègue Simone Wapler, rédactrice en chef de MoneyWeek. "Bien entendu, on ne sait pas ce qui va arriver, mais l’or présente peu de risque. Ce n’est pas le cas de Gazprom. Poutine peut confisquer les profits de Gazprom dès qu’il le veut. Qui sait ce qui va se passer en Russie ?"

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