La Chronique Agora

Etats-Unis : la démocratie en danger ?

▪ La semaine qui vient de s’achever par une progression inespérée de 1,2% du marché parisien — un exemple parmi d’autres — illustre à merveille le mot d’ordre que suit avec dévotion une écrasante majorité de gérants. Nous visons ici ceux qui s’expriment quotidiennement à la radio ou sur les chaînes de télévision économiques : « les marchés ne se soucient plus des fondamentaux, il faut prendre les séances les unes après les autres et se laisser porter par la tendance ».

C’est une attitude pleine de bon sens qui permet au baromètre de l’optimisme des professionnels, compilé par une grande banque américaine, de renouer avec des sommets historiques. Près de 80% des sondés sont haussiers à Wall Street. Pendant ce temps, l’indice VIX (le baromètre du stress) confirme à 100% cette euphorie béate en affichant un score plancher de 14,6 qui égale le niveau affiché lors du pic de confiance de la mi-février.

Vous l’avez compris, avec de tels scores, les marchés se réjouissent de la situation actuelle. Cette dernière est la triste addition de la catastrophe japonaise du 11 mars… de l’incapacité des Etats-Unis à réduire leurs déficits (pour des questions de rivalité idéologique entre républicains et démocrates dont on sous-estime grandement la virulence de ce côté-ci de l’Atlantique)… et de la tension des taux induite par le scénario inflationniste découlant de la flambée des matières premières.

▪ Oui, plus cela va mal dans le monde, plus c’est bon pour Wall Street. La place américaine s’enivre des bons trimestriels parus cette semaine.
Que ces résultats brillantissimes dépendent en grande partie de l’argent imprimé par la Fed n’inquiète personne : la corne d’abondance de Ben Bernanke n’est pas près de se tarir !

Vous savez pourquoi ? Eh bien… simplement parce que tout le monde sait que l’Amérique n’a pas d’autre choix que de faire chauffer au rouge les rotatives qui débitent des dollars par centaines de milliards chaque mois.

Sinon ? Tout s’effondrerait, naturellement… Il n’y a donc aucune alternative puisque la situation budgétaire actuelle est sans solution. Ce constat est aussi vrai des Etats-Unis que des pays périphériques européens ; et cela risque d’empirer dans les prochains mois.

Puisque les marchés n’ont d’autre choix que celui d’une hausse irréversible de toutes les classes d’actifs (or, pétrole, métaux, céréales, actions), aucune mauvaise nouvelle ne saurait les affecter.

Wall Street grimpait de 0,5% à la mi-séance jeudi. Le Dow Jones s’est  hissé au contact des 12 500 points. Le S&P a retracé les 1 340 points malgré le plongeon de l’indice Philly Fed vers 18,5, contre 43,4 en mars (et 37 attendus). Les investisseurs ont également ignoré la baisse de 1% du prix des logements (aucun rebond à l’horizon) ou les chiffres de l’emploi décevants.

▪ La solvabilité des Etats vous préoccupe cher lecteur ? Mille excuses, nous en sommes peut-être largement responsables à force de disserter sur ce sujet. Mais nous sommes bien les seuls à tirer la sonnette d’alarme.

En Europe, nul ne semblait se soucier ce jeudi de la tension des taux à deux ans grecs (22,2%) ou portugais (11%, soit 10% de plus que la veille et 30% de plus que vendredi dernier).

De tels niveaux invitent pourtant à redouter une restructuration imminente de la dette grecque et des pertes pour le secteur bancaire. Les investisseurs se sont jetés jeudi sur BNP Paribas (+2,05%, Dexia +1,6% ou AXA avec +1,2%). Nous sommes des idiots : comment avons-nous pu négliger de profiter d’une telle opportunité ?

Les cambistes ignorent également le problème des dettes souveraines des pays périphériques. En effet, l’euro vient d’établir un nouveau record annuel à 1,4650 $ (1,4580 en fin de semaine, à la veille d’un long week-end).

Ou alors, ils sont convaincus (comme nous) que la négociation entre démocrates et républicains va tourner au conflit. Les républicains sont d’autant mieux fondés à torpiller toutes les propositions démocrates qu’une impasse budgétaire démontrera l’incapacité de la Maison Blanche à résoudre la Grande crise héritée des dérives ultra-libérales de l’ère Bush.

▪ L’Etat démontrera ainsi son incompétence ; ce sera la preuve qu’il ne sert effectivement à rien et qu’il faut laisser jouer à fond les lois du marché. Ces dernières éliminent d’elles-mêmes le bois mort de mauvaises initiatives économiques. Ceci confortera le discours libertaire à tendance anarcho-capitaliste des membres les plus ultralibéraux du Tea Party.

Pour résumer leur pensée : l’Etat ne devrait en aucun cas se mêler de justice sociale et de redistribution plus équitable de la richesse. Ce n’est pas en affaiblissant les plus forts que l’on renforce les plus pauvres (plus l’argument s’avère primaire, plus on y adhère).

L’Union soviétique de Khrouchtchev ne raisonnait pas autrement. Les ex-dictateurs des pays arabes — actuellement en révolte — étaient sur la même ligne idéologique avant d’être chassés du pouvoir. Le Tea Party ambitionne surtout de chasser la démocratie… « Nous le Peuple » dit la Constitution américaine.

Les plus fortunés ne devraient payer aucun impôt. Les pauvres — accablés de tous les maux, sans aide d’aucune sorte et sans système de santé publique — seraient alors incités à « se bouger » au lieu d’attendre la prochaine allocation leur permettant de nourrir leurs enfants ou de financer un logement d’infortune.

Le Tea Party prône un retour aux vraies valeurs, celles des pionniers qui ne pouvaient compter que sur eux-mêmes. Ils ont fait des Etats-Unis le pays le plus puissant et le plus admiré au monde… jusqu’au ce que ces socialo-communistes de démocrates ne se laissent ramollir par les modèles socio-démocrates importés d’Europe.

Du capitalisme pur et dur, voire sauvage, voilà ce qu’il faut au pays pour le sortir du déclin qui s’accélère depuis l’élection de Barack Obama.

Nous n’inventons rien, c’est écrit en toutes lettres dans les tracts distribués par les candidats du Tea Party sur tout le territoire américain en vue des présidentielles de 2012.

▪ C’est aussi le discours martelé inlassablement à la tribune du Congrès américain par l’ensemble des ultra-libéraux (jusque dans les rangs des démocrates). Cela ne choque pas grand monde puisque cela reflète pour une bonne part l’identité culturelle du pays.

Les mois qui viennent nous enseigneront si l’élimination de toute forme de contrat social aux Etats-Unis aboutira aux conséquences autodestructrices que nous redoutons.

La solution peut-elle se résumer par : faisons faillite, une bonne fois pour toute, et repartons sur de bonnes bases ? Cela ne pourrait se faire qu’avec les Américains qui affichent une mentalité de « vrais gagneurs », par opposition aux millions de parasites démotivés et englués dans l’assistanat.

La désintégration du dollar, c’est du pain béni pour nos exportateurs et c’est tant pis pour les créanciers des Etats-Unis. Ils n’avaient qu’à se ranger à l’évidence que le système actuel d’addiction à la dette et au mirage de l’Etat-Providence n’avait aucun avenir. Amen !

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*1,35 euro par appel + 0,34 euro / minute.
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