La Chronique Agora

Les Etats-Unis seront bientôt dans la même situation économique que la Grèce

▪ Oui, un quinquennat d’austérité… de fonte des prestations sociales… de retraites en peau de chagrin… de chômage massif et de travail au noir.

Comme toute une théorie de hausses d’impôts sont programmées d’ici 2015, la fraude fiscale qui constitue l’un des sports nationaux (si c’était une discipline olympique, les Grecs seraient imbattables à domicile !) a de bonnes chances de rallier encore plus d’adeptes… s’il était encore besoin.

En ce qui concerne l’ambiance, ceux qui ont connu l’Argentine des années de crise (2001/2004) ne seront pas dépaysés. Les autres se demanderont si l’avenir n’a pas quelques relents de pays de l’Est du temps du rideau de fer ; à cette différence près que les multinationales étrangères n’avaient pas le loisir de mettre la main sur les quelques fleurons industriels encore rentables du pays.

Pour ce qui est d’attirer plus de touristes, avec la hausse des taxes et une monnaie qui n’offre aucune marge de manoeuvre par rapport à la clientèle du nord de l’Europe, il ne faut pas espérer de miracle !

Ajoutez à cela des possibilités de grèves pratiquement infinies (douanes, aéroports, pilotes, aiguilleurs du ciel, bagagistes, transports publics, taxis…). Nous ne serions pas étonné de voir les Grecs aller passer leurs vacances (pour ceux qui ont encore un boulot et un peu d’argent de côté) en Turquie ou en Russie — où l’écriture sur les panneaux de circulation et les menus des restaurants présente plus que des similitudes.

▪ Si nous brossons un tableau assez sombre de l’avenir hellénique, c’est tout simplement parce qu’une grande partie de ce que nous décrivons fera bientôt partie du quotidien aux Etats-Unis. Si les Américains nourrissaient une fascination pour le berceau de la démocratie (dont ils se veulent les champions planétaires), ils s’empresseraient de s’y rendre afin de toucher du doigt ce qui les attend au cours des 10 ou 20 prochaines années.

Un des points communs les plus paradoxaux entre les Etats-Unis et la Grèce, c’est l’insuffisance des recettes fiscales du fait que les riches et ultra-riches ne payent pas assez d’impôts.

Les premiers ont été exemptés d’en payer sous l’ère Bush, les seconds pratiquent l’évasion fiscale à l’échelle industrielle. Dans ces deux pays, c’est la classe moyenne qui se fera tondre jusqu’à ce que le nivellement par le bas des revenus disponibles aboutisse à une récession permanente et à une tiers-mondisation des deux pays (absence de services publics, délabrement des équipements collectifs, hausse de la délinquance).

Les Etats-Unis et la Grèce diffèrent en revanche au niveau de la riposte face à l’austérité et à l’inégalité des efforts consentis pour redresser le pays : le recours à la grève.

C’est aussi inefficace dans un cas comme dans l’autre puisque les deux pays ne produisent presque plus rien sur leur propre sol qui soit exporté vers l’étranger.

▪ Les Etats-Unis et la Grèce sont cependant complémentaires à un certain niveau. L’Amérique produit des armes, Athènes les achète. En effet, le budget de la défense grec est, en proportion, le premier d’Europe ; c’est un pays littéralement surarmé et qui justifie cette stratégie par la nécessité de ne pas se laisser distancer par la Turquie. Une posture que Washington applaudit sans réserve, puisque les firmes militaires américaines équipent également l’armée ottomane !

Une longue expérience des conflits du XXe siècle nous enseigne qu’un pays en crise sociale et économique — mais à la tête d’un arsenal disproportionné — constitue trop souvent une menace pour ses voisins, sinon pour sa propre population.

Espérons que l’Europe ne se limitera pas à la seule approche comptable du cas grec maintenant que le dernier obstacle au versement d’un second package de 110 à 120 milliards d’euros vient d’être levé. Ce dernier a eu lieu mercredi à 15h00, lors de la proclamation du vote favorable au plan d’austérité en discussion depuis deux mois.

▪ Le résultat était acquis aux yeux des marchés — qui ne se sont pas trompés et ne s’émeuvent guère des heurts avec la police qui se poursuivaient hier soir à Athènes.

L’essentiel, aux yeux des marchés, c’est que les médias économiques cessent de brandir la menace d’un défaut de paiement grec et d’un effet domino systémique assimilable à un super-Lehman — avec à la clé l’effondrement planétaire de la confiance dans les dettes publiques.

Cela méritait bien un coup de chapeau des marchés financiers. La Bourse d’Athènes a bondi de 3% même si les gaz lacrymogènes continuent de faire pleurer bien plus que les seuls manifestants qui ont été délogés des alentours du Parlement grec.

▪ La Bourse de Paris s’adjuge 1,9% à 3 924 points. Elle a terminé très près de ses meilleurs niveaux du jour (3 936 points) et dans de beaux volumes (près de 4 milliards d’euros).

Au plus haut du jour, le CAC 40 affichait une avance à 2,15% et se rapprochait de la fermeture du gap des 3 956 points du 1er juin. C’est le scénario que nous avions privilégié sur le Téléphone Rouge depuis le re-test des 3 775 points vendredi. Il reste encore 24 heures pour finir le premier semestre en beauté, car pour l’heure, les valeurs françaises affichent une performance annuelle d’environ 3%, soit moitié moins que le Dow Jones (qui flirte avec les 12 250 points).

Compte tenu de l’actualité en provenance d’Athènes, les chiffres économiques du jour n’ont eu qu’une influence marginale sur Paris, Londres ou Francfort. Le climat des affaires dans la Zone euro s’est détérioré pour le quatrième mois consécutif en juin selon une étude publiée mercredi matin par la Commission européenne. L’indice ESI fléchit de 0,4% à 105,1 ce mois-ci et sur l’ensemble de l’Union européenne, cet indicateur recule d’un point à 104,4.

▪ Aux Etats-Unis, les opérateurs ont été agréablement surpris par le rebond de 8,2% des promesses de ventes de logements neufs au mois de mai. Les économistes s’attendaient à une légère baisse après une contraction de plus de 10% le mois précédent.

Il n’en fallait pas davantage pour susciter un retour en force de la confiance à Wall Street. Même si les scores n’étaient pas très spectaculaires (0,6% en moyenne à la mi-séance), l’indice VIX du stress chutait de 10% vers 17,35 contre plus de 22 en début de semaine.

Cela ne devrait pas durer, juste le temps de réaliser que les Etats-Unis sont dans une situation financière bien plus inextricable que la Grèce.

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