Jamais une banque centrale ne souhaiterait revenir à un étalon-or de son propre gré.
L’adhésion à un étalon-or limite la capacité des banques centrales à imprimer librement de l’argent. Comme cette capacité d’émettre de l’argent est synonyme de pouvoir et comme les Etats ne renoncent pas volontiers à ce dernier, aucune banque centrale ne soutient l’étalon-or.
Mais une politique monétaire discrétionnaire et un étalon-or ne s’excluent pas forcément mutuellement. Ils peuvent coexister dans certaines limites. Par exemple, de 1913 à 1968, les Etats-Unis ont fonctionné avec un étalon-or et une banque centrale exerçant une politique monétaire discrétionnaire.
En 1913, la Réserve fédérale fut créée et commença à émettre des « billets de la Réserve fédérale » ayant cours légal. En 1968, le Congrès abrogea l’exigence selon laquelle il fallait adosser les émissions de billets de la Réserve fédérale à une quantité donnée d’or physique en réserve. Mais pendant ces 55 ans une monnaie fiduciaire a été adossée à des réserves d’or : il y a bien eu cohabitation.
Cette réserve d’or exigée limitait théoriquement le volume de monnaie-papier pouvant être émis. Mais en pratique, cela a rarement été le cas.
Même pendant la Grande Dépression, le volume des billets de la Réserve fédérale a rarement dépassé 100% des réserves d’or (bien qu’en théorie, il aurait pu aller jusqu’à 250% des réserves). Pendant cette période, le gouvernement aurait dû augmenter la masse de monnaie-papier afin de combattre la déflation. Cela démontre que les pires effets de la Grande Dépression ont été provoqués par la politique monétaire discrétionnaire, inadaptée, que menait la Fed, et non par l’or : Milton Friedman et Anna Schwartz l’ont souligné il y a 10 ans, et Ben Bernanke l’a réaffirmé récemment.
Pour les banques centrales, la question n’est pas de savoir si elles souhaitent ou non un étalon-or (elles n’en veulent pas) mais si elles seront peut-être forcées d’en adopter un pour provoquer de l’inflation. Le principe, ce serait de revenir à un étalon-or mais moyennant un cours bien plus élevé : 5 000 dollars l’once, peut-être, voire plus. Le cours non déflationniste et tacite de l’or, selon un nouvel étalon-or assorti d’une masse monétaire M1 (comprenant les espèces, les réserves et dépôts bancaires) adossée à 40% d’or (c’était ce pourcentage, lors de la création de la Fed en 1913), serait de 10 000 dollars l’once.
Bien sûr, ce prix pourrait être bien plus élevé avec un masse monétaire adossée à 100% d’or, ou si l’on utilisait comme référence une masse monétaire M2 (la masse M1 + les fonds monétaires et quelques autres instruments). Le chiffre exact importe moins que le fait que le cours de l’or envisagé devrait être bien plus élevé que le cours actuel afin d’obtenir l’inflation désirée.
Bien sûr, le but d’un cours officiel bien plus élevé n’est pas de récompenser les détenteurs d’or, mais plutôt de faire grimper les prix de tout le reste.
C’est exactement ce qu’a fait Franklin D Roosevelt en 1933 lorsqu’il a augmenté le cours de l’or de près de 75%, le faisant passer de 20,67 dollars l’once à 35 dollars. Le but était alors de provoquer l’inflation des prix du coton, du cuivre, de l’acier et des actions. Cela a fonctionné à merveille. L’inflation des matières première et les cours des actions ont décollé en 1933-1936 et le chômage a baissé (quoiqu’en partant de niveaux très élevés). Roosevelt s’est assuré que les détenteurs d’or — qu’il appelait les « entasseurs » (hoarders) — n’en tirent aucun profit : Roosevelt a confisqué l’or du secteur privé avant d’en augmenter le cours.
Cette confiscation pourrait se reproduire, mais elle n’est pas nécessaire. Le gouvernement peut augmenter le cours de l’or par décret, sans se préoccuper que les détenteurs du secteur privé en profitent ou non.
Ce genre de « choc de l’or », destiné à provoquer de l’inflation, pourrait également être mis en oeuvre au niveau international, en le combinant aux DTS, pour en faire de nouveaux DTS adossés à l’or. Ce serait ironique car les premiers DTS de 1969 ont été brièvement adossés à l’or selon un montant défini.