La Chronique Agora

Etats-Unis : une pause dans la longue marche vers un Etat policier

▪ Nous avons remarqué que souvent, lorsque nous nous aventurons dans des domaines autres que l’argent — les lecteurs se plaignent. « Tenez-vous en à la finance », écrivent-ils, « à des choses que vous connaissez ».

Aujourd’hui, nous rassurons nos lecteurs : nous ne connaissons rien à la finance non plus. C’est donc avec une ignorance tout aussi crasse que nous entamons une série consacrée à un sujet qui n’est associé à la finance que de très loin : la Bon, la Brute et le Truand.

Nous avons été inspiré par la performance du sénateur Rand Paul au Capitole US il y a quelques jours. A lui tout seul, il a bloqué une extension du programme d’espionnage de la NSA.

On peut diviser le Congrès en deux groupes. Il y a les idiots, qui ne sont simplement pas assez intelligents pour comprendre ce qui se passe ; et il y a les canailles, qui sont, eux, trop intelligents. Entre les deux, le copinage pullule, dupant les premiers et complotant avec les deuxièmes.

Le père de Rand Paul, Ron, n’a jamais pu intégrer aucun de ces groupes. Peut-être que Rand ne convient pas non plus.

Si nous avons un problème avec Ron, c’est qu’il manque de cynisme

Ron Paul ne pouvait pas être acheté. Il était également assez intelligent pour voir que les bonnes âmes ne faisaient pas de bien du tout — sinon à elles-mêmes.

Si nous avons un problème avec Ron, c’est qu’il manque de cynisme. Nous avons souvent voulu lui demander : « qu’est-ce qu’un homme comme vous fait dans un endroit comme ça ? » C’était comme s’il ne voyait pas les scènes sordides qui se produisaient autour de lui… et ne s’abaissait pas à remarquer les motivations veules de ses collègues. Il était pour la liberté et la Constitution américaine, point. Il pensait avoir été élu pour défendre la liberté de ses constituants.

Bien entendu, ce qu’ils voulaient vraiment était tout à fait différent : du pouvoir, du statut, et l’argent des autres. Mais Ron ignorait cela — comme on ignore les défauts d’un vieil ami — et continuait sa mission solitaire.

▪ Tel père, tel fils ?
A coup sûr, Rand devait avoir appris en observant son père. Mais quoi exactement ? Il a grandi dans un monde politique — plein d’hommes de pailles et de têtes de plomb. A-t-il appris à travailler cette glaise de second ordre, grumeleuse… pour la modeler et en faire le monde que lui et Ron voulaient ? Ou bien a-t-il appris à s’en sortir en courbant l’échine… réussissant ainsi mieux — du moins selon les termes de Washington — que son père ?

Comment un peuple appréciant autant sa liberté l’avait-il abandonnée si facilement ?

Nous avions nos doutes. Il semblait que dans le cas de la famille Rand, le fruit était tombé bien loin de l’arbre. Mais, il y a quelques jours, en dépit des hurlements de protestation, Rand a fait le travail de son père.

Le Patriot Act était embarrassant dès le départ. Comment un peuple appréciant autant sa liberté l’avait-il abandonnée si facilement ? La menace terroriste était tape-à-l’oeil et spectaculaire, mais jamais sérieuse. Les Américains sont plus susceptibles d’être tués par leurs propres enfants que par des terroristes. Statistiquement, ils ont plus de chances de mourir de faim. Ou d’un accident domestique. Et pour chaque Américain tué par un terroriste, on en trouve probablement 100 que leurs propres policiers ont abattus, renversés en voiture ou tués par Tazer.

Quoi qu’il en soit, on a présenté les écoutes comme étant le moyen de détourner les attaques terroristes. Combien d’attentats ont-elles empêché ? Zéro. Le Washington Times :

« Les agents du FBI n’ont pas pu trouver de cas majeurs de terrorisme résolus grâce aux pouvoirs d’écoute donnés par le Patriot Act, a déclaré jeudi l’inspecteur général du Département de la Justice US, dans un rapport qui pourrait compliquer les efforts pour maintenir en vigueur des éléments-clé de la loi.

Selon l’inspecteur général Michael E. Horowitz, entre 2004 et 2009, le FBI a triplé son utilisation de la collecte de données en masse sous la Section 215 du Patriot Act — cette dernière permet aux agents du gouvernement d’obliger les entreprises à leurs fournir statistiques et documents — et mis sur écoute de plus en plus d’Américains n’ayant pas de lien avec des enquêtes terroristes officielles. »

Nous saluons donc Rand Paul. Bravo, Rand. Dans la longue marche vers un Etat policier, les autorités américaines ont dû reculer un peu.

Cet exemple nous a fait réfléchir à d’autres personnes qui font oeuvre utile (qui dit que nous sommes toujours négatif !). Des millions et des millions de personnes font du bon travail tous les jours. Peu d’entre eux se voient cités dans les journaux. Ils font le ménage. Ils conduisent des camions et analysent des actions. Ils soudent des rails et enseignent aux enfants. Les saints nous entourent — et passent inaperçus.

A suivre…

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