La Chronique Agora

Et si l’Etat confisquait votre or ?

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L’or sert à vous protéger en période d’incertitude, d’inflation et de dévaluation… mais saviez-vous que l’Etat lui-même peur représenter un risque ? Peut-il confisquer votre or ? L’a-t-il déjà fait dans le passé ? Et si oui, pourrait-il recommencer ?

La période actuelle nous le rappelle cruellement : du jour au lendemain, un gouvernement, même démocratiquement élu, peut s’octroyer les pleins pouvoirs et prendre des décisions unilatéralement pour une durée indéterminée.

Mais peut-il aller jusqu’à vous confisquer l’or que vous avez acquis de manière tout à fait légale ?

Remontons un peu dans le temps…

Etats-Unis (1933)

On lit très souvent :

« En 1933, le président Roosevelt a confisqué l’or des citoyens américains. »

En fait, non. Même si cela reste l’exemple le plus célèbre, il s’agit d’une réquisition et non d’une confiscation.

Pendant la Grande dépression, les investisseurs craignent une dévaluation et préfèrent détenir de l’or physique que des dépôts bancaires ou de la monnaie papier.

Le 5 avril 1933, le président Franklin D. Roosevelt signe l’Executive Order 6102 qui interdit la détention de pièces, de lingots ou de certificats d’or sur le territoire des Etats-Unis. Les Américains sont obligés de revendre leur or au gouvernement au prix de 20,67 $/once.

Le 30 janvier 1934, Roosevelt signe le Gold Reserve Act et fait passer le prix de l’or à 35 $/once. Cela revient à dévaluer le dollar face à l’or et aux autres devises qui restent arrimées à l’or ; les Américains perdent 40% de pouvoir d’achat du jour au lendemain, tandis que la Réserve fédérale apprécie ses réserves de 69%.

Il faut attendre 1974 pour que les citoyens américains soient à nouveau autorisés à posséder plus de 100 $ en or.

Pour information, voici la dernière ligne de l’Executive Order 6102 :

« Ce décret et réglementations peuvent être modifiés ou révoqués à tout moment. »

Oui, un gouvernement peut changer les lois quand il le veut. Cela dit, rien n’indique que le gouvernement ait envoyé la police perquisitionner chez les citoyens ou fait ouvrir les coffres-forts.

Dans son ouvrage Investir dans les métaux précieux, Yannick Colleu écrit que cela a permis à l’administration Roosevelt de récolter 500 tonnes d’or. A l’époque, le Trésor américain en possédait près de 9 000 tonnes.

Dans A Monetary History of the United States, l’économiste Milton Friedman indique qu’environ 22% de l’or en circulation aurait été rapporté.

Il existe d’ailleurs encore aujourd’hui un marché secondaire où s’échangent les pièces d’or d’avant 1933.

France (1720)

Après la Guerre de succession d’Espagne (1701-1714) et les autres conflits qui ont marqué le règne de Louis XIV, les finances du royaume de France sont au plus mal. La dette atteint un record et s’élève à 2,8 milliards de livres, soit dix années de recettes.

En 1715, un Ecossais du nom de John Law propose une solution et convainc le duc d’Orléans, régent du royaume. L’idée de John Law est de rembourser la dette en créant de la monnaie papier.

Mais la situation va s’emballer. L’augmentation de la masse monétaire va entraîner des bulles et de l’inflation. Les citoyens vont se tourner vers l’or et l’argent pour se protéger contre la dévaluation de la monnaie.

Et en 1720, Law interdit la possession de plus de 500 livres de métaux précieux par foyer, sous peine de confiscation et d’amende. Une récompense serait promise aux dénonciateurs, et des perquisitions auraient lieu. Le peuple est en colère et fait arrêter les « semeurs de faux bruits », qui sont déportés dans les colonies.

Pour décourager le public de la monnaie métallique, John Law finit par suspendre la valeur libératoire de l’or (qui permet de rembourser une dette)… mais la chute est inévitable, le système explose sous le poids des bulles spéculatives et de toute cette monnaie papier.

Les billets de banque sont finalement supprimés, l’Etat se déclare en faillite et John Law s’enfuit à Venise.

En 1721, la commission du visa, chargée de déterminer qui récupérera son épargne et qui la perdra, recevra 2,2 milliards de titres sur un total de trois à quatre milliards.

L’Etat n’en reconnaîtra que 1,7 milliard, ce qui revient à diviser par deux la dette publique française laissée par Louis XIV.

Australie (1959)

Avec le Banking Act de 1959, l’Etat australien se donne le droit de requérir l’or des particuliers si le gouverneur l’estime « opportun pour la protection de la monnaie ou du crédit public du Commonwealth ».

Là aussi, les citoyens sont obligés d’échanger leur or contre de la monnaie papier.

Il est difficile de dire si des saisies ont effectivement eu lieu, ou combien de citoyens ont obéi à la loi, mais le marché de l’or a été anéanti du jour au lendemain. Plusieurs de ces dispositions ont été en vigueur jusqu’au 30 janvier 1976.

Grande-Bretagne (1939 et 1966)

La Deuxième guerre mondiale éclate le 1er septembre 1939. Le 3 septembre 1939, le gouvernement britannique ordonne à ses résidents de lui remettre leurs pièces et lingots d’or pour soutenir l’effort de guerre.

Le gouvernement est tenu de payer l’or qu’il saisit au prix du marché.

Cette mesure est imposée alors que la Grande-Bretagne a abandonné l’étalon-or en 1931. Elle montre qu’un gouvernement est donc tout à fait capable d’interdire l’or même si celui-ci ne fait pas partie du système monétaire.

Ces mesures sont entérinées dans le Exchange Control Act en 1947.

En 1966, l’Exchange Control Order oblige les résidents britanniques à ne conserver au maximum que quatre pièces d’or frappées après 1837, dans l’espoir de freiner la perte de valeur de la livre sterling.

D’après le professeur de droit Arthur Nussbaum, contrairement aux restrictions américaines, qui ne s’appliquaient pas aux bijoux, le gouvernement britannique a interdit l’or sous toutes ses formes, y compris la vaisselle et les chaînes.

Et si les restrictions de Roosevelt ne s’appliquent pas à l’or des Américains stocké à l’étranger, les restrictions britanniques s’appliquent également aux avoirs des Britanniques à l’étranger.

En revanche, la loi américaine s’applique aux résidents étrangers vivant aux Etats-Unis alors qu’au Royaume-Uni, les étrangers sont toujours autorisés à acheter et à vendre de l’or.

Margaret Thatcher a fini par abolir le contrôle des changes en 1979.

Il existe bien d’autres exemples, et de plus extrêmes : Lénine, Hitler, Mussolini, Castro, Saddam Hussein…

Même en France entre 1939 et 1948…

Peu importe qu’un gouvernement soit communiste, fasciste ou démocrate, ils ont tendance à agir de la même manière quand ils sont acculés.

L’or est un bouclier en cas de crise, mais il ne vous rend pas invincible. L’Etat peut interdire l’or pour tenter de sauver sa monnaie papier, vous obliger à le vendre, voire le confisquer, pour contribuer à un quelconque effort de guerre patriotique pour sauver « la Nation »… ou tout autre prétexte à sa disposition.

Une confiscation est-elle possible aujourd’hui ?

Bien sûr, la réponse est oui. Tout est possible, même si un grand nombre des exemples passés sont des réquisitions plutôt que de réelles confiscations.

De plus, les temps ont changé : pas d’étalon-or, très peu de gens possèdent de l’or. Les banques centrales peuvent créer de la monnaie fiduciaire sans limite.

Le gouvernement choisira sans doute d’abord la facilité : inflation, taxe sur les comptes bancaires, l’immobilier… C’est plus pratique que de traquer l’or physique des citoyens.

En réalité, il est difficile de prédire à quoi ressemblera une éventuelle future confiscation/réquisition/nationalisation.

L’Etat pourrait très bien imposer des interdictions, des restrictions ou tout simplement des taxes sur l’or sans pour autant mettre la main dessus.

Mais alors, à quoi bon essayer de protéger son patrimoine si l’or peut être confisqué, réquisitionné, nationalisé ou interdit à tout instant…

Eh bien… en cas de naufrage, vous refuseriez une bouée de sauvetage parce que vous risquez de vous la faire confisquer ?

Alors que faire ?

D’abord, bien comprendre que le risque zéro n’existe pas. Et ensuite…

Diversifier avec l’argent-métal ?

Oui, même si l’argent a déjà fait l’objet de « confiscations » comme aux Etats-Unis en 1934 via l’Executive Order 6814 (les pièces étaient exemptées).

Aujourd’hui, ni l’or ni l’argent ne font partie du système monétaire. Le risque est de voir l’Etat cibler purement et simplement tout ce qui peut aider à échapper au piège de la monnaie papier.

Acheter des pièces de collection ?

Une exception a été faite pour les collectionneurs de pièces numismatiques en 1933. Il revenait cependant au détenteur d’or de prouver qu’il était un collectionneur et non un investisseur.

De plus, le risque de commettre une erreur augmente à l’achat, car le marché numismatique est plus complexe.

Stocker à l’étranger dans une juridiction plus stable ?

Si votre or est plus difficile à confisquer, vous augmentez vos chances de le garder. Bien sûr, cela engendre d’autres risques à considérer également.

Diversifier avec des bijoux ou des jetons ?

Pourquoi pas, mais la prime sur les bijoux est plus élevée et l’Etat peut les taxer ou les interdire, même si c’est moins probable.

Un jeton peut avoir la forme d’une pièce sans l’être véritablement, car il n’aura pas de valeur faciale, ni de cours légal.

Ne vous laissez pas effrayer par le risque de confiscation, mais intégrez ce risque dans votre stratégie.


[NDLR : Retrouvez plus d’analyses et de recommandations de Vincent Denis sur son site, GoldConsulting.be]

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