Le fantastique faux pas de la Fed est imminent.
La semaine dernière a été une très bonne semaine pour Wall Street, les opérateurs étant persuadés que si la solution n’était pas encore trouvée, elle le serait bientôt. Ce n’était qu’une question de temps, pensaient-ils, avant que la Fed ne « pivote » enfin et que les jours heureux reviennent. Voici ce que rapporte le Wall Street Journal, au sujet de la conférence de presse de la Fed de mercredi dernier :
« En septembre, les autorités avaient prévu une nouvelle hausse des taux cette année, suivie de deux baisses l’année prochaine, ce qui aurait porté le taux des fonds fédéraux à environ 5,1%. Mercredi, les responsables ont finalement prévu de l’abaisser à environ 4,6% d’ici à la fin de 2024, ce qui équivaut à trois réductions d’un quart de point par rapport au niveau actuel. »
C’est assez proche d’un véritable pivot. Les opérateurs ont pu prendre leurs positions, plus ou moins convaincus d’avoir le soutien de la Fed.
Mais ce à quoi les gouverneurs de la Fed s’attendent ne se produit généralement pas.
Au cours de la période 2020-2021, par exemple, toute personne dotée d’un cerveau pouvait comprendre qu’inonder l’économie de 6 000 milliards de dollars d’argent frais… tout en réduisant la production en mettant à l’arrêt une grande partie de l’économie… entraînerait une hausse des prix à la consommation. Mais la Fed ne l’a pas vu, ou n’a rien voulu dire.
Toujours pas d’idée
Ensuite, lorsque l’inflation a soudainement repris, la Fed n’a absolument pas compris ce qui se passait, insistant sur le fait qu’il s’agissait d’une situation « transitoire ». En avril 2021, alors qu’elle aurait dû s’employer à élever la digue avant que le tsunami ne frappe, la Fed – avec ses centaines d’économistes titulaires d’un doctorat – n’avait toujours pas la moindre idée de ce qui se passait. Jerome Powell, le 28 avril 2021, nous disait :
« Nous souhaitons que l’inflation soit un peu plus élevée qu’elle ne l’a été en moyenne au cours du dernier quart de siècle. Nous voulons qu’elle atteigne les 2%, et non les 1,7%. »
Un an plus tard, l’IPC dépassait les 9%. Oups.
Qu’en est-il aujourd’hui ? L’IPC se situe autour de 4%. Il a baissé récemment, mais reste à un niveau que nous n’avions pas vu depuis plus de 30 ans. Le budget fédéral, quant à lui, se dirige vers un déficit de 2 000 milliards de dollars, qu’il faudra bien financer d’une manière ou d’une autre. Et même aujourd’hui, après 22 mois de hausses de taux, le taux directeur de la Fed n’est supérieur à l’inflation que de 1,3%.
A ce stade, il est impossible de savoir si les prix à la consommation augmentent ou diminuent, à court terme. Et la principale menace à laquelle les investisseurs sont confrontés est la déflation du prix de leurs actifs… toujours à court terme.
A plus long terme, cependant, il semble peu probable que les autorités soient en mesure de résister au gonflement de la masse monétaire. La première vague d’inflation des prix à la consommation est retombée. Mais les courants « mégapolitiques » – les tendances plus profondes, généralement invisibles – vont toujours dans la même direction. Nous ne pensons pas qu’ils changeront de sitôt.
Une maladie mentale grave
Le concept de la mégapolitique, selon lequel les tendances les plus importantes se produisent sous la surface, a été développé par nos amis James Davidson et William Rees-Mogg. Voici comment cela fonctionne.
Aux Etats-Unis, 57 millions de personnes souffriraient de « maladies mentales graves ».
Statistiquement, un membre du Congrès sur cinq est susceptible d’être atteint de troubles mentaux. De même, 2 ou 3 des 12 membres du Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale sont probablement atteints d’une lésion cérébrale.
Il est tentant d’imputer un grand nombre de nos politiques publiques à une forme de déficience mentale. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel. Les hommes politiques et le reste de l’élite ne font pas des choses « stupides » parce qu’ils sont stupides, mais parce qu’ils sont entraînés par une tendance mégapolitique. Dans le cas présent, ils ont été corrompus, achetés et payés par un empire en décomposition. Ils reçoivent de l’argent de l’industrie militaire, pharmaceutique, sociale, raciste et sexiste ; ensuite, ils dansent sur les airs qui leur sont joués.
Notre rôle n’est pas de pointer du doigt les responsables – ni les crétins du Congrès, ni les imposteurs de la Fed, ni leurs copains et profiteurs du secteur privé. Si nous avions été élus ou nommés à des fonctions publiques, nous aurions pu faire la même chose. Notre tâche consiste simplement à déterminer ce qu’ils envisagent de faire par la suite.
Pourquoi le Congrès vote-t-il pour augmenter les dépenses militaires, et produire plus d’armes mortelles pour l’Ukraine et Israël ? Le portefeuille des Etats-Unis est vide. En outre, la guerre en Ukraine est une cause perdue (et pas une bonne). Et Israël – le pays le plus riche et le plus puissant de la région – peut se débrouiller tout seul.
Mais il y a trop d’argent en jeu pour que les politiciens disent « non ». En ce sens, les Russes et les Palestiniens ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. S’ils s’étaient pris en main, s’ils avaient engagé le fils du président, s’ils avaient soudoyé des membres du Congrès, s’ils avaient offert d’énormes cadeaux aux universités et s’ils avaient acheté une grande partie des médias américains, nous serions aujourd’hui en train d’envoyer des armes à la Russie et d’extraire des enfants israéliens des décombres.
Du pain et du beurre
Le bien et le mal n’ont (presque) rien à voir avec cela. Les hommes politiques discutent de ce que nous « devrions » faire… mais ils ne sont que les porte-parole de forces mégapolitiques qu’ils ne comprennent pas, ni ne contrôlent. Les nouvelles technologies vont et viennent. Les empires s’élèvent et s’effondrent. L’argent, le pouvoir, le statut fluctuent…
Certes, que ce soit en théorie ou en pratique, la Fed n’a pas le pouvoir d’améliorer les décisions prises par les investisseurs, les consommateurs et les hommes d’affaires, c’est-à-dire les personnes qui prennent des risques. Mais être un économiste célèbre à la Fed – c’est-à-dire prétendre rendre le monde meilleur – n’est pas un métier si terrible. Alors oui, il faut serrer beaucoup de mains et dire beaucoup de choses, dont on sait qu’elles ne sont que du charabia. Néanmoins, vous gagnez correctement votre vie, votre nom apparaît dans les journaux et vous pouvez même gagner de l’argent en anticipant les décisions de la Fed. Et puis, après avoir quitté la Fed, comme Janet Yellen, vous pouvez toucher des millions en honoraires de conférencier de la part des banques dont vous avez contribué à beurrer le pain.
Oui, c’est bien là le problème, cher lecteur. Les choses ne fonctionnent pas comme vous pensez qu’elles devraient fonctionner. En pratique, s’il n’y avait pas de chicanerie, de stupidité et d’hypocrisie, au moins la moitié de tous les titres de journaux n’existeraient pas, et la majorité des « politiques publiques » disparaîtrait.
La Fed, par exemple, n’opère pas dans un monde de logique pure et de prise de décision innocente. Elle opère dans le monde réel. Le monde de la mégapolitique. Ses annonces publiques peuvent n’être que du bla-bla et de la foutaise. Mais sa véritable mission est de s’assurer que ses frères du secteur bancaire n’aient pas trop d’obstacles à surmonter.