La Chronique Agora

Est-ce que nous nous trompons sur toute la ligne ?

Il faut désormais travailler plus pour se payer les mêmes choses : le pouvoir d’achat diminue… quoi qu’en disent les économistes « modernes ».

Aujourd’hui, nous retournons à notre dur labeur : relier les points… et tenter de comprendre ce qu’il se passe vraiment.

Nous commençons par George Gilder. Nous sommes fan de Gilder depuis au moins 40 ans. Son livre The Scandal of Money [« Le Scandale de la monnaie », NDLR], par exemple, est excellent. Il décrit la manière dont le gouvernement a abusé de son pouvoir sur la devise – préférant l’utiliser pour escroquer le citoyen moyen afin de récompenser les spéculateurs et les initiés.

Nous sommes fier et heureux de l’accueillir au sein de l’équipe Agora mondiale.

Mais certains de nos lecteurs à l’œil affûté se posent des questions : « Les études de Gilder ne montrent-elles pas que vous vous trompez sur toute la ligne ? »

En deux mots, nous disons que la situation empire ; il affirme qu’elle s’améliore. Aujourd’hui, nous essayons de réconcilier les deux points de vue.

Et nous abordons le sujet, comme d’habitude, par des moqueries et des sarcasmes gratuits.

Péchés cardinaux

Oui, cher lecteur, nous nous préparons à annoncer notre tout premier Prix Paul A. Samuelson. Il est donné à un économiste qui commet l’un des péchés cardinaux de la profession : projeter ses modestes observations là où elles ne sont pas censées aller.

Samuelson a été qualifié de « père de l’économie moderne ». Il a engendré toute une race d’économistes modernes, et s’est vu attribuer un Prix Nobel – principalement pour avoir additionné de nombreux chiffres et fait semblant de transformer l’économie en science.

La plus célèbre illustration de son travail, c’est son étude sur l’Union soviétique. Il a réalisé qu’il pouvait compter les tonnes d’acier sortant des sinistres fonderies soviétiques, ainsi que les kilowatts générés par le pays. Selon lui, cela révélait que l’économie soviétique se développait plus rapidement que celle des Etats-Unis et surpasserait cette dernière « d’ici 1997 au plus tard ».

De la même manière, Gale Pooley et Marian Tupy observent avec sagacité que l’être humain moyen est plus aisé aujourd’hui qu’il y a 40 ans. Ils affirment que c’est parce que la technologie et les innovations ont réduit le prix de « 50 biens fondateurs » (ces derniers seraient 64% moins chers, selon leurs calculs), en termes du temps nécessaire à une personne moyenne pour les acheter.

George Gilder cite fréquemment Pooley et Tupy. Il a récemment utilisé leur travail pour démontrer que nous nous trompions sur les maux du prolétariat américain. Voici le courrier de l’un de ses lecteurs… sa réponse… et des précisions de la part de Gale Pooley : 

Question du lecteur :

« Je ne comprends pas, parce que selon les recherches de Bill Bonner & co., un travailleur américain met près de deux fois plus longtemps pour se payer une camionnette F150 qu’en 1970. L’alimentation et autres produits de base sont-ils devenus moins chers tandis que les biens manufacturés sont devenus plus coûteux ? »

– Jay A. 

Réponse de Gilder :

« C’est peut-être une cause perdue mais… je dois souligner que les produits manufacturés (cf. l’iPhone) ont chuté en termes de temps/prix bien plus rapidement que l’alimentation et autres produits de base depuis 1982, la date de départ utilisée par Tupy et Pooley pour leurs chiffres.  

Je ne suis pas un expert en matière de camionnettes F-150, mais à en juger par les avancées générales de la technologie automobile, je soupçonne qu’on a désormais affaire à un tout nouveau produit, avec quelque 600 puces informatiques, la connectivité sans fil, des dizaines de nouvelles caractéristiques, une meilleure sécurité, plus durable, et parcourant près de deux fois plus de distance avec la même quantité de carburant. »

Pooley en rajoute une couche :

« Selon le guide de la NADA, l’Association américaine des concessionnaires automobiles, en 1970, on pouvait acheter une Ford F150 de base pour 2 599 $. Le salaire ouvrier moyen était de 3,93 $/heure, ce qui nous donne un prix/temps de 661,3 heures.  

En 2019, un F150 de base vaut désormais 28 155 $, et le salaire moyen d’un ouvrier tourne autour des 32,50 $ de l’heure, indiquant un prix/temps de 866,3 heures.

 Cela indiquerait une augmentation en prix/temps d’environ 30%.  

Sauf que le modèle 2019 est complètement différent du modèle 1970.  

Le kilométrage est 100% meilleur, à 22 miles/h en ville/30 sur autoroute, contre 12 en ville/14 sur autoroute.

 Parmi les autres différences, il y a les facteurs de puissance, de sécurité et de confort.

 Si l’on devait faire une estimation conservatrice de tous ces facteurs, en déterminant qu’ils sont 100% meilleurs que le modèle de 1970, le prix/temps de 2019 par rapport à 1970 a en fait chuté à 433 heures, indiquant une réduction de 35%. »  

Remettons de l’ordre

Pour commencer, remettons les chiffres en ordre. Selon Pooley et Tupy, l’ouvrier moyen doit travailler 30% d’heures en plus pour se payer un F150. Nos chiffres montrent qu’on est plus probablement à 100%.

Nous sommes d’accord sur les prix du F150. Nous sommes d’accord sur le salaire moyen en 1970. Mais quel salarié moyen empoche 32,50 $ de l’heure de nos jours ? Pooley doit ajouter les « avantages » en nature à ses chiffres, comme il le fait pour les produits.

Selon le Bureau américain des statistiques de l’emploi, le travailleur moyen gagne 23,59 $ de l’heure – ce qui est bien plus proche de la réalité. A ce stade, un salarié investit près 1 194 heures de travail pour acheter un F150 aujourd’hui. En 1971, il y consacrait quelque 661 heures. Est-ce deux fois plus environ ? Quasiment.

La principale erreur, en revanche, va au-delà des chiffres. Suivant les traces de Samuelson, Pooley et Tupy transforment leurs calculs en un aller simple pour un monde de fantasmes. Peu importe que le F150 coûte plus cher, disent-ils, parce qu’il « vaut » plus.

Ont-ils raison ? C’est ce que nous verrons demain…

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