La Chronique Agora

L’Europe en récession… le CAC 40 en pleine forme

banques centrales

▪ Comme dopé par une série de chiffres décevants, Wall Street a inscrit mercredi soir une nouvelle litanie de records absolus. On est allé jusqu’à +0,6% pour le S&P 500, qui s’envole vers 1 661 points (Google explosant de 2,5% au-dessus des 900 $) — sans oublier un nouveau rally de 1,1% pour le Dow Transport à plus de 6 530 points.

Cette envolée du Dow Transport (+3% en l’espace de deux séances) est d’autant plus incompréhensible que la plupart des titres rentrant dans sa composition ne tirent pas d’avantages considérables du quantitative easing de la Fed. Ce dernier est en effet taillé sur mesure pour les banques — et pas spécialement pour les compagnies aériennes ou les sociétés de chemin de fer !

Le mystère s’épaissit à la lecture des chiffres publiés hier aux Etats-Unis. L’indice Empire State de la Fed de New York est repassé en territoire négatif au mois de mai, ressortant à -1,4 contre +3 le mois précédent, alors que les économistes l’attendaient autour de +4.

La production industrielle décroche également de 0,5% (elle était attendue stable après -0,6% en mars). L’indice des prix à la production (PPI) accuse quant à lui un recul de 0,7% sur le mois d’avril, plombé par les composantes alimentaires et énergétiques.

On peut à la rigueur admettre que la baisse du kérosène soit favorable à US Airways ou à Delta Airlines… sauf que quand le prix du pétrole grimpait, le cours des transporteurs aériens s’envolait également. Difficile donc d’en tirer une conclusion.

▪ Mauvaises statistiques et records malgré tout
Que les statistiques soient bonnes ou mauvaises importe également fort peu aux investisseurs européens. Une fois encore, de mauvais chiffres de la croissance dans l’Eurozone ont été salués par une nouvelle salve de records boursiers annuels (CAC 40, Euro-Stoxx 50) ou historique pour le DAX 30.

Une conjoncture déplorable s’interprète comme une promesse d’initiative monétaire de la part de la BCE. On parle déjà d’une nouvelle baisse de taux d’ici l’été, voire d’un recours aux OMT.

Le marché a donc salué avec ferveur et enthousiasme l’annonce d’une poursuite de la récession de l’économie française (-0,2%). La plus grosse déception provient d’Allemagne avec une croissance symbolique de 0,1% au lieu d’un rebond de 0,6% anticipé. Le coupable serait… le froid (hiver trop long, consommateurs frileux, chantiers de construction à l’arrêt etc.).

La récession reste particulièrement sévère en Espagne et en Italie (-0,5%) ; elle apparaît dramatique au Portugal et en Grèce (-5,3%). Le seul rescapé serait la Belgique tandis que les Pays-Bas succombent à leur tour (-0,1%).

En ce qui concerne la France, le chiffre le plus marquant nous semble être la chute de 0,9% du pouvoir d’achat des ménages.

Mais entendons-nous bien, il ne s’agit que d’une moyenne. Les 10% de revenus les plus élevés continuent de progresser plus vite que l’inflation ; les 90% restant affichent symétriquement un recul moyen de 1,2% (suppression des niches fiscales, taxation de certaines prestations sociales).

Les 60% de salariés touchant les revenus les plus bas subissent une perte supérieure à 2%, et cela torpille la consommation. Les entreprises de type PME/PMI ne s’y trompent pas et gèlent leurs investissements, repoussent les embauches et souvent licencient.

Cette merveilleuse équation séduit les brasseurs d’argent : elle se soldait donc par une hausse de 0,4% à Paris et 0,5% en Europe mercredi soir.

▪ Laissons faire les robots !
Le CAC 40 renouant avec les 3 983 points, la question la plus obsessionnelle devient : comment les 4 000 pourraient-ils ne pas être atteints avant 16h ce vendredi, journée des « Trois sorcières » ?

A Tokyo, la principale question demeure : comment le Nikkei pourrait-il ne pas rejoindre (et dépasser) le Dow Jones, qui culmine désormais vers 15 300 points ? Cela s’apparente désormais à une simple formalité avec la Bank of Japan qui a déclenché l’équivalent d’un « hyper-QE3 » sous stéroïdes.

N’allez pas croire que les investisseurs nippons sont les seuls à croire que les pagodes montent jusqu’au ciel : d’importants flux de capitaux déferlent sur le Japon depuis la City ou Wall Street.

Les robots occidentaux ont identifié un marché haussier de type « panique à la hausse ». C’est le genre de configuration qui permet de réaliser des profits miracles en quelques heures — à condition de ne pas se poser de questions et de laisser faire les robots.

Il ne faut surtout pas se demander quel genre d’anticipation peut justifier +45% en quatre mois et demi… et +81% en l’espace de 11 mois. Mais loin de susciter de l’effroi chez les analystes, cela ne fait qu’aiguiser l’appétit des spéculateurs.

C’est comme si nous les voyions s’extasier devant l’emballement des réacteurs nucléaires de Fukushima après que les systèmes de refroidissement ont été détruits.

Regardez le nombre de mégawatts produits qui grimpe à n’en plus finir, un seul réacteur hors de contrôle pourrait alimenter à lui seul la moitié de Tokyo au lieu d’une bourgade de 100 000 habitants en régime normal. C’est génial, et en plus, ça fait de la fumée !

Sauf que ça va nous exploser à la figure… car comme pour Fukushima, il n’existe aucun système de refroidissement d’urgence. La stratégie de sortie, dans le cas japonais, c’est comme des hélicoptères larguant quelques hectolitres d’eau sur un réacteur éventré alors que les besoins se chiffrent en millions de mètres cubes !

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