▪ Le célèbre principe action/réaction (de force égale et opposée) de la mécanique newtonienne devrait une fois encore se vérifier avec l’élasticité des cours de Bourse — à la hausse cette fois-ci, suite à une série d’impacts sur des supports moyen terme.
Nous avions prévenu nos lecteurs en avril et mai derniers que la chute des marchés serait inversement proportionnelle à la quantité de mensonges, d’aveuglement, d’erreurs de jugement qui avaient conduit le Nasdaq ou le Dow Transportation à franchir marginalement leurs sommets décennaux de fin octobre 2007 ; le Russell 2000 avait même battu un record historique absolu.
▪ En Europe, la palme de la période mars 2009/juin 2001 revient au DAX. Il était revenu à 7% de son zénith de mars 2000 et de juillet ou septembre 2007, avant de chuter de 25% tandis que les indices américains ne cédaient guère plus de 15% en moyenne.
Ce ne sont pourtant pas les Européens qui se sont bercés de douces illusions sur la vigueur de la conjoncture. Ils n’ont pas d’avantage bénéficié de la corne d’abondance de la Fed, ni d’une fiscalité de rêve sur les dividendes (à peine taxés outre-Atlantique). Aucun plan de rigueur budgétaire digne de ce nom n’a été mise en place par le Congrès américain suite aux consternantes tractations politiques sur les déficits qui ont assombri le mois de juillet.
Ce sont les actionnaires américains qui s’en tirent le mieux ; pourtant, les cours de Bourse à Wall Street sont assimilables à un véritable soufflé. Depuis une semaine, les indices américains sont repartis à la hausse pied au plancher, avec un Nasdaq qui cumule un gain de 9% en six séances (+7% en moyenne pour les autres indices US) tandis que le CAC 40 reprend péniblement 4,5% et l’Eurotop 100 2,5%.
Pour mieux illustrer notre propos, faisons une petite analogie approximative avec la sécurité routière. Les conducteurs/actionnaires européens qui accusent un taux d’alcoolémie de 0,6% se voient infliger une amende de -25% et la confiscation de leur véhicule. Pendent ce temps, les Américains, proches du coma éthylique avec un bon 3,5 grammes (de dettes) dans le sang, font un sourire à M’sieur l’agent et repartent en faisant crisser les pneus, avec une simple réprimande.
Cela ressemble furieusement à du « deux poids, deux mesures »… Nous devons admettre que nous avons fait fausse route en anticipant un retour à plus d’équité dès que les illusions haussières commenceraient à se dissiper.
Nous pensions — peut-être naïvement — que les investisseurs américains effectueraient une violente sortie de route (c’était inévitable). Les chauffards à la bannière étoilée seraient ensuite conduits en cellule de dégrisement puis privés de leur permis de « mal se conduire » pour quelque temps.
Mais le tribunal des marchés s’acharne sur les Européens, au prétexte que la Grèce et l’Irlande ont été ramassés ivres morts fin 2008 et n’ont toujours pas dessaoulé. Ce ne sont pourtant plus que des passagers effondrés sur la banquette arrière du van européen, alors que l’équipe des chauffeurs français et allemands fait encore preuve d’une relative sobriété.
S’il fallait faire le compte de tous les états américains qui gisent les bras en croix dans le fossé, il y aurait de quoi remplir un bus de ramassage scolaire. Et allez trouver sur place un chauffeur encore capable de faire 10 pas sur la ligne blanche imaginaire sans tituber !
▪ Wall Street a encore le nez tout rouge et les vents tempétueux (et non apocalyptiques comme le prévoyait Michael Bloomberg, le maire de New York) ne l’ont pas dégrisé.
Les indices américains ont enregistré hier une de leurs séances haussières les plus débridées de l’année avec un Nasdaq à 3,3%, un S&P à 2,85% (à plus de 1 210 points) et un Dow Jones qui reprend 250 points à 11 540 points.
A titre de comparaison, le CAC 40 n’a pris que 2,15% ce lundi, après une entame de séance certes positive mais un peu timide. Rappelons-nous que Wall Street avait terminé la semaine passée en fanfare, le Nasdaq affichant par exemple un gain hebdomadaire de 6% et le Dow Jones 4%, à comparer avec la stagnation des grands indices paneuropéens.
Autrement dit, à conjoncture et endettement égal — et Ben Bernanke a entériné vendredi le scénario d’une croissance désespérément lente — les indices US ont largement surperformé la Zone euro la semaine dernière ; ils continuent de le faire à 48 heures de la fin du mois d’août.
▪ L’euphorie sur les marchés américains a été boostée par un rebond d’ampleur inattendue des dépenses des ménages US en juillet (0,8% après une baisse de 0,1% en juin au lieu d’une hausse de seulement 0,5% anticipée).
Mais ne vous prenez pas à rêver d’une providentielle résurrection de l’envie de consommer outre-Atlantique. En effet, l’embellie du mois dernier résulte mécaniquement d’un rattrapage des livraisons d’automobiles importées du Japon suite aux retards induits par le séisme du 11 mars dernier.
Revenons sur Terre avec les revenus qui n’ont progressé que de 0,3% (comme prévu) tandis que l’indice des prix PCE (hors énergie) affichait une hausse de 0,2% en juillet, soit +2,8% en rythme annuel. Ce résultat demeure près de trois fois supérieur au taux de croissance du PIB au premier semestre 2011… vraiment pas de quoi pavoiser.
Au chapitre des bonnes nouvelles, il est légitime de se réjouir de ce que l’ouragan Irene n’a fait que peu de victimes et blessés. Il n’a engendré par ailleurs que des dégâts limités (coût estimé : cinq milliards de dollars) dans la région de New York.
L’activité économique a pu reprendre presque normalement ce lundi sur la côte est des Etats-Unis après un week-end où le tiers des habitants du pays a vécu reclus de façon quasi monacale durant 36 heures.
▪ Wall Street n’est pas la seule place sur Terre à s’être senti pousser des ailes ce lundi. La Bourse d’Athènes s’est envolée de 14,5% (et l’indice de référence a refranchi la barre symbolique des 1 000 point) suite à l’annonce de la fusion des établissements AlphaBank et Eurobank (les actuels numéros deux et trois du secteur bancaire) pour former le nouveau numéro un du pays.
Commentaire à chaud d’un stratège sur CNBC : « on vient d’embellir deux cochons avec un seul tube de rouge à lèvre »… ambiance !
C’est ce genre de réflexion qui finit par nous faire douter — tout comme Laurence Parisot hier — de la bienveillance des investisseurs anglo-saxons à l’encontre de l’Europe.
Mais non, nous plaisantons… C’est évident qu’ils nous adorent, sinon David Guetta ne serait pas devenu l’artiste européen qui vend le plus de CD en Angleterre et aux Etats-Unis, avec la bagatelle de 23 millions d’amis sur Facebook (dont seulement 5% de Français).
Newton avait raison : action/réaction, attraction/répulsion s’équilibrent. C’est rassurant, non ?