La Chronique Agora

La Fed a la tremblote

FED - Banque centrale - Etats-Unis

La Fed renoncera probablement à une nouvelle hausse de taux. Mais cela n’empêchera pas le marché de chuter à moyen terme.

Aujourd’hui, tous les regards sont braqués sur la Fed. D’un plancher de 6 900 sur le Dow Jones en mars 2009 à un sommet de 26 650 le 20 septembre 2018, ce sont les génies de la Fed qui ont créé cette bulle. Maintenant, à eux d’assumer.

Que vont-ils faire ? Elimineront-ils encore un peu plus de richesse avec une dernière augmentation de taux en guise de cadeau de Noël ?

Les banques centrales n’ont pas de magie économique. Pas de panacée financière. Pas de miracles monétaires.

Elles ne peuvent pas vraiment faire en sorte qu’une économie tourne mieux. Elles ne peuvent pas augmenter les salaires réels ou accroître la richesse d’une société. Elles ne produisent rien de valeur. Elles ne fournissent pas de services que l’on serait prêt à payer.

Tout ce qu’elles peuvent faire, c’est manipuler la quantité d’argent et de crédit. C’est-à-dire qu’elles peuvent induire les gens en erreur sur la quantité de crédit disponible… et à quel prix.

Par exemple, elles peuvent abaisser le prix du crédit… encourager les gens à emprunter… et engendrer ainsi une expansion du crédit sur Wall Street.

Quand, durant 30 ans, la dette augmente plus vite que les revenus

Cela augmente la quantité de dette dans le système, mais cela n’augmente pas la production de l’économie réelle : or c’est avec cela que la dette est remboursée. La dette augmente bien plus rapidement que les revenus — c’est l’histoire de ces 30 dernières années.

Aujourd’hui la dette — qui a causé la crise de 2008-2009 — est plus élevée que jamais.

De la dette étudiante à la dette des entreprises en passant par la dette gouvernementale — partout, on atteint des records. Bloomberg :

« La dette étudiante en cours a atteint le chiffre record de 1 465 Mds$ le mois dernier, et une catégorie d’emprunteurs en particulier a du mal à rembourser ses prêts, selon une analyse Bloomberg des données de titrisation des prêts étudiants. Cette dette fait naître des risques budgétaires.

 ‘Plus de 90% des prêts étudiants sont garantis par le département de l’Education, ce qui signifie que si une récession provoquait une hausse du chômage des jeunes et déclenchait des défauts de paiement en masse, ce passif éventuel pourrait se révéler encombrant pour le budget du gouvernement américain‘, a déclaré Paul Della Guardia, économiste à l’Institute of International Finance »…

Les intérêts de la dette présidentielle grimpent

A présent, les étudiants et ex-étudiants, les entreprises, les ménages et le gouvernement dépendent tous des taux bas de la Fed.

Il y a par ailleurs une célébrité qui dépend des taux bas — le président des Etats-Unis lui-même.

  1. Trump est, après tout, un promoteur immobilier qui s’est endetté pour faire jouer l’effet de levier, en plus d’être un politicien et une star de la téléréalité. Bloomberg rapporte que le président paie déjà le prix de la hausse des taux :

« Le président Donald Trump a critiqué à maintes reprises les augmentations de taux d’intérêt décidées par le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, déclarant qu’elles pèsent sur la croissance économique. Elles réduisent également sa propre fortune.

 Chaque fois que la Fed augmente ses taux, les paiements de Trump sur quelque 340 M$ de prêts à taux variable augmentent. Depuis son investiture en janvier 2017, la hausse de taux régulière de la Fed aurait rajouté au total 5,1 M$ à la facture de ses intérêts, selon une analyse Bloomberg News portant sur les déclarations financières et les dossiers immobiliers du président ».

Il y a deux ans, la Fed a décidé d’arrêter de commettre son Erreur n°1 (maintenir les taux trop bas pendant trop longtemps) pour passer à l’erreur n°2 (augmenter les taux en anticipation de la prochaine crise… déclenchant ainsi cette même crise). Elle aurait ainsi une marge de taux à réduire lorsque la crise se produirait… et pourrait alors faire l’Erreur n°3 (réduire les taux, en panique).

Si vous suivez nos Chroniques, vous savez que nous avons fait une prédiction importante : la Fed ne laissera jamais volontairement les taux revenir à la normale.

Elle ne le peut pas, parce qu’elle a passé la dernière décennie à habituer l’économie à vivre avec des taux anormaux. L’économie est désormais comme un patient sous respirateur artificiel ; si la Fed le débranchait, son cœur cesserait de battre.

[NDLR : Comment vous protéger… et même sortir gagnant des déboires de l’économie américaine ? Les réponses sont ici. ]

Mais, une fois encore, regardons les choses du bon côté, c’est ce qui devrait se passer. La Fed a créé un monstre imbibé de dette ; elle devrait avoir le courage de l’enterrer.

La Réserve fédérale est toutefois dans une position délicate. Elle ne veut pas sembler céder aux exigences de M. Trump. Mais elle ne veut pas non plus voir le Dow perdre 1 000 points.

Bloomberg explique pourquoi une autre hausse est improbable :

Même sans les admonestations de M. Trump, il est très rare que la Fed augmente les taux lorsque les actions sont en si petite forme.

 En fait, si les dirigeants de la Réserve fédérale choisissaient d’annoncer ce soir la hausse largement anticipée, ce serait la première fois depuis 1994 qu’ils resserreraient dans un marché aussi brutal.

Actuellement, le S&P 500 est en baisse sur les trois, six et douze derniers mois, des circonstances qui ont accompagné seulement deux des 76 hausses de taux appliquées depuis 1980.

Accro aux données

Il est plus probable que les taux n’iront nulle part aujourd’hui. A la place, la Fed mettra son QT (quantitative tightening) en pause afin de « se donner le temps d’évaluer les nouvelles données ».

Cette annonce semblera raisonnable. Elle sera accueillie avec un soulagement considérable par Donald Trump et les investisseurs. Le Dow devrait prendre le chemin de la hausse.

Mais cette histoire de « dépendance aux données » est d’une parfaite idiotie. Cela ressemble à un alcoolique qui aurait arrêté de boire… jusqu’à ce que ses nerfs commencent à lui jouer des tours. En quelques heures, il aura recommencé à écluser.

La Fed a déjà quasiment abandonné sa cure de désintoxication. Peut-être fera-t-elle une pause aujourd’hui — ou pas. Mais que ce soit aujourd’hui ou plus tard, les actions continueront de chuter. Suite à quoi la Fed se saisira de sa bouteille et prendra une nouvelle cuite de crédit.

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