Hier, nous nous sommes penché sur le berceau de l’euro, une idée en or née de la chute du Mur de Berlin et du Rideau de fer. Mais la vie harmonieuse de la monnaie unique dont rêvaient ses parents allait bientôt basculer.
Pour parvenir sans encombre à faire vivre l’euro, il fallait que les taux d’inflation convergent, et que les taux de change se stabilisent, et ce sur plusieurs années. La fin du processus d’intégration était programmée pour le 1er janvier 1999, et l’arrivée des pièces et billets en euros dans les poches des consommateurs européens le 1er janvier 2002.
Deux autres conditions furent imposées: un déficit budgétaire qui ne pouvait pas dépasser 3% du PIB, et une dette publique limitée à 60% du PIB. Ne cherchez aucune base théorique derrière ces deux chiffres. Ils résultaient des premiers « petits arrangements entre amis » de l’ère de la monnaie unique.
D’un côté il fallait simplement complaire aux dirigeants français qui avaient triplé le déficit budgétaire de la France, passé de 1% du PIB en 1980 à 3% en 1981, pour financer gratuitement toutes les folles promesses de la campagne présidentielle. D’un autre côté, il était aussi impératif de prendre en compte les contraintes allemandes. Nos voisins, pour financer la mise à niveau des Länder de l’Est, avaient dû s’endetter lourdement, faisant flirter leur endettement public autour de 60% du PIB.
A l’époque, des voix s’étaient déjà élevées pour souligner le côté totalement arbitraire et de confort de ces critères. Elles avaient aussi émis des doutes sur le succès de cette nouvelle étape d’intégration européenne, dans la mesure où la Zone euro ne réunissait pas une des caractéristiques essentielles d’une zone monétaire optimale (ZMO), telle que décrite par le prix Nobel d’économie Robert Mundell, à savoir la mobilité réelle des travailleurs.
Les Etats-Unis, dotés d’une langue commune, avec peu de divergences en droit social d’un Etat à l’autre, voient les travailleurs passer facilement du Michigan au Texas selon les opportunités professionnelles. En revanche, on imagine mal en Europe le salarié licencié en Bretagne se délocaliser en Slovaquie.
Mais il ne fallait pas se décourager, la fée bruxelloise allait tout régler grâce à de nouvelles directives…
Des politiques économiques et budgétaires rétives aux directives bruxelloises
Et si, comme on pouvait le craindre, des dysfonctionnements apparaissaient, ce serait l’occasion d’imposer aux peuples européens de nouvelles phases d’intégration fédérales, avec notamment un rôle plus important joué par le budget de l’Union.
Au passage, l’effort colossal de l’Allemagne pour sa réunification allait faire une première victime collatérale, la France.
Pour attirer les capitaux nécessaires à l’effort de reconstruction à l’est, nos voisins firent monter les taux d’intérêt à des niveaux très élevés. La France, qui au nom du Traité de Maastricht, s’était engagée à maintenir un taux de change fixe entre le Franc et le Deutsche Mark, s’est trouvée forcée de faire également monter ses taux d’intérêt (les taux des OAT à 10 ans dépassèrent les 8%), afin de ne pas voir sa monnaie baisser face à la devise allemande.
Une bonne partie du tissu industriel français ne résista pas à l’instauration de tels taux, sans lien avec la réalité économique française. Mais le nirvâna promis à terme avec l’avènement de l’euro valait bien un petit sacrifice initial (ou plutôt un gros, vu la destruction d’entreprises, la ruine de leurs propriétaires, et surtout son cortège de chômeurs dont certains ne retrouvèrent jamais de travail)…
Pierre Bérégovoy, alors Premier ministre, au nom des engagements pris, mena cette politique brutale, totalement rejetée par le corps électoral, qui aboutit à la « chambre introuvable » de droite d’avril 1993, et à sa mort tragique le 1er mai suivant.
Au demeurant, tout aurait pu très bien fonctionner si une coordination des politiques économiques et budgétaires s’était mise en place de façon satisfaisante entre les membres de la Zone euro, comme les traités l’avaient aussi prévu.
L’ivresse de la jeunesse
Dès la mise en place de l’euro, l’euphorie régna, et on assista à un phénomène de convergence des taux d’intérêts des emprunts d’Etat des différents pays. C’est ainsi que les taux grecs, pour ne citer que cet exemple, se sont effondrés, permettant au gouvernement de ce pays de s’endetter au-delà du raisonnable, à très bon compte. On connaît la suite.
Aujourd’hui, le mal est fait.
L’Europe s’enfonce dans la perpétuation d’une croissance anémique, sans ressort, malgré les tombereaux de liquidités versés par la Banque centrale européenne.
Un pays s’en sort plutôt bien, malgré le handicap de sa démographie amorphe, combinant croissance relativement dynamique, plein emploi, et comptes extérieurs très excédentaires. Alors que pour d’autres pays de la Zone, la monnaie unique est trop chère, forçant à baisser des salaires déjà insuffisants.
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