La Chronique Agora

Errements et illusions des économistes

▪ Le Dow Jones a perdu 93 points jeudi dernier. L’or se maintient au-dessus des 1 100 $. Il n’y a aucun signe de panique. Mais nous n’avons pas baissé le drapeau d’alerte au krach : on ne sait jamais.

Nous sommes à Rome. Enfin, à l’aéroport de Rome, en transit pour Londres. Alitalia offre les meilleurs prix pour les vols vers Buenos Aires. Mais l’avion nous a beaucoup déçu. La nourriture était bonne, les hôtesses étaient charmantes mais les fauteuils de la business class ne se baissaient pas complètement. Après les 10 premières heures, c’est devenu très inconfortable. Ah, les pauvres économistes !

Mais si vous voulez être un homme international, comme dirait notre ami Doug Casey, il faut supporter quelques contraintes. Pourquoi voudriez-vous être un homme international ? Comme l’observe un autre de nos vieux amis, Marc Faber, voyager est une bonne chose. Vous ouvrez vos perspectives. Et vous réalisez que beaucoup de choses que vos compatriotes trouvent normales sont absurdes pour d’autres. "Plus vous regardez, plus vous voyez," voilà notre dicton.

▪ Une des choses que les Américains trouvent normale et prennent pour acquise, c’est qu’ils seront toujours les gens les plus accomplis et les plus riches du monde. Ils le pensent parce que c’est ce qu’ils ont toujours connu. L’économie américaine est devenue la plus importante du monde avant 1900. Les Américains avaient tout ce qu’il fallait pour être les gens les plus riches de la planète. Ils travaillaient dur. Ils épargnaient. Il n’y avait que très peu d’intervention du gouvernement. La révolution industrielle les poussait vers l’avant…et il n’y avait aucun obstacle sur leur chemin. Et ils avaient un dollar qui était "aussi bon que l’or".

Le temps que les enfants du baby-boom naissent, les Etats-Unis devançaient tellement le reste du monde qu’il semblait que rien ne pourrait les arrêter. La liberté d’entreprise garantissait de nouvelles innovations et de nouvelles richesses. La démocratie garantissait un système politique qui s’adapterait aux besoins de l’économie en pleine évolution.

Mais rien ne dure indéfiniment. En vieillissant, l’économie américaine et son système politique sont devenus de plus en plus rigides et de plus en plus coûteux, avec des subventions et des renflouements à tous les niveaux. Les grandes entreprises sont protégées. Des millions de gens sont encouragés à ne pas travailler. Toute l’industrie financière est plongée dans un gros pot de miel. Et toute la population est encouragée à ne pas épargner, mais à dépenser.

Pourquoi s’ennuyer à mettre de côté pour la retraite : il y a la Sécurité sociale. Pourquoi s’ennuyer à mettre de côté en cas de problème de santé : il y a le nouveau remaniement du système médical entrepris par le gouvernement ! Pourquoi s’ennuyer à épargner tout simplement ; le gouvernement a fixé les taux à court terme si bas que vous ne gagnerez rien.

Au cours de nos voyages, nous avons remarqué qu’il y a beaucoup de gens intelligents dans le monde. Et tous transpirent, luttent et s’évertuent à prendre la première place. Vous ne savez jamais d’avance qui va gagner la course, mais vous pouvez être sûr que personne ne va rester premier à jamais.

"Les salaires américains sont disproportionnés", annonce le New York Times. C’est signaler ce qui est déjà évident. Les Américains sont trop payés, comparé aux autres gens dans le monde qui travaillent tout aussi dur, et qui aujourd’hui – principalement grâce aux dirigeants – ont autant de capital que nous.

Les salaires vont baisser aux Etats-Unis – sûrement à cause du chômage et de l’inflation. Par conséquent, le niveau de vie des Américains va lui aussi baisser par rapport au reste du monde.

▪ Pendant ce temps, en Allemagne…

Des générations de dirigeants de la Banque centrale allemande ont bien appris la leçon. Ils ont vu ce qui s’était passé quand l’hyperinflation avait atteint des niveaux incroyables dans les années 20. La classe moyenne a disparu en seulement quelques jours. Les gens ont perdu la foi, pas seulement en leur devise, le deutsche mark, mais aussi en l’Allemagne elle-même… et en toutes les anciennes valeurs. En un rien de temps, ils se sont retrouvés avec un Chancelier qui portait un uniforme ridicule, et en route pour l’enfer.

Plus récemment, la dernière génération de dirigeants de la Banque centrale allemande s’est inquiétée à cause de l’euro. Ils n’avaient aucun doute concernant leur propre économie. Ils avaient la colonne vertébrale solide pour protéger leur nouvelle devise. Mais qu’en était-il des Italiens ? Des Grecs ? Des Irlandais ?

Eh bien, ils n’ont plus de raisons de s’inquiéter. Aujourd’hui, le déficit allemand est plus élevé que le déficit italien.

Comment est-ce possible ? Il y a les balivernes habituelles – les milliards des plans de soutien, le besoin de maintenir les services sociaux alors que les revenus fiscaux baissent, le besoin de renflouer l’Est, etc. Mais la vraie raison, c’est que les vieux économistes allemands sont morts. L’un des derniers était notre collègue Kurt Richebächer.

A chacune de nos rencontres, Kurt se plaignait des économistes américains et anglais.

"Ah…vous les économistes anglo-saxons, vous ruinez le monde," disait-il. Kurt refusait d’avoir affaire au Keynésianisme. Ou au monétarisme. Ou à aucune des tendances en économie. De plus, il avait vécu l’hyperinflation allemande, la montée du National Socialisme, la Seconde Guerre mondiale, la partition, et enfin, la réunion. Il savait qu’il n’y avait pas de cadeaux, pas de choses faciles, et pas de panacées. Il savait également que les gens qui promettaient des miracles étaient de dangereux imposteurs. La richesse est le résultat du travail, de l’épargne, de l’innovation, de l’investissement et de la persévérance. Il n’y a pas de miracle. Pas de secret.

▪ La richesse résulte du travail et de l’épargne, et elle est détruite par la consommation et la dette. Quand vous empruntez de l’argent, vous devez le rembourser. Puis, votre richesse diminue. Vous devez baisser de niveau de vie et piocher dans le capital que vous avez mis de côté les années passées. Vous pouvez essayer d’esquiver et de fuir, mais cela ne fera qu’empirer la situation.

Kurt avait raison.

Mais maintenant Kurt n’est plus là. Une nouvelle génération d’économistes a pris le dessus. Nés après la guerre, ils ne connaissent les temps difficiles que par le biais des films et des livres d’histoire. Ce n’est pas qu’ils ont oublié les vérités d’autrefois ; ils ne les ont jamais apprises. Ils ont suivi des formations à Harvard ou à Chicago et ont étudié des inepties comme l’Hypothèse d’un Marché Efficace et la Théorie du Portefeuille Moderne.

Ils pensent que la clé de la prospérité, c’est de dépenser. Les consommateurs dépensent jusqu’à n’en plus pouvoir. Puis c’est au tour du gouvernement. C’est la raison pour laquelle les Allemands ont un tel déficit. Ils pensent devoir continuer à dépenser – à tout prix – pour relancer l’économie. Comme le signalait souvent Kurt, cela n’a aucun sens d’un point de vue théorique et il n’y a aucune preuve que cela fonctionne dans la pratique. A chaque fois que les gouvernements sont intervenus avec de grosses cuillérées de dépenses, ils ont rendu les choses encore plus compliquées. Soit en encourageant le secteur privé à se lancer dans d’autres agissements imprudents qui mènent à l’insolvabilité, soit en bloquant le processus de corrections.

Tout ça c’est du baratin. Angela, vous devriez avoir honte.

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