▪ Le quart des titres du CAC 40 ne capitalisent même plus leur valeur d’actif ; un bon tiers offre un rendement supérieur à 5% (et les opérateurs télécom affichent entre 9 et 11%). Mais même à ces prix de braderie, sans précédent depuis octobre 2008 ou mars 2009, plus personne n’en veut.
Ceux qui s’abstiennent d’acheter (les mêmes qui jugeaient le CAC 40 pas cher à 4 100 points) avancent une excuse reprise en choeur dans les salles de marchés : « il est trop tôt pour prendre le moindre risque, car le CAC ne nous a pas encore gratifiés d’une phase de capitulation finale ».
Quand nous étudions le scénario graphique des quatre dernières semaines, nous ne voyons pas une capitulation… mais trois (les 11 et 22 août, puis les 5 et 6 septembre).
Maintenant que l’ambiance est au catastrophisme, à moins de 25% de baisse en trois séances, plus personne ne considère que le marché procure des opportunités d’achat.
Le même aveuglement dont ont fait preuve les permabulls au cours du premier semestre sévit désormais au sein du clan — désormais ultra-majoritaire — des permabears. Vu le pourcentage d’opérateurs qui se déclarent baissiers, c’est à se demander si ce ne sont pas les mêmes !
Vous allez penser que la raillerie constitue un réflexe conditionné dès lors que nous sommes confrontés à un consensus… Nous devrions plutôt nous réjouir de voir les opérateurs de marché valider en tout point le diagnostic économique que nous martelions sans relâche depuis le début de l’année. Mais ce qui attire notre attention, c’est que le discours ambiant prend la forme d’un catéchisme baissier.
▪ De l’avis général, la seule attitude raisonnable consiste à vendre ce qui subsiste des portefeuilles sur les rebonds… et en intraday. Dès qu’un titre enfonce un support graphique (fut-ce un plancher historique), la meute se précipite pour transformer la correction en jeu de massacre. C’est ce que l’on appelle « bourriner » dans le jargon des salles de marché.
Cela marche d’autant mieux que les acheteurs potentiels savent parfaitement de quoi il retourne, ce qui les conduit à s’abstenir consciencieusement de s’opposer au flux vendeur.
Résultat, le marché baisse de plus en plus souvent dans le vide. C’est cette absence de volumes qui incite la plupart des commentateurs à postuler qu’aucun rebond n’est possible ni envisageable puisque le grand sell-off (la « grande capitulation ») à huit ou dix milliards d’euros d’échanges par séance ne se matérialise pas.
Et pendant qu’ils attendent Godot (la séance avec un score à deux chiffres), ils s’interdisent de remettre en cause les niveaux de cours atteints par certains titres qui ont déjà perdu 50 à 60% en moins de six mois… peu importe l’actif net comptable et la trésorerie.
Ces notions ne pèsent pas lourd face au spectre du gel des échanges interbancaires « à la sauce 2008 ». Les banques ne se font plus confiance entre elles et déposent en masse leurs liquidités aux guichets de la BCE. De ce fait, cette dernière n’a aucun mal à re-prêter l’argent aux établissements qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire ceux qui n’ont plus accès aux marchés depuis des mois.
▪ J.-C. Trichet a largement semé le trouble lundi en faisant état de « profonds désaccords » avec le FMI sur la question des fonds propres dont les banques européennes pourraient manquer en cas de « coup dur » sur les dettes souveraines. Quant à l’échéance d’un défaut de la Grèce sur une partie de sa dette, elle semble terriblement proche.
Ce n’est pas le genre d’anticipations que nous jugeons sans fondement mais le catastrophisme ambiant ne s’embarrasse d’aucune nuance. Les opérateurs n’entendent rien d’autre une fois prononcé le mot fatidique « défaut » : la suite de la phrase passe à la trappe.
Et notamment l’adjectif « partiel » appliqué à la dette grecque.
Or ce que le cours des valeurs bancaires intègre à présent, c’est le défaut total, tous instruments confondus — avec en sus une décote de 50% à 70% sur les emprunts assortis d’une maturité comprise entre deux et cinq ans.
Si ce diagnostic était exact, la BCE serait d’ores et déjà à court de fonds propres et l’euro ne serait plus qu’une zombie money, qui ne vaudrait certainement pas encore près de 1,40 $ mais plutôt 1,15 $, et d’ici peu, une parité de 1 pour 1. Pendant ce temps, l’once d’or pulvériserait les 2 000 $.
▪ S’il y a bien un concurrent de la BCE qui ne mise pas un cent sur ce scénario, c’est la Banque centrale helvétique. Elle est prête à mettre 100 milliards de dollars sur le tapis vert du Forex pour obtenir une parité de 1,20CHF/euro. Cette annonce a été faite mardi matin ; elle a fait flamber de 10% la monnaie unique, passée de 1,09 vers 1,2010CHF.
L’euro aurait également pu dévisser lors de l’annonce d’un rebond inattendu de l’indice ISM non manufacturier américain (de 52,7 vers 53,3) au mois d’août. Le spectre de la récession s’éloigne outre-Atlantique avec la bonne santé apparente du secteur tertiaire. Mais la chute estivale des marchés pourrait avoir impacté négativement la consommation et dissuader toute forme d’investissement productif sur le sol américain.
Ce risque n’est pas nul. Cependant, Wall Street semble tempérer son pessimisme du fait de la résilience des dépenses des ménages — malgré le grippage du marché du travail — et de l’absence de gonflement mesurable des stocks des entreprises.
▪ Les indices américains alignent certes une troisième séance de repli consécutive mais le Nasdaq a bien failli terminer à l’équilibre (-0,25%). Le S&P, quant à lui, ne cède pas plus de 0,75%. Les pertes cumulées en trois séances ne dépassent pas 5% à Wall Street quand Paris et les places européennes chutent de 10% à 11% au sein du même intervalle.
Nous sommes loin des anticipations (dignes d’un roman apocalyptique de fiction) de Nouriel Roubini. Rappelez-vous que ce dernier avait prédit un avenir sous le signe de la « 3G » : ground, gold & guns (des terres, de l’or et des fusils). Les opérateurs ne se font en revanche guère d’illusions sur la capacité de Barack Obama à obtenir jeudi quelque soutien de la part du Congrès dans sa tentative (désespérée ?) de relancer l’emploi.
Ce qui compte aux yeux des républicains, c’est que l’actuel président commence à se chercher un nouveau poste dès la mi-novembre 2012, même si cela provoque l’effondrement du pays. Mais qui veut la fin (de l’ère démocrate) veut les moyens (de ruiner le système)…