▪ La guerre entre les Etats-Unis et la Chine… En voilà une pensée déplaisante… à moins d’être une entreprise dans la défense. La menace d’une guerre pourrait suffire à augmenter la croissance des bénéfices de l’industrie de la défense sur plusieurs années.
Nous n’aborderions pas ce sujet macabre — qui consiste à rentrer dans une danse de la mort version marché financier — si les pontes de Washington comprenaient que la Chine est simplement en train de mettre en oeuvre sa propre version de la doctrine de Monroe.
Si vous ne vous souvenez plus de cette doctrine, en voici un petit rappel : en 1823, le président James Monroe a fait savoir aux puissances européennes que les Etats-Unis interviendraient pour mettre fin à toute ingérence de leur part en Amérique latine. C’était un signal très fort sur le thème « tenez-vous éloignés de notre pré carré ».
Certes, le message était plus subtil que cela ; un Thomas Jefferson vieillissant félicita Monroe pour avoir réussi « une entente cordiale avec l’Angleterre ». En effet, cette doctrine était un accord tacite entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Les Etats-Unis profitaient de la flotte britannique, la Royal Navy, dont les navires patrouillaient dans les eaux autour de l’Amérique latine, empêchant les puissances continentales européennes de s’approcher des pays américains.
A l’origine, la doctrine de Monroe avait pour but de tenir éloignés les Européens. La doctrine de Monroe à la chinoise a pour but d’empêcher les Etats-Unis de s’approcher encore plus qu’ils ne le sont déjà.
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« Les pays du Bassin Pacifique ont longtemps été les plus grands partenaires commerciaux des Etats-Unis et Washington déploie plus de 320 000 militaires dans la région, dont 60% de sa marine », écrit Conn Hallinan, du think tank Foreign Policy in Focus. « Le drapeau américain flotte sur des bases au Japon, aux Philippines, en Corée du Sud, en Malaisie, en Thaïlande, dans les Iles Marshall, Guam et Wake ». La 7e flotte américaine navigue régulièrement près des côtes chinoises, à la limite des 12 miles des eaux internationales.
Pas étonnant que les dirigeants chinois aient le sentiment — à tort ou à raison — d’être encerclés.
« La Chine a clairement fait savoir qu’elle ne tolèrera pas la menace envers sa sécurité que représente la présence militaire étrangère à ses portes, lorsque ces forces étrangères sont engagées dans des activités conçues pour explorer les défenses chinoises et pour trouver un moyen de les pénétrer », écrit notre ami Chas Freeman, ancien diplomate américain qui était l’interprète du président Nixon lors de sa visite révolutionnaire en Chine « rouge » en 1972.
« Il n’y a aucune raison de supposer que la Chine est moins sérieuse à ce propos que nous-mêmes le serions si nous devions faire face à des opérations maritimes et aériennes toutes autant provocantes le long de nos frontières ».
▪ Les îles Senkaku ne sont pas le seul point de dispute
C’est ainsi que les Chinois revendiquent leur domination sur les îles Senkaku, très disputées. « La Chine considère ces îles comme faisant partie de son périmètre défensif », explique Hallinan, « ce qui est un point de vue compréhensible au vu de l’histoire du pays. La Chine a été la victime de l’invasion et de l’exploitation par des puissances coloniales, dont le Japon, qui remonte à la première Guerre de l’opium en 1839 ».
La Chine insiste également sur le fait de contrôler dans son bon droit une série d’îles du sud de la mer de Chine — de riches zones de pêche et sources potentielles de pétrole et de gaz. Ces îles, comme les Spratlys et Paracels, sont également revendiquées par… une liste entière de nations : le Vietnam, la Malaisie, Taïwan, le sultanat de Brunei et les Philippines. Et peut-être les Kardashian aussi, pour ce que nous en savons…
En outre, la Chine a…
– Mis en service son premier porte-avion
– Mis au point un avion de chasse furtif appelé J-20
– Augmenté ses dépenses de défense de plus de 10% par an depuis ces 10 dernières années (même si le budget de la défense de Pékin ne représente encore qu’un cinquième de celui de Washington).
Une réponse raisonnable de la part des Etats-Unis serait : « regardez, la Chine met en place sa propre doctrine de Monroe. Ils veulent établir leur propre pré carré. En même temps, nous avons 16 400 milliards de dollars de dettes dont 11 000 milliards à la Chine. Pourquoi nous endetter encore plus pour garder 60% de notre marine stationnée dans le Bassin Pacifique ? Peut-être devrions-nous reconsidérer cette notion de ‘lac américain’. »
Au lieu de cela, le gouvernement américain double la mise.
« Avec la fin de la guerre en Irak et le début du retrait d’Afghanistan, les Etats-Unis sont à un moment pivot », a écrit en novembre 2011 la secrétaire d’Etat Hillary Clinton dans le magazine Foreign Policy. « L’une des tâches les plus importantes de la gouvernance américaine au cours de la prochaine décennie sera d’augmenter ses investissements dans la région Asie-Pacifique, entre autres dans les domaines diplomatique, économique, et stratégique ».
Dans les cercles autorisés de Washington, cette déclaration d’intentions est devenue connue sous le nom « le pivot ».
Le même mois où Clinton publiait cet article — au titre présomptueux « Le siècle du Pacifique pour les Etats-Unis » — l’administration Obama envoyait pour la première fois 2 500 soldats américains sur la côte nord australienne.
L’étau se resserre autour de la Chine.